Le Koran (Traduction de Kazimirski)/42

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Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 394-399).

CHAPITRE XLII.

LA DÉLIBÉRATION[1].


Donné à la Mecque. — 53 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Ha. Mim. Aïn. Sin. Kaf.[2]. C’est ainsi que Dieu, le Puissant, le Sage, te donne la révélation, comme il la donnait aux envoyés qui t’ont précédé.
  2. Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre lui appartient. Il est le Très-Haut, le Grand.
  3. Peu s’en faut que les cieux ne se fendent à leur voûte, de respect devant lui ; les anges célèbrent ses louanges et implorent son pardon pour les habitants de la terre. Certes, Dieu est l’Indulgent, le Miséricordieux.
  4. Dieu surveille ceux qui prennent pour patrons d’autres que lui. Et toi, ô Mohammed ! tu n’es point chargé de leurs affaires.
  5. C’est ainsi que nous t’avons donné la révélation en un livre arabe, afin que tu avertisses la mère des cités[3] et les peuplades d’alentour, afin que tu les avertisses du jour de la réunion[4], jour sur lequel il n’y a point de doute, jour où une partie des hommes sera dans le paradis, et une autre dans le brasier de l’enfer.
  6. Si Dieu avait voulu, il n’aurait établi qu’un seul peuple professant la même religion ; mais il donnera aux uns une place dans sa miséricorde, pendant que les méchants n’auront ni patron ni protecteur.
  7. Prendront-ils pour patrons d’autres que lui ? Cependant c’est Dieu qui est le véritable patron ; il fait vivre et il fait mourir, et il est tout-puissant.
  8. Quel que soit l’objet de leurs disputes, la décision en appartient à Dieu seul. C’est Dieu mon Seigneur ; j’ai mis ma confiance en lui, par le repentir je reviens à lui.
  9. Créateur des cieux et de la terre, il a créé des couples dans votre espèce, comme il a créé des couples dans l’espèce des bestiaux ; il vous multiplie par ce moyen. Rien ne lui ressemble ; il entend et voit tout.
  10. Il a les clefs du ciel et de la terre ; il répand ses dons à pleines mains sur qui il veut, ou les mesure, car il sait tout.
  11. Il a établi pour vous une religion qu’il recommanda à Noé ; c’est celle qui t’est révélée, ô Mohammed ! c’est celle que nous avions recommandée à Abraham, à Moïse, à Jésus, en leur disant : Observez cette religion, ne vous divisez pas en sectes. il (Dieu) est insupportable aux idolâtres,
  12. Ce culte auquel tu les appelles, Dieu choisit pour ce culte celui qu’il veut, et conduit à lui (à ce culte) celui qui, par son repentir, revient à Dieu.
  13. Ils ne se sont divisés en sectes que depuis qu’ils ont reçu la science, et c’est par jalousie. Si la parole de Dieu, qui fixe le châtiment à un terme marqué d’avance, n’avait pas été prononcée antérieurement, il eut déjà été décidé entre eux, bien que ceux qui ont hérité des Écritures après eux soient dans le doute à cet égard.
  14. C’est pourquoi invite-les à cette religion, et marche droit, comme tu en as reçu l’ordre ; n’obéis point à leurs désirs, et dis-leur : Je crois au livre que Dieu a révélé ; j’ai reçu l’ordre de prononcer entre vous en toute justice. Dieu est mon Seigneur et le vôtre ; j’ai mes œuvres et vous avez les vôtres ; entre nous et vous, point d’argument à faire valoir. Dieu nous réunira tous, car il est le terme de toutes choses.
  15. Quant à ceux qui cherchent à argumenter au sujet de Dieu après s’être soumis à lui, leurs raisons seront mises au néant. À ceux-là sa colère, à ceux-là un rude châtiment.
  16. C’est Dieu lui-même qui a envoyé réellement le Livre et la balance[5]. Et qui peut te faire savoir ? L’heure est peut-être proche.
  17. Ceux qui ne croient pas veulent la hâter ; ceux qui croient tremblent à son souvenir, car ils savent qu’elle est vraie. Oh ! que ceux qui doutent de l’heure sont égarés !
  18. Dieu est plein de bonté envers ses serviteurs ; il donne la nourriture à qui il veut ; il est le Fort, le Puissant.
  19. Celui qui veut cultiver le champ de la vie future, nous le lui agrandirons ; celui qui désire cultiver le champ de ce monde, l’obtiendra également, mais il n’aura aucune part dans l’autre.
  20. Auraient-ils par hasard des compagnons qui aient prescrit en fait de religion quelque chose que Dieu n’eût pas permis ? N’était la parole de la décision[6], il aurait déjà été prononcé entre eux ; certes les méchants subiront un supplice terrible.
  21. Un jour tu verras les méchants trembler à cause de leurs œuvres, et le châtiment les atteindra ; mais ceux qui croient et pratiquent le bien habiteront les parterres des jardins ; ils auront chez leur Seigneur tout ce qu’ils désireront. C’est une faveur Immense.
  22. Voilà ce que Dieu annonce à ses serviteurs qui croient et font le bien. Dis-leur : Je ne vous demande pour récompense de mes prédications que l’amour envers vos parents. Quiconque aura fait une bonne action, à celui-là nous en rehausserons la valeur. Dieu est indulgent et reconnaissant.
  23. Diront-ils : il (Mohammed) a forgé un mensonge sur le compte de Dieu ? Certes, Dieu, si cela lui plaît, peut apposer un sceau sur ton cœur[7], effacer lui-même le mensonge, et établir la vérité par ses paroles ; car il connaît l’intérieur des cœurs.
  24. C’est lui qui accueille le repentir de ses serviteurs, qui pardonne leurs péchés ; il sait ce que vous faites.
  25. Il exauce ceux qui croient et pratiquent le bien ; il les comble de ses faveurs. Le châtiment terrible est réservé aux incrédules.
  26. Si Dieu versait à pleines mains ses dons sur les hommes, ils deviendraient insolents sur la terre ; il les leur donne-dans la mesure qu’il lui plaît, car il est instruit de la condition de ses serviteurs, et il les voit.
  27. C’est lui qui a envoyé une pluie abondante quand les hommes désespéraient de l’avoir ; il répand ainsi sa miséricorde. il est le Protecteur, le Glorieux.
  28. Du nombre de ses miracles est la création des cieux et de la terre, et tous ces animaux qu’il a disséminés sur la terre. Il peut les réunir aussitôt qu’il le voudra.
  29. Si quelque calamité vous frappe, c’est à cause de l’œuvre de vos mains, et Dieu pardonne beaucoup.
  30. Vous ne prévaudrez pas contre lui sur la terre ; vous n’avez point de protecteur ni d’appui hormis Dieu.
  31. Du nombre de ces miracles sont ces navires qui fendent rapidement les flots et s’élèvent comme des montagnes ; s’il voulait, il calmerait le vent, les navires resteraient immobiles à la surface des eaux (certes, il y a dans ceci des signes pour tout homme constant et reconnaissant),
  32. Ou bien il les briserait ; mais il pardonne tant de péchés !
  33. Ceux qui disputent sur nos miracles apprendront un jour qu’il n’y aura point de refuge pour eux.
  34. Tous les biens que vous avez reçus ne sont qu’une jouissance temporaire ; ce que Dieu tient en réserve vaut mieux et est plus durable aux yeux de ceux qui croient et mettent, leur confiance en Dieu ;
  35. Qui évitent les grands péchés et l’impudicité ; qui, emportés par la colère, savent pardonner ;
  36. Qui obéissent à leur Seigneur, s’acquittent de la prière ; qui décident de leurs affaires communes en se consultant[8], et font des largesses des biens que nous leur avons dispensés ;
  37. Qui, ayant éprouvé un tort, le redressent eux-mêmes,
  38. Et rendent pour le mal un mal égal. Celui cependant qui pardonne et se réconcilie avec son adversaire, Dieu lui devra une récompense ; car il n’aime pas les oppresseurs[9].
  39. On ne pourra s’en prendre à l’homme qui venge une injustice qu’il aura éprouvée.
  40. On s’en prendra à ceux qui oppriment les autres, qui agissent avec violence et contre toute justice ; à ceux-là est réservé un supplice douloureux.
  41. C’est la sagesse de la vie que de supporter avec patience et de pardonner.
  42. Celui que Dieu égare, comment trouvera-t-il un autre protecteur ? Tu verras comment les méchants,
  43. A la vue des supplices, s’écrieront : N’y a-t-il plus moyen de retourner sur la terre ?
  44. Tu les verras amenés devant le lieu du supplice, les yeux baissés et couverts d’opprobre ; ils jetteront des regards furtifs. Les croyants diront : Voilà ces malheureux qui ont perdu eux-mêmes et leurs familles. Au jour de la résurrection, les méchante ne seront ils pas livrés au supplice éternel ?
  45. Pourquoi ont-ils cherché d’autres protecteurs que Dieu ? Celui que Dieu égare, comment retrouvera-t-il le chemin ?
  46. Obéissez donc à Dieu avant que le jour arrive que nul ne saurait faire reculer, lorsque Dieu le fera venir. Ce jour-là vous n’aurez point d’asile. Vous ne pourriez nier vos œuvres.
  47. S’ils se détournent avec dédain, tu n’es point leur gardien, ô Mohammed ! Tu n’es chargé que de porter le message[10]. Si nous accordons quelque faveur a l’homme, il set réjouit ; mais qu’un malheur, rétribution de ses propres œuvres, l’atteigne, il blasphème.
  48. Le royaume des cieux et de la terre appartient à Dieu. Il crée ce qu’il veut ; il accorde aux uns des filles, il donne aux autres des enfants mâles ;
  49. A d’autres il accorde des enfants des deux sexes, des fils et des filles ; il rend aussi stérile celui qu’il veut. Il est savant et puissant.
  50. Il n’est point donné à l’homme que Dieu lui adresse la parole ; s’il le fait, c’est par la révélation, ou à travers un voile[11].
  51. Ou bien il envoie un apôtre, afin que celui-ci par sa permission lui révèle ce que Dieu veut.
  52. C’est ainsi que nous t’avons révélé l’esprit par notre ordre[12], à toi qui ne savais pas ce que c’était que le Livre ou la foi. Nous en avons fait une lumière à l’aide de laquelle nous dirigeons ceux d’entre nos serviteurs qu’il nous plaît. Toi aussi, dirige-les vers le sentier droit,
  53. Vers la sentier de Dieu, de celui à qui appartient tout te qui est dans les deux et sur la terre. Toutes choses ne retourneront-elles pas à Dieu ?

  1. L’inscription de ce chapitre lui vient de la recommandation faite aux croyants de se consulter sur leurs affaires. On lui donne aussi pour titre les lettres placées en tête du premier verset.
  2. Voy. II, 1, note
  3. Mère des cités, métropole, c’est la Mecque.
  4. Le jour de la réunion est le jour du jugement dernier, où tous les êtres seront assemblés devant le tribunal de Dieu.
  5. Par la balance on entend ici soit la loi divine contenue dans le Koran, soit la justice distributive.
  6. C’est-à-dire, l’arrêt qui différait le châtiment.
  7. Il peut apposer un sceau sur ton cœur, c’est-à-dire il peut t’ôter ta mission d’apôtre et le priver de la faculté de prêcher.
  8. Mot à mot : leurs affaires est délibération entre eux.
  9. Voici ce que les commentateurs disent au sujet de ce précepte : « Dieu leur ordonne de repousser l’injustice à cause de l’horreur qu’ils ont de s’avilir ; et après avoir parlé des autres vertus principales, il parle du courage (des hommes de Dieu). Cette manière d’agir n’est pas contraire à l’indulgence qu’il leur inculque ; la bonté envers le faible est digne d’éloge, elle est blâmable à l’égard du fort, car elle l’encourage à l’injustice. Le verset 57 peut être traduit littéralement ainsi ; « Qui, lorsque la violence les atteint, s’aident eux-mêmes.
  10. C’est-à-dire, il ne t’appartient que de porter la révélation reçue à la connaissance des hommes.
  11. Dieu n’a jamais adressé la parole à aucun homme. Mahomet dit pourtant à plusieurs endroits du Koran, que Dieu a réellement adressé la parole à Moïse. Moïse n’a cependant pu obtenir de voir Dieu, et c’était une croyance généralement reçue parmi les Hébreux et probablement parmi tous les peuples sémitiques, que Dieu ne se faisait pas voir à un homme sans que celui-ci mourût sur-le-champ. Les mystiques, secte philosophique éclose au sein de l’islam, prétendent que la pratique constance de la fie spirituelle peut élever l’homme à un degré de perfection tel, que, dans les extases, il parle à Dieu et le voit. Tous leurs efforts tendent par conséquent à lever, par la force de l’amour divin et l’anéantissement de l’individualité, le voile qui les sépare de l’essence de Dieu. De là le mot : lever le voile, a acquis dans le langage des Orientaux la valeur du plus haut degré d’intimité. Nous avons parlé au chap. XVII du désaccord des mahométans (du moins dans tas premiers temps de l’islam) sur le voyage nocturne et l’ascension de Mahomet ; ceux qui l’admettent comme un fait réel sont encore partagés d’avis sur la manière dont Mahomet a contemplé Dieu : les uns soutiennent qu’il l’a vu des yeux de sa tête, c’est-à-dire matériellement ; d’autres, que c’était des yeux de son cœur, c’est-à-dire par une vue intérieur de l’esprit.
  12. Telle est la traduction littérale de ce passage, qui laisse dans le vague ce que le Koran veut proprement dire. Le commentateur Beïdhawi se contente de dire : C’est Gabriel. Et le sens de ces mots est celui-ci : « Nous t’avons envoyé Gabriel avec la révélation. »