Le Dialogue (Hurtaud)/85

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 291-296).


CHAPITRE LV

(85)

Comment ceux qui sont parvenus à cet état d’union sont illuminés dans leur intelligence, par une lumière surnaturelle infuse, par une grâce spéciale de Dieu. Et comment il est plus avantageux pour le salut de l’âme de suivre les conseils d’un esprit humble possédant une conscience sainte que ceux d’un savant orgueilleux.

C’est avec cette lumière, qui éclairait le regard de son intelligence, que me vit Thomas d’Aquin, et qu’il acquit les clartés multiples de la science, comme aussi Augustin, Jérôme et les autres Docteurs, et mes Saints. Eclairés par ma Vérité, ils entendaient et discernaient au milieu des ténèbres ma Vérité. Ils voyaient clair dans la sainte Ecriture, qui paraissait ténébreuse à ceux qui ne la pouvaient comprendre, non par le défaut de l’Ecriture, mais par le défaut de la raison qui ne l’entendait pas. C’est pourquoi j’ai envoyé ces flambeaux pour éclairer les esprits aveugles et grossiers, en élevant le regard de leur intelligence pour leur faire connaître la Vérité au sein des ténèbres, comme je l’ai dit.

Moi, le feu qui a consumé leur sacrifice, je les ai ravis en moi, en leur donnant la lumière, non pas naturelle, mais absolument surnaturelle. Cette lumière ils l’ont reçue au sein des ténèbres, et c’est par elle qu’ils ont connu ma Vérité. Cette Vérité, qui alors paraissait obscure, apparaît aujourd’hui en pleine lumière, aux esprits les plus grossiers comme aux plus subtils, à quelques nations qu’ils appartiennent, et chacun la reçoit selon sa capacité, et aussi suivant les dispositions qu’il veut apporter à la connaître, car je tiens compte de leurs dispositions.

Tu vois donc que l’œil de l’intelligence a reçu la lumière infuse par grâce, supérieure à la lumière naturelle, et, par elle, les Docteurs et les autres Saints ont connu la lumière dans les ténèbres. Ainsi des ténèbres est sortie la clarté, puisque l’intelligence fut avant que ne fût formée l’Ecriture, et c’est de l’intelligence ainsi éclairée qu’est venue la science, car c’est en voyant qu’elle discerne le vrai.

C’est grâce à cette lumière que les saints Patriarches et les Prophètes connurent et annoncèrent l’avènement et la mort de mon Fils. C’est elle qui éclairait les Apôtres, après l’avènement de l’Esprit-Saint qui les inonda d’une clarté surnaturelle. C’est elle aussi que possédaient les Evangélistes, et les Docteurs et les Confesseurs et les Vierges et les Martyrs, qui, tous, furent illuminés de cette parfaite lumière.

Et chacun l’a reçue de manière différente, suivant que le demandait son propre salut ou le salut des créatures, ou le besoin de ceux chargés d’enseigner les saintes Ecritures. Les saints Docteurs l’ont eue par la Science avec laquelle ils ont interprété la doctrine de ma Vérité, la prédication des Apôtres, les livres des Evangiles. Les Martyrs l’ont possédée, pour affirmer, par leur sang, la lumière de la très sainte Foi, le fruit et les trésors du Sang de l’Agneau. Elle était dans les vierges, par le sentiment de la charité et de la pureté. Elle est dans les Obéissants, qui manifestent l’obéissance du Verbe et témoignent de la perfection de l’obéissance qui s’est affirmée avec éclat dans ma Vérité, lorsque, pour accomplir le commandement que je lui avais imposé, Elle courut à la mort ignominieuse de la croix.

L’ancien et le nouveau Testament sont tout remplis de cette lumière. Dans l’Ancien, c’est cette lumière, infuse par ma grâce et ajoutée à la lumière naturelle, qui illumina l’intelligence des saints Prophètes et fit d’eux les Voyants, qui regardaient dans l’avenir. Dans le Nouveau, n’est-ce pas aussi par cette lumière, que tout le détail de la Vie évangélique est manifesté aux fidèles du Christ ? Et, parce que toutes deux procèdent de la même lumière, la loi nouvelle n’a pas abrogé la loi ancienne, elle en est inséparable, elle n’a détruit en elle que cette imperfection, d’être fondée uniquement sur la crainte. Quand vint le Verbe, mon Fils unique, avec la loi d’amour, il la compléta en lui donnant l’amour. A la crainte du châtiment, il substitua la crainte sainte. C’est ce que ma Vérité disait aux disciples pour leur montrer qu’il ne détruisait pas la loi : Je ne suis pas venu abroger la loi, mais la perfectionner (Mt 5, 17) . Comme s’il eût dit : " Jusqu’à maintenant la loi est imparfaite, mais, par mon Sang, je la ferai parfaite : je l’achèverai en ce qui lui manque, en faisant disparaître la crainte du châtiment, pour ne lui donner d’autre fondement que l’amour et la crainte sainte.

Et qui prouve que ce fut là la vérité ? La lumière surnaturelle qui, par grâce, fut donnée et qui est donnée toujours à qui la veut recevoir. Toute lumière qui sort de la Sainte Ecriture, est venue et vient de cette lumière. Les Ignorants orgueilleux, les Scientistes, s’aveuglent à cette lumière, parce que leur orgueil et le nuage de l’amour-propre recouvrent et cachent pour eux cette clarté. C’est pourquoi, ils entendent la Sainte Ecriture littéralement plus que spirituellement. Ils n’en goûtent que la lettre, à force de compulser les livres : ils ne savourent pas la moelle de l’Écriture, parce qu’ils se sont privés de la lumière qui l’a composée et qui aussi en révèle le sens.

Ces beaux savants s’étonnent On les surprend murmurant, quand ils voient de pauvres gens grossiers et sans instruction, goûter la Sainte Ecriture, et faire montre d’autant de lumière dans la connaissance de ma Vérité, que s’ils l’avaient étudiée bien longtemps ! Il n’y a là, pourtant, nulle merveille. Ils ont étudié, oui, mais leur étude a porté sur la cause principale, sur la Lumière elle-même, d’où procède la science. Mais comme ces superbes ont perdu cette lumière, ils ne voient pas, ils ne reconnaissent pas ma Bonté, dans cette lumière même, répandue par ma grâce dans mes serviteurs. Aussi je te dis, que, pour demander conseil sur le salut de l’âme, il vaut beaucoup mieux s’adresser à l’un de ces humbles, d’une conscience droite et sainte, qu’à un orgueilleux érudit, qui a fait par ses études le tour de la science.

Celui-ci ne peut donner que ce qu’il possède. Aussi bien souvent, à cause de sa vie de ténèbres, ce n’est que dans ces ténèbres, qu’il distribuera la lumière de la Sainte Écriture ; tandis que mes serviteurs répandent la lumière qu’ils possèdent en eux-mêmes, désireux et comme affamés du salut des âmes.

Tout cela, ma très douce fille, est pour te faire connaître la perfection de cet état d’union, où l’œil de l’intelligence est ravi par le feu de ma Charité, qui donne la lumière surnaturelle. Avec cette lumière l’on m’aime, parce que l’amour suit l’intelligence. Plus l’on connaît plus on aime, et plus l’on aime plus on connaît. Amour et connaissance s’alimentent ainsi l’un l’autre réciproquement.

C’est avec cette lumière, que l’âme séparée du corps entre dans l’éternelle vie où elle me voit et me goûte en toute vérité, comme je te l’ai dit, quand je te parlai de la béatitude que l’âme trouve en Moi.

Tel est cet état très excellent, où mes serviteurs, bien qu’encore mortels, goûtent les biens immortels qui sont le partage de ceux qui sont morts. Aussi parfois elle en arrive à une union si étroite avec Moi, qu’elle sait à grand’peine si elle est dans son corps ou si elle l’a quitté. Son union avec moi lui procure un avant-goût de la vie éternelle. C’est en faisant mourir en elle sa volonté, qu’elle a réalisé cette union en moi, car il n’est pas d’autre moyen de s’unir parfaitement à moi. Elle peut dès lors goûter la vie éternelle, après s’être ainsi délivrée de l’enfer de sa propre volonté. Et de même, l’homme qui vit selon les inspirations de son appétit sensuel, a comme un avant-goût de l’enfer, ainsi que je te l’ai dit.