Le Dialogue (Hurtaud)/135

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 145-149).


4ème Réponse

LA PROVIDENCE

DE LA MISERICORDE

CHAPITRE I

(135)

Commencement du Traité de la Providence de Dieu. Et d’abord, de la Providence en général, dans la création de l’homme à l’image et ressemblance de Dieu, dans l’incarnation de son Fils qui est venu nous ouvrir la porte du paradis fermé par le péché d’Adam — et dans le sacrement de l’autel où il se donne à nous en nourriture.

Alors le Père éternel et souverain, avec une bienveillance ineffable, abaissait sur cette âme le regard de sa clémence comme pour lui montrer, qu’en toutes choses, sa Providence ne fait jamais défaut à l’homme, pourvu qu’il l’accepte librement. Tout en se plaignant de ses créatures, il lui disait : O ma très chère fille, oui, comme je te l’ai dit cent fois, je Veux faire miséricorde au monde et pourvoir aux nécessités de ma créature raisonnable. Mais l’homme, dans son ignorance, trouve la mort là où j’ai mis la vie, et devient ainsi cruel à lui-même. Mais ma Providence est toujours en éveil, et je veux te faire comprendre que ce que j’ai donné à l’homme est un effet de cette Providence souveraine.

C’est ma Providence qui l’a créé, quand, regardant en moi-même, je fus épris d’amour pour ma créature et pris plaisir à le créer à mon image et ressemblance, suivant un ordre parfait. Je pourvus alors à lui donner la mémoire, pour qu’il conservât le souvenir de mes bienfaits, en le faisant participer de ma Puissance à moi, le Père éternel. Je lui ai donné l’intelligence pour que, dans la Sagesse de mon Fils unique, il connût et comprît la volonté a moi, le Père, distributeur éternel des grâces. Avec un amour de feu, je lui donnai la volonté, pour aimer ce qu’a vu et connu l’intelligence. Voilà ce qu’a fait ma douce Providence, pour que ma créature tût capable de me comprendre et de me goûter, et pût jouir de mon éternelle Bonté dans mon éternelle vision.

Comment atteindre cette fin ?

Comme je te l’ai dit maintes fois, le ciel était fermé par la faute d’Adam qui avait méconnu sa dignité pour n’avoir pas assez considéré avec quelle

Providence et quel amour ineffable je l’avais créé. Il tomba donc dans la désobéissance, puis de la désobéissance dans l’impureté, par orgueil et par complaisance pour la femme, aimant mieux céder et plaire à sa compagne que d’observer mon commandement. Bien qu’il ne crût pas ce qu’elle lui disait, il consentit à ce qu’elle lui proposait, préférant me désobéir plutôt que de la contrister. C’est de cette désobéissance, que sont venus et viennent encore tous les maux. En vous tous elle a inoculé son venin. Je t’expliquerai, en un autre endroit, les dangers de cette révolte, pour te faire mieux comprendre les avantages de la soumission.

Pour avoir raison de cette mort, je pourvus alors à donner à l’homme le Verbe mon Fils unique, pour subvenir à vos besoins par un acte de ma sagesse et de ma providence. C’est ma providence en effet qui, par l’amorce de votre humanité et l’hameçon de ma divinité, a résolu de prendre le démon, lequel ne peut connaître ma Vérité. Ma Vérité, le Verbe incarné est venu consumer et détruire le mensonge, par lequel il avait trompé l’homme. — Ce fut là un grand acte de ma Sagesse et de ma Providence.

Considère, fille très chère, que je ne pouvais employer un moyen plus sage que de vous donner le Verbe, mon Fils unique. A lui j’imposai la grande obéissance, pour vous purifier du venin qui, par la désobéissance, avait infecté la race humaine. Lui, dès lors, comme ivre d’amour, en véritable obéissant, il courut à la mort ignominieuse de la très sainte Croix, et par la mort il vous donna la vie non pas, parla vertu de son humanité, mais par la vertu de ma divinité, que ma providence avait unie à la nature humaine, pour satisfaire à la faute qui avait été commise contre moi le Bien infini, et qui requérait une satisfaction infinie. Il fallait que la nature humaine, coupable et finie, fût conjointe à un être infini., pour pouvoir m’offrir, à Moi, une réparation infinie, et pour toute la nature humaine, pour tous les hommes passés, présents et futurs.

J’ai voulu que, chaque fois qu’un homme m’offenserait, il pût trouver à m’offrir une satisfaction parfaite, dès qu’il voudrait retourner à moi durant sa vie. Et cette satisfaction parfaite vous est assurée par la nature divine unie à la nature humaine. C’est là, l’œuvre de ma Providence ; c’est elle qui a tout ordonné, pour que d’un acte fini, comme est le supplice de la croix, vous receviez dans mon Verbe un fruit infini, par la vertu de la divinité.

Cette Providence infime, ma providence à moi, Trinité éternelle, votre Dieu et votre Père, résolut de revêtir de sa grâce sa créature humaine, qui avait perdu sa robe d’innocence et, dépouillée de toute vertu, mourait de faim et de froid, dans le pèlerinage de cette vie où elle était exposée à toutes les misères. La porte du ciel était fermée, l’homme n’avait plus d’espérance, et n’en pouvait concevoir aucune qui le pût consoler dans son malheur. Il était plongé dans une immense affliction.

Mais moi, Providence souveraine, je pourvus à cette détresse. Ce ne furent pas vos mérites ni vos vertus, ce fut uniquement ma Bonté qui me porta à vous donner ce vêtement, par ce doux Verbe d’amour mon Fils unique, qui, en se dépouillant de la vie, vous a revêtus d’innocence et de grâce. Cette grâce, cette innocence, vous la recevez par la vertu du Sang : dans le saint baptême, qui vous purifie de la tache du péché originel, dans lequel vous avez été conçus et que vous ont transmis votre père et votre mère. Ce n’est pas par une peine corporelle, comme dans l’ancienne alliance par la circoncision, que mn providence procure cette purification, mais par la douceur du saint baptême. C’est ainsi que j’ai revêtu l’homme.

Et je l’ai réchauffé de même, lorsque mon Fils unique, par toutes les blessures de son corps, vous a découvert le feu de ma charité, qui était caché, jusque-là, sous la cendre de votre humanité ? N’est-ce pas assez pour réchauffer le cœur glacé de l’homme ? Ne faut-il pas qu’il soit bien obstiné dans son péché, bien aveuglé par l’amour-propre, pour ne pas voir à quel point je l’aime, et d’une si ineffable tendresse ?

Ma providence lui a donné encore la nourriture pour refaire ses forces, au cours de son pèlerinage en cette vie, comme je te l’ai déjà dit, en un autre endroit. J’ai aussi affaibli ses ennemis à tel point que nul ne peut lui nuire, si ce n’est lui-même. Le chemin a été tracé par le sang de mn Vérité, pour qu’il puisse atteindre le terme et parvenir à cette fin, pour laquelle je le créai. Et quelle est cette nourriture ? Je te l’ai déjà dit, c’est le corps et le sang du Christ crucifié, vrai Dieu et vrai homme, pain des anges et pain de vie : nourriture qui rassasie celui qui est affamé et fait ses délices de ce pain, mais laisse vide celui qui n’en a point faim. Car cette nourriture veut être mangée par la bouche du saint désir et savourée par l’amour. Tu vois donc bien que mn providence a tout disposé pour procurer à l’homme un réconfort.