Le Koran (Traduction de Kazimirski)/46

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Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 411-415).

CHAPITRE XLVI.

ALAHKAF[1].


Donné à la Mecque. — 35 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Ha. Min.[2]. Voici la révélation du Livre de la part du Dieu puissant et sage.
  2. Nous avons créé les cieux et la terre, et tout ce qui est dans l’intervalle qui les sépare, d’une création vraie, et pour un temps déterminé ; mais les infidèles s’éloignent des avertissements qu’on leur donne.
  3. Dis-leur : Que vous en semble ? Montrez-moi donc ce que les dieux invoqués par vous ont créé sur la terre. Ont-ils leur part au ciel ? Apportez-moi, si vous êtes véridiques, un livre révélé avant celui-ci (le Koran), ou seulement quelques traces de la science (révélation divine) qui le prouvent.
  4. Y a-t-il un être plus égaré que celui qui invoque ; à côté de Dieu, une divinité qui ne lui répondra rien jusqu’au jour de la résurrection ? C’est que ces dieux ne font pas attention à leur appel.
  5. Quand les hommes seront rassemblés pour être jugé, ces dieux seront leurs ennemis et se montreront ingrats.
  6. Quand on relit aux infidèles nos versets clairs (nos miracle évidents ), ils disent à cette vérité qui est venue au milieu d’eux que c’est une magie avérée.
  7. Diront-ils : C’est lui (Mohammed ) qui l’a inventé (le Koran) ; dis-leur : Si c’est moi qui l’ai inventé, faites que je n’obtienne rien de Dieu. Mais Dieu sait le mieux ce que vous en dites. Il me suffit de l’avoir pour témoin entre vous et moi. Il est l’Indulgent, le Miséricordieux.
  8. Dis : Je ne suis pas le seul apôtre qui ait jamais existé, et Je ne sais pas ce que Dieu fera de moi ni ce qu’il fera de vous ; je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé, je ne suis qu’un apôtre chargé d’avertir ouvertement.
  9. Dis-leur : Que vous en semble ? Si ce livre vient de Dieu et que vous n’y croyiez pas, qu’un témoin, un homme choisi parmi les enfants d’Israël[3] atteste sa conformité au livre de Moïse et y croie pendant que vous le rejetez avec orgueil ; dites : Quel sort méritez-vous ? Mais Dieu ne dirige pas les méchants.
  10. Les infidèles disent des croyants : Si le Koran était quelque chose de bon, ce n’est pas eux qui nous auraient devancés pour l’embrasser[4]. Et comme ils ne le prennent point pour leur guide, ils disent que c’est une imposture de vieille date.
  11. Avant le Koran, il existait le livre de Moïse, donné pour être le guide des hommes et la preuve de la bonté de Dieu ; or celui-ci (le Koran) confirme l’autre en langue arabe, afin que les méchants soient avertis, et afin que les vertueux apprennent d’heureuses nouvelles.
  12. Ceux qui disent : Notre Seigneur, c’est Dieu, et agissent avec droiture, ceux-là seront à l’abri de toute crainte et ne seront point affligés.
  13. Ils seront en possession du paradis, ils y demeureront éternellement et y recevront la récompense de leurs œuvres.
  14. Nous avons recommandé à l’homme de bien agir envers ses père et mère ; sa mère l’a porté avec peine et l’a mis au monde avec peine, et la grossesse et l’allaitement jusqu’au sevrage durent trente mois. Il parvient enfin à la maturité, il parvient à quarante ans, et alors il adresse à Dieu cette prière : Seigneur, inspire-moi de la reconnaissance pour les bienfaits dont tu m’as comblé ; fais que je pratique le bien qui te plaît ; rends-moi heureux dans mes enfants. Je reviens à toi, et je suis du nombre de ceux qui se résignent à ta volonté[5].
  15. Ce sont les hommes dont nous accueillerons les plus belles œuvres, en passant outre sur les mauvaises ; ils compteront parmi les habitants du paradis. Les promesses qui leur ont été faites sont des promesses infaillibles.
  16. Celui qui dit à ses parents : Nargue de vous ! allez-vous me promettre que je renaîtrai de mon tombeau ? pendant que tant de générations ont passé et disparu avant moi… Ses parents imploreront Dieu en sa faveur. Malheur à toi ! lui diront-ils ; crois, car les promesses de Dieu sont véritables. Mais il dira : Ce sont des fables des anciens.
  17. Celui-là sera de ceux au sujet desquels la parole de Dieu s’est réalisée, parole prononcée contre ces peuples qui les ont précédés, peuples de génies et d’hommes ; ils seront perdus.
  18. Il y a des degrés pour tous, degrés de leurs œuvres, afin que Dieu paye exactement les actions de tous, et qu’ils ne soient point lésés.
  19. Le jour où on livrera les infidèles au feu, on leur dira : Vous avez dissipé dans la vie terrestre les dons précieux qui vous furent donnés ; vous avez voulu en jouir au plus pressé ; aujourd’hui vous serez soldés avec le châtiment d’ignominie, car vous vous êtes injustement montrés orgueilleux sur la terre, et vous vous êtes livrés aux excès.
  20. Rappelle (dans le Koran) le frère d’Ad[6], qui prêcha son peuple dans l’ALAHKAF, où il y eut avant lui et après lui d’autres apôtres ; il leur disait : N’adorez pas d’autres dieux que Dieu ; car je crains pour vous le châtiment du grand jour.
  21. Viens-tu, lui dirent-ils, pour nous éloigner de nos divinités ? Si tu es véridique, fais venir ces malheurs dont tu nous menaces.
  22. Dieu seul en a la connaissance, répondit-il ; je ne fais que vous exposer ma mission ; mais je vois que vous êtes un peuple plongé dans l’ignorance.
  23. Et quand ils virent un nuage qui s’avançait vers leurs, vallées, ils se disaient : Ce nuage nous donnera de la pluie. — Non, c’est, ce que vous vouliez hâter : c’est le vent porteur d’un châtiment cruel.
  24. Il va vous exterminer par l’ordre du Seigneur. Le lendemain, on ne voyait plus que leurs habitations. C’est ainsi que nous rétribuons les coupables.
  25. Nous les avions placés dans une condition pareille à la vôtre, ô Mecquois ! nous leur avions donné l’ouïe, la vue, et des cœurs faits pour sentir ; mais ni l’ouïe, ni la vue, ni leurs cœurs, ne leur servirent de rien, car ils niaient les signes de Dieu ; le châtiment dont ils se riaient les enveloppa à la fin.
  26. Nous avons détruit des villes autour de vous ; nous avons promené partout nos signes d’avertissement, afin qu’ils revinssent à nous.
  27. Et pourquoi ceux qu’ils s’étaient choisis à côté de Dieu pour être leurs divinités et l’objet de leur culte, ne les ont-ils pas secourus ? Loin de là, ils ont disparu de leurs yeux. Voilà leurs impostures, voilà ce qu’ils (les infidèles) inventent.
  28. Un jour nous avons amené une troupe de génies pour leur faire écouter le Koran[7] ; ils se présentèrent, et se dirent les uns aux autres : Écoutez ; et quand la lecture fut terminée, ils retournèrent apôtres au milieu de leur peuple.
  29. O notre peuple ! dirent-ils, nous avons entendu un livre descendu du ciel depuis Moïse, et qui confirme les livres antérieurs ; il conduit à la vérité et dans le sentier droit.
  30. O notre peuple ! écoutez le prédicateur de Dieu, et croyez en lui ; il effacera vos péchés et vous sauvera d’un supplice cruel.
  31. Celui qui ne répondra pas à l’appel du prédicateur de Dieu, le prédicateur de Dieu ne prévaudra pas sur la terre, et ne trouvera pas d’autre protecteur que Dieu. De tels hommes sont dans un égarement évident.
  32. Ne voient-ils pas que c’est Dieu qui a créé les cieux et la terre ? Il n’a point été fatigué de leur création, et il peut ressusciter les morts ; oui, il peut tout.
  33. Le jour où les infidèles seront amenés devant le feu de l’enfer, on leur demandera : Est-ce vrai ? — Oui, diront-ils, par notre Seigneur, c’est vrai. — Subissez donc ; leur ira-t-on, le supplice pour prix de votre incrédulité.
  34. Et toi, Mohammed, prends patience, comme prenaient patience les hommes de résolution parmi les envoyés de Dieu ; ne cherche point à hâter leur châtiment. Un jour, lorsqu’ils apercevront l’accomplissement des menaces,
  35. Au moment où ils seront appelés à voir ce qui leur a été promis ; il leur semblera qu’ils n’ont demeuré qu’une heure de la journée dans les tombeaux. Telle est l’exhortation. Et qui donc sera anéanti si ce n’est les méchants ?

  1. Alahkaf veut dire monticules de sable. Ce nom désigne une contrée dans le Hadramaut, en Arabie, habitée jadis par les Adites (Ad), dont il est souvent fait mention dans le Koran.
  2. Voy. II, 1, note.
  3. Ceci doit se rapporter à un juif, Abdallah ben Salma, qui embrassa l’islam en disant qu’il trouvait la venue de Mahomet prédite par Moïse.
  4. C’était le langage que tenaient tes hommes riches et considérables parmi les Arabes, croyant au-dessous d’eux d’embrasser une religion qui comptait parmi ses premiers adeptes des gens humbles, pauvres et obscurs.
  5. Les paroles de ce verset se rapportent indirectement, selon les commentateurs, à Aboubekr, plus tard calife, qui n’embrassa la nouvelle religion qu’à l’âge de quarante ans. Son père embrassa aussi l’islam.
  6. Le texte dit frère d’Ad, ce qui signifie un homme du peuple d’Ad, concitoyen des Adites. Sur le mot Alahkaf, voyez la note du titre de ce chapitr
  7. C’est une allusion sans doute à ce que dit l’histoire de Mahomet sur la conversion d’un certain nombre de génies à Taïef. Mahomet, voyant combien sa mission rencontrait d’obstacle à la Mecque, se rendit à Taïef, ville du Hedjaz ; il y fut très-mal accueilli par les habitants, mais, une troupe de génies de Nisibis, qui s’y trouvait, goûta la doctrine du Koran et l’embrassa.