Le Zambèse et ses affluents/04

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Quatrième livraison
Traduction par Mme Loreau.
Le Tour du mondeVolume 13 (p. 161-176).
Quatrième livraison

Le bateau à vapeur le Pionnier, sur le Zambèse. — Dessin de A. de Bar d’après le Dr Livingstone.


LE ZAMBÈSE ET SES AFFLUENTS,


PAR DAVID ET CHARLES LIVINGSTONE[1].


1858-1864. — TRADUCTION INÉDITE. — DESSINS INÉDITS.




Suite de la navigation sur le Zambèse. — Esclaves. — Bon souper. — Retour à Têté. — Cri de détresse. — Fin de l’asthmatique. — Le Pionnier.

24 octobre. Nous trouvons le chef Séquasha au-dessous du Kafoué, dans un village où il s’est établi avec le gros de sa bande. D’après ce qu’il nous dit, ses gens, parmi lesquels sont d’excellents chasseurs, ont tué deux cent dix éléphants dans cette tournée.

À partir du village des Tombanyama, le Zambèse est plein d’îles, où un grand nombre de buffles sont attirés par l’herbe tendre et les jeunes roseaux.

28 octobre. Nous avons campé dans une île voisine du Padibodi. Trois hommes de Ma-Mbourouma nous ont apporté de la farine et des volailles. Pour faire preuve de leur savoir-vivre et nous témoigner leur respect, ils se sont frappé la cuisse d’une main tandis que de l’autre ils nous tendaient leur présent.

Ces politesses se font avec le plus grand sérieux. On voit les mères enjoindre à leurs enfants de battre des mains, et leur montrer comment il faut s’y prendre, de même que chez nous on enseigne les bonnes manières.

29 octobre. Ce matin, après trois heures de navigation, nous sommes arrivés aux montagnes de Mbourouma, où le Zambèse se resserre de nouveau et se divise en deux courants contraires formés par les rochers situés au milieu du canal.

1er novembre. Nous revoici à Zumbo. Nos gens traversent à gué la Loangoua et n’ont d’eau que jusqu’aux genoux.

Sortis du district de Chicova, nous sommes entrés dans le Kébrabasa : nos pirogues ont descendu jusqu’à un endroit où la gorge se réduisant à une largeur de cinquante à soixante yards, la navigation devient difficile et dangereuse.

Le canot du Dr Kirk fut jeté contre un éperon de la gorge par un bouillonnement soudain et mystérieux du fleuve, qui se produit à intervalles irréguliers. Cramponné à une saillie du roc, mister Kirk luttait contre l’action aspirante de l’eau qui devait avoir quinze brasses de profondeur, tandis que, se tenant aux mêmes rochers, le timonnier sauvait la pirogue. Pendant ce temps, celle du Dr Livingstone dérivait toujours vers l’ouverture tournoyante qui heureusement se referma comme la pirogue y arrivait.

Quelques-uns des objets qui se trouvaient dans le canot du Dr Kirk y sont restés, mais ce qu’il y avait de plus précieux est perdu : un chronomètre, un baromètre, et, à notre grand chagrin, son livre de notes, et ses dessins de plantes et de fruits de l’intérieur.

Nous sommes sortis du fleuve malheureusement trop tard ; le reste de la gorge a été franchi à pied.

L’un de nos ânes est mort d’épuisement près de la Louia. Bien que nos hommes mangent du zèbre et du couagga, animaux qui appartiennent à la même famille, l’idée de manger notre baudet leur a paru répugnante. « Ce serait, disaient-ils, comme si on mangeait l’un de nous autres ; car un âne vit avec l’homme ; c’est son intime compagnon. »

Nous venons de rencontrer deux groupes des esclaves de Têté qui se rendent à Zumbo. Ils y conduisent un certain nombre de femmes manganjas qu’ils vont échanger contre de l’ivoire. Chacune de ces femmes est liée par le cou, et toutes sont attachées à une longue et même corde.

Sanzo, le chef du village qui est à l’est du Kébrabasa, nous a fait le meilleur accueil. Après les saluts ordinaires, il a gravi la montagne, et d’une voix forte a donné l’ordre aux femmes des différents hameaux du vallon de nous faire immédiatement à souper. Vers huit heures, il est revenu, suivi d’une procession de femmes qui apportaient leur cuisine : huit écuelles de nsima, c’est-à-dire de bouillie ; six plats de très-bons légumes sauvages, chacun d’espèce différente ; puis des fèves et des volailles. Tout cela était vraiment délicieux et d’une propreté scrupuleuse ; les sébiles en bois étaient presque aussi blanches que la farine qui s’y trouvait.

Le 23 nous sommes arrivés à Têté, après six mois d’absence.

Les deux matelots anglais, chargés du Ma-Robert, ont joui pendant tout ce temps d’une santé parfaite, et ils se sont fort bien conduits ; seulement leur essai d’agriculture a complétement échoué.

Ils ont découvert une façon originale de terminer promptement leurs marchés avec les indigènes. Après s’être enquis des prix courants, ils prennent ce qui leur convient, payent ce qui est dû, mais sans accorder de plus une seule perle. Si les gens demandent davantage et refusent de quitter le navire, nos matelots vont dans la cabine et en font sortir un caméléon. À peine les indigènes ont-ils vu cet animal dont ils ont une frayeur mortelle, qu’ils sautent par-dessus le bord et s’éloignent au plus vite. Le caméléon sert de cette même manière à apaiser toutes les disputes, sans violence aucune, en un clin d’œil.

Mais nos deux compatriotes, en notre absence, n’ont pas seulement témoigné d’un bon caractère, ils ont aussi fait preuve d’humanité. Un soir, émus par un cri terrible, ils se jetèrent dans le bateau et volèrent au secours de la personne qui était en détresse. Un crocodile avait saisi une pauvre femme, et la traînait sur un banc de sable. Comme ils arrivaient près d’elle, la malheureuse poussa de nouveau un cri déchirant : le monstre lui avait coupé la jambe. Nos matelots ramenèrent la pauvre créature à leur bord ; ils la pansèrent, lui firent avaler du rhum, estimant qu’ils ne pouvaient lui rien donner de meilleur, et la portèrent dans l’une des cases du village. Le lendemain matin, quand ils allèrent la voir, ils la trouvèrent dans le plus entier abandon ; on avait arraché les compresses qu’ils lui avaient mises et la pauvre femme était mourante. Le bon Rowe, l’un de ces matelots, nous disait :

« Je crois que son maître, voyant qu’elle n’avait plus qu’une jambe, nous en voulait de lui avoir sauvé la vie. »

Le Zambèse étant exceptionnellement bas, il nous a fallu attendre qu’il eût un peu grandi ; et ce n’est que le 3 décembre que nous sommes partis pour le Kongoné. C’était une rude besogne que de maintenir à flot notre asthmatique : tous les jours de nouvelles avaries ; la pompe était désorganisée, le pont s’effondra ; le soir, trois compartiments s’inondèrent. Le 21 décembre, dans la matinée, le pauvre bateau échoua sur un banc de sable, et l’eau s’introduisit de toute part. On ne put ni le dégager ni le vider. Une crue survint pendant la nuit, et le jour suivant on n’apercevait plus du navire que six pieds des deux mâts.

C’est dans l’île de Chimba que nous avons passé le jour de Noël en 1860. Des pirogues que nous avions fait demander à Sena arrivèrent, et le 27 nous étions dans ce village, où nous avons retrouvé l’hospitalité généreuse du senhor Ferrao.

Le 31 janvier 1861, le Pionnier, notre nouveau steamboat arriva d’Angleterre.

Le 11 mars suivant, l’expédition remonta la rivière Rovouma, mais ne s’avança pas bien loin parce que les eaux devenaient trop basses. Il fallut revenir aux côtes de la mer. De là on se rendit aux Comores, puis on retourna au Chiré et en définitive au Zambèse.


Rencontre d’une bande d’esclaves. — Leur délivrance.

Un jour, après avoir traversé Chibisa et Chipindou, les voyageurs arrivèrent au village du chef Mbamé, qui leur apprit qu’une chaîne d’esclaves allait traverser le village pour se rendre à Têté.

En effet, il y avait à peine quelques minutes que nous étions avertis, dit le docteur Livingstone, lorsqu’une longue chaîne composée d’hommes, de femmes et d’enfants, liés à la file les uns des autres, et les mains attachées, serpenta sur la colline, et prit le sentier du village. Armés de fusils, et parés de divers objets de toilette, les noirs agents des Portugais, placés à l’avant garde, sur les flancs, et à l’arrière de la bande marchaient d’un pas délibéré ; quelques-uns tiraient des notes joyeuses de longs cornets de fer-blanc ; tous prenaient des airs de gloire, comme des gens persuadés qu’ils ont fait une noble action : mais, dès qu’ils nous aperçurent, ces triomphateurs se précipitèrent dans la forêt, et tellement vite que nous ne fîmes qu’entrevoir leurs calottes rouges et la plante de leurs pieds.

Le chef demeura seul au poste ; il était en avant ; l’un de nos hommes le reconnut et lui serra vivement la main. C’était un esclave de l’ancien commandant de Têté ; nous l’avions eu nous-même à notre service, et nous le reconnûmes à notre tour.

Aux questions qui lui furent adressées à l’égard des captifs, il nous dit qu’il les avait achetés ; mais les captifs, interrogés ensuite, répondirent tous à l’exception de quatre, qu’ils avaient été pris en combattant. Pendant que nous faisions cette enquête, le chef disparut.

Restés seuls avec nous, les prisonniers, s’agenouillèrent et battirent des mains avec énergie pour exprimer leur gratitude. Nous eûmes bientôt coupé les liens des femmes et des enfants ; il était plus difficile de délivrer les hommes. Chacun de ces malheureux avait le cou pris dans l’enfourchure d’une forte branche de six à sept pieds de long, que maintenait à la gorge une tige de fer solidement rivée aux deux bouts. Cependant, au moyen d’une scie qui, par bonheur, se trouvait dans nos bagages, la liberté leur fut rendue à tous. Nous dîmes alors aux femmes de prendre la farine dont elles étaient chargées, et d’en faire de la bouillie pour elles et pour leurs enfants ; tout d’abord elles n’en voulurent rien croire ; c’était trop beau pour être vrai. Mais quand l’invitation leur eut été renouvelée, elles se mirent promptement à l’œuvre, firent un grand feu, et y jetèrent les cordes et les fourches, leurs maudites compagnes de tant de nuits douloureuses et de tant de journées pénibles. Beaucoup d’enfants avaient à peine cinq ans ; il y en avait même de plus jeunes. Un petit garçon disait à nos hommes avec la simplicité de son âge : « Les autres nous attachaient et nous laissaient mourir de faim : vous nous avez détachés, vous ; puis vous nous donnez à manger ; qui donc vous êtes ? et d’où venez vous ?

Deux femmes avaient été tuées la veille pour avoir essayé de détacher leurs courroies. Le chef avait dit à tous les captifs qu’il leur en arriverait autant s’ils cherchaient à s’évader. Une malheureuse mère, ayant refusé de prendre un fardeau qui l’empêchait de porter son enfant, vit aussitôt brûler la cervelle du pauvre petit. Un homme accablé de fatigue et ne pouvant plus suivre les autres, avait été expédié d’un coup de hache. L’intérêt, à défaut d’humanité, aurait dû prévenir ces meurtres ; mais nous avons toujours vu que dans cet affreux commerce le mépris de la vie humaine et la soif du sang parlaient plus haut que l’intérêt personnel.

Quatre-vingt-quatre esclaves, femmes et enfants pour la plupart, furent ainsi délivrés. On leur dit qu’ils étaient libres et qu’ils pouvaient aller où ils voudraient ; ils aimèrent mieux rester avec nous.

Nous partîmes le lendemain matin pour le village de Soché, avec nos libérés ; les hommes portaient gaiement les bagages. Ayant si bien commencé, nous ne pouvions faire la chose à demi ; huit autres captifs, rencontrés sur notre chemin, furent donc mis en liberté. À la nouvelle de notre approche, des marchands qui se trouvaient dans le village de Soché, décampèrent aussitôt avec une centaine d’esclaves. Le docteur Kirk, appuyé de quatre Makololos, courut à leur poursuite ; mais en dépit de leurs efforts et de l’énergie qu’ils déployèrent, le docteur et ses hommes ne purent rejoindre les traitants qui arrivèrent sans encombre à Têté.

Six esclaves furent encore délivrés à notre passage chez Mongazi ; deux marchands furent mis en fourrière pour les empêcher d’aller avertir les chefs d’une bande nombreuse qui était sur le point d’arriver. Nos prisonniers nous dirent d’eux-mêmes que cette bande était dirigée par les hommes du gouverneur.

Le jour suivant, cinquante nouveaux esclaves furent relâchés ; tous, sans exception, étant nus comme la main, reçurent assez d’étoffe pour se vêtir, mieux sans doute qu’ils ne l’avaient été de leur vie. Le chef de cette bande, homme connu pour être l’agent des principaux marchands de Têté, nous assura qu’il n’avait agi, ainsi que tous les autres, qu’avec l’autorisation du gouverneur. Il n’avait pas besoin de nous le dire ; il est matériellement impossible qu’une entreprise quelconque ait lieu à Têté sans que le gouverneur le sache et y prête les mains.


Le lac Pamalombé. — Encore le Nyassa. — Tempêtes. — Gâteaux de moucherons. — La pêche.— Cimetières. — La traite.

À la fin d’août, en retournant au lac Nyassa, les voyageurs côtoyèrent le Pamalombé, petit lac qui a dix ou douze milles de long, sur cinq ou six de large. Il est presque entièrement entouré d’une ceinture de papyrus tellement épaisse qu’on eut beaucoup de peine à s’y frayer un passage. Ces roseaux, d’une hauteur de dix à douze pieds, croissent si près les uns des autres qu’ils interceptent l’air, et il se dégage tant d’hydrogène sulfuré du milieu de cette clôture, que le fond du bateau était devenu tout noir, pour y avoir été exposé pendant une nuit…

Quelque temps après, continue la narration, nous étions de nouveau sur le lac Nyassa, et nous nous sentions vivifiés par l’air plus frais de cette vaste nappe d’eau.

Vers le commencement du tiers supérieur, les indigènes profitent de l’île de Chizoumara pour traverser le lac. Au nord de cette île, dont le nom veut dire fin, terminaison, ils suivent la côte pour gagner l’autre rive, bien que ce détour allonge la route de plusieurs journées.

Comme toutes les mers étroites, et profondément encaissées, le Nyassa a des tempêtes subites et d’une incroyable fureur. Nous y avons passé les mois de septembre et d’octobre, les plus mauvais, il est vrai, de tous ; l’ouragan nous a surpris plusieurs fois.

Jamais, jusqu’à présent, nous n’avons rencontré en Afrique de population aussi compacte que sur les bords du Nyassa. Dans la partie méridionale, les villages forment une chaîne presque interrompue. La rive de chacune des petites baies, est couverte d’une foule épaisse et noire, chaque fois qu’y apparaît notre bateau à voile qui, pour les riverains, est un spectacle nouveau ; et, quel que soit l’endroit où nous abordions, nous sommes immédiatement entourés d’hommes, de femmes et d’enfants qui se pressent par centaines pour regarder les Chirombo, c’est-à-dire les animaux sauvages (voilà comment ils nous désignent). Mais leur plus grand plaisir, est de voir manger les bêtes (c’est encore de nous qu’il s’agit) ; jamais les lions et les singes du jardin zoologique n’ont attiré plus de spectateurs. Il n’y a que l’effet produit par l’hippopotame sur les civilisés des bords de la Tamise qui puisse, se comparer au succès que nous obtenons sur les rives du Nyassa. La foule émerveillée forme autour de nous une forêt de têtes noires, dont les regards expriment le plus vif intérêt ; toutefois ils veillent les uns sur les autres, afin que pas un d’eux ne franchisse la ligne que nous avons tracée sur le sable.

Le sol du rivage est cultivé sur une assez grande étendue, et produit des quantités considérables de riz, de maïs, de patates, de sorgho et de millet. Au nord du lac, le manioc obtient la préférence, et la cassave, unie au-poisson faisandé, constitue le fond de la nourriture des habitants. Il se joint à cela un aliment bizarre dont nous allons parler et que ces tribus septentrionale récoltent pendant une certaine saison.

Un matin, au moment de traverser une espèce de nuée épaisse, nous découvrîmes que ce n’était ni une fumée, ni un brouillard, mais un amas de myriades de moucherons, que les riverains appellent Koungo, c’est-à-dire nuage, ou brume. Ils remplissaient l’air jusqu’à une immense hauteur et fourmillaient sur le lac où ils n’enfonçaient pas, grâce à leur légèreté. Obligés de fermer les yeux et la bouche, nous nous sentions frapper la figure comme par une neige très-fine que fouette le vent. À la sortie du nuage, notre bateau était couvert de milliers de ces moucherons.

Les habitants recueillent ces menus insectes pendant la nuit ; ils les font bouillir et en confectionnent de grosses galettes dont ils sont très-friands, et dont chacune se compose de millions de ces petits êtres. On nous offrit un de ces gâteaux épais d’un pouce et de la dimension du bonnet bleu des laboureurs écossais ; il était brun et avait un peu le goût du caviar ou des sauterelles salées.

D’excellents poissons, dont la plupart nous sont inconnus, abondent dans les eaux du Nyassa. Le sanjika ou mpasa, qui, d’après le docteur Kirk, est de la famille des carpes, se rend dans les rivières pour y frayer, ainsi que font les saumons. Le plus gros mpasa que nous ayons vu mesurait deux pieds et quelque chose. Ce poisson, qui est d’un éclat éblouissant, est le meilleur que nous ayions mangé en Afrique. C’est aux mois d’août et de septembre qu’il remonte les affluents du lac, et il fournit à cette époque une pêche abondante aux riverains. Dans tous les cours d’eau s’installent des pêcheries remplies d’écluses et renfermant de grands paniers d’où le poisson, une fois entré, n’a guère de chance de sortir. Au-dessus de chacun de ces établissements sont des filets qui s’étendent d’une rive à l’autre, si bien qu’on se demande avec surprise comment le sanjika le plus sagace peut remonter la rivière. Il faut que pendant la nuit il trouve moyen de passer ; mais dans ce pays-ci le poisson, pas plus que celui qui le prend, n’a d’instant de repos. C’est principalement avec des filets que se pêche le poisson du lac ; on voit cependant des hommes, même des femmes, leurs bébés sur le dos, pêcher à la ligne du haut des rochers.

Un filet à petites mailles est employé pour prendre le frétin d’un poisson argenté qui ressemble au brocheton et peut avoir deux ou trois pouces quand on le pêche. On en ramène souvent des milliers d’un coup de filet. Nous en avons mangé une fois ; ils étaient amers, comme si on les eût assaisonnés d’un peu de quinine ; cela venait probablement de ce qu’on ne leur avait pas enlevé le fiel.

Quelques espèces, vivant dans l’eau profonde, sont prises avec des paniers en forme de nasse, auxquels sont attachés des flotteurs : On entoure souvent ces Le mnnsxre lui avait coupé lajambe (voy p. 161). - Dessin de Emile Bayard. paniers d’une couche d’herbe pour attirer le poisson qui vient y chercher de l’ombre.

La pêche de Nyassa occupe de véritables flottilles, composées de belles pirogues ; les rameurs s’y tiennent debout ; ils se hasardent quelquefois à prendre le large par une très-forte houle.

Tout d’abord les riverains du Nyassa nous faisaient l’effet d’être peu laborieux. On les voit dans le jour dormir d’un profond sommeil sous les arbres touffus du rivage, et ils semblent avoir la vie facile. Mais quand on les connaît mieux l’impression est toute différente. Ces gens qui dorment la grasse matinée, ont fait un rude travail depuis la veille. Dans l’après-midi ils commencent à se remuer, examinent leurs filets et les réparent, puis les transportent dans les canots, et enroulent les cordes et les lignes. Le soir venu, ils se dirigent à force de rames vers les meilleures stations de pêche, et les voilà posant leurs filets et les relevant à grand’peine, jusque vers la fin de la nuit.

Plusieurs villages ont des cimetières parfaitement disposés, et fort bien entretenus. Nous l’avons remarqué à Chitanda, mais surtout près du cap Maclear. Des sentiers assez larges et tracés avec soin y bordent le cimetière au levant et au midi. Un énorme figuier s’élève au nord-est et répand son ombre épaisse sur le champ de repos. D’autres arbres magnifiques entourent ce lieu sacré. Les tombes ont la forme de tertres herbus, de même que dans nos cimetières ; mais elles sont orientées du nord au sud, avec le chevet probablement au nord. Le sexe du défunt est indiqué par les objets dont il a fait usage dans ses divers travaux ; on les a brisés pour montrer qu’ils ne doivent plus servir. Un lambeau de filet, et les débris d’une rame annoncent qu’ici repose un pêcheur. Sur les tombes féminines sont les mortiers de bois et les pilons qu’emploient les femmes pour moudre le grain, le panier qui leur sert de blutoir, des fragments de calebasses et de vases rangés avec ordre autour de la fosse. On voit aussi des bananiers au chevet de quelques-unes des tombes. Est-ce un ornement pur et simple ; ou faut-il y voir, comme dans l’antique Égypte, une offrande à ceux qui dans l’autre monde ont conservé les goûts d’ici-bas ?

Pendant ce séjour sur les rives du Nyassa, nous avons pu constater que la traite s’y faisait avec une effroyable activité.

Nous tenons du colonel Rigby, consul anglais et chargé d’affaires de S. M. britannique à Zanzibar, qu’il passe à la douane de cette île, venant de la seule région du Nyassa, dix-neuf mille esclaves par an. Ce chiffre, bien entendu, ne comprend pas les esclaves qui sont expédiés dans les rades portugaises. Et qu’on ne se figure pas que ce chiffre de dix-neuf mille représente toutes les infortunes que cause cet envoi annuel au marché de Zanzibar. Les captifs qu’on arrache du pays ne forment qu’une légère fraction des victimes de la traite. Nous n’avons pu nous faire une idée réelle de ce commerce atroce qu’en le voyant à sa source. Pour quelques centaines d’individus que procure une de ces chasses, des milliers d’hommes sont tués ou meurent de leurs blessures, tandis que les autres, mis en fuite, expirent de faim et de misère. D’autres milliers périssent dans les guerres civiles ou de voisinage, tués, qu’on ne l’oublie pas, par les demandes des acheteurs d’esclaves de Cuba et d’ailleurs. Les nombreux squelettes que nous avons trouvés dans les bois ou parmi les rochers, près des étangs, le long des chemins qui conduisent aux villages déserts, attestent l’effroyable quantité d’existences sacrifiées par ce trafic maudit. D’après ce que nous avons vu de nos propres yeux, nous avons la ferme conviction, et jamais opinion ne fut plus consciencieuse, que chaque esclave ne représente pas le cinquième de ses victimes. Si nous prenions même la vallée du Chiré pour base de nos calculs, nous dirions que terme moyen il n’y a pas un dixième des victimes de la traite qui arrive à l’esclavage. En considérant une perte d’hommes aussi effrayante (une perte de travail aussi grande, dirons-nous à ceux qui comptent), et quand le système qui fait cette monstrueuse dépense, perpétue la barbarie dans les lieux où il règne, osera-t-on donner comme argument en sa faveur que les esclaves peuvent quelquefois rencontrer de bons maîtres ?

Nous croyons qu’il suffirait d’un petit vapeur croisant sur le Nyassa, et qui, tout en exerçant un contrôle sévère, échangerait certaines marchandises européennes avec l’ivoire et les autres produits du pays, pour y faire disparaître ce commerce infâme ; car la plupart des conducteurs d’esclaves traversent le lac, ou le haut Chiré.


Nouvelle excursion sur le Chiré. — Crimes d’un pourvoyeur de traitants. — Pêche aux crocodiles.

Après une station à Choupanga[2], nous partîmes pour le Chiré le 10 janvier 1863, remorquant le Lady Nyassa. Peu de temps après, nous étions témoins de tous les maux qu’avaient causés les brigandages de Mariano[3].

Les survivants d’une petite bourgade, située au pied du Morambala, avaient été réduits à la dernière misère par ce misérable et par ses maraudeurs. On voyait les femmes chercher des insectes, des racines, des fruits sauvages, tout ce qui pouvait être mangé, afin de traîner Bande de captifs au village de Mbamé (voy. p. 163). ~ neÿsin de Emile Bayard d’après le D* Livingstone. ’ A Q s’il était possible leur triste existence jusqu’à la moisson prochaine.

Deux pirogues, qui passèrent près de nous, avaient été pillées ; leurs propriétaires n’avaient pour se nourrir que les noix de palmier qu’ils recueillaient, et s’étaient fait chacun un tablier de feuillage, les bandits les ayant dépouillés de leurs vêtements et de leurs parures. Tous les jours nous rencontrions des cadavres flottant sur la rivière, et chaque matin il fallait enlever des roues du Pionnier ceux que les palettes avaient retenus pendant la nuit.

La population de la vallée, sur des vingtaines de milles, avait été balayée par Mariano, redevenu le grand pourvoyeur des traitants portugais.

Cet immense ravage brisait le cœur. Les rives autrefois si populeuses étaient désertes, les villages brûlés : un silence de mort avait succédé aux bruits joyeux des villages, où la foule industrieuse nous vendait les produits de son travail. Sur l’emplacement des huttes, on ne voyait plus que çà et là, sur la berge, quelque appentis qui avait abrité un pêcheur jusqu’au jour où les grandes eaux, en entraînant le poisson, avaient enlevé au malheureux sa dernière ressource et l’avaient laissé mourir.

Beaucoup de fugitifs, près de leur dernière défaillance,


Africaine broyant du grain (voy. p. 174). — Dessin de A. de Neuville.


étaient tombés au bord des sentiers, où gisaient leurs squelettes. Des spectres effrayants, dont la taille laissait cependant entrevoir la jeunesse, filles et garçons, les yeux éteints, rampaient à l’ombre de cases désertes ; quelques jours encore, et tués par cette faim terrible, ils succomberaient comme les autres.

Le Chiré baissa de deux pieds avant que nous eussions atteint un banc de sable qui nous avait arrêtés l’année précédente.

Un hippopotame fut tué à deux milles en amont de ce banc de sable, et reparut trois heures après. On l’attacha derrière le bateau ; les crocodiles arrivèrent en foule ; ou ne put les éloigner qu’en tirant sur eux. La balle n’avait pas pénétré jusqu’au cerveau de l’hippopotame ; elle y avait seulement enfoncé un fragment d’os qui avait causé la mort. Il ne sortait de la blessure qu’un peu de gaz et de sérosité ; rien autre chose ne pouvait annoncer aux crocodiles la présence d’une bête morte ; et cependant ceux qui étaient derrière nous accoururent d’une distance de plusieurs milles. L’odorat, chez ces monstres, n’est pas moins développé que le sens de l’ouïe ; et l’un et l’autre sont d’une finesse extraordinaire. Joumbo, notre pilote, affirme que le crocodile/ne mange jamais de viande fraîche, qu’il fait toujours attendre celle qu’il a prise, et que plus elle est faisandée, plus il en est satisfait. La chose est fort possible.

Près des camract s de la Rovuma Dessln de A de Bar dapres. le D LIVIHQSLODC -8/BLIOTH Q › Le crocodile ne mange que par petites bouchées ; il déchire difficilement la chair fraiche et doit préférer celle qui est tendre. Pour avaler, ce qu’il fait comme le chien, il lève la tête au-dessus de l’eau.

Quand nous eûmes pris la quantité de viande que nous voulions avoir, les crocodiles revinrent par douzaines, et se disputèrent le reste de l’hippopotame. On essaya de les pêcher ; l’un d’eux se jeta sur l’appât et fut bientôt pris. Il fallut six hommes pour le traîner ; mais l’hameçon s’étant redressé, l’animal disparut ; c’était cependant un hameçon à requin. On fabriqua alors un croc en fer ; mais la bête ne pouvant pas l’avaler, ne tarda pas à l’aplatir avec ses mâchoires, et notre pêche en est restée là. Ainsi qu’on peut se le figurer, d’après la vigueur que déploie un saumon, l’attraction d’un crocodile est terriblement forte.

Le corps d’un enfant passa près du navire ; un crocodile monstrueux s’élança avec la vitesse d’un lévrier, : saisit le cadavre, et le secoua comme un terrier fait d’un rat. Il en accourut d’autres qui se jetèrent sur la proie, chacun d’eux fouettant l’eau de sa queue puissante, et la faisant tourbillonner à chaque morceau qu’il arrachait. C’était un spectacle affreux à voir. Au bout de quelques secondes il ne restait plus rien[4].

Ces monstres pullulaient dans le Chiré ; nous en avons compté jusqu’à soixante-sept sur un banc de sable ; mais ils n’y étaient pas aussi féroces que dans certaines rivières. « Les crocodiles, écrit Le capitaine Tuckey, sont tellement nombreux dans le Congo, près des rapides, que lorsque les femmes vont puiser de l’eau, tandis qu’elles remplissent leurs calebasses, il y en a toujours une pour écarter ces hideux reptiles ; malgré cela, il arrive fréquemment que ces malheureuses sont emportées. » Ici, pour tirer de l’eau, on se sert d’une calebasse, mise au bout d’une longue perche ; ou bien on fait une palissade à l’endroit où les femmes vont la puiser.

Un de nos Makololos était allé à la rivière vers la chute du jour ; il eut soif, et tandis qu’il se jetait de l’eau dans la bouche, comme ils font tous en pareil cas, un crocodile surgit tout à coup et lui happa la main. Il y avait heureusement une branche d’arbre à portée du Makololo, qui eut la présence d’esprit de la saisir ; et chacun de tirer tant et plus, l’un pour avoir à souper, l’autre pour sauver sa vie. La partie demeura quelque temps indécise ; mais l’homme tint bon, et le monstre lâcha la main, y laissant des marques profondes de ses affreuses dents.

Ceux des indigènes du haut Chiré qui se livrent à la chasse le font avec passion ; ils y apportent une persévérance et une adresse vraiment extraordinaires. La flèche ne faisant aucun bruit, le troupeau ne se doute pas du coup dont l’un de ses membres est victime ; et le chasseur continue à le suivre jusqu’à ce que le poison ait produit son effet. L’animal expire ; notre homme enlève aussitôt la chair qui est autour de la blessure, et le reste est mangé.

La flèche empoisonnée se compose d’une petite baguette d’une longueur de dix à onze pouces, à laquelle on attache solidement un fer barbelé, et d’une tige en roseau, où cette baguette est simplement introduite. Immédiatement au-dessus du fer, le trait est barbouillé de poison. Quand la flèche est entrée dans la bête, le roseau se détache de lui-même, ou est bientôt enlevé par les broussailles ; mais le fer barbelé, ainsi que le bois qui porte le poison reste dans la blessure, d’où l’animal l’aurait arraché en passant dans le fourré si la flèche avait été d’une seule pièce.

La matière vénéneuse dont se servent les Mangajas pour cet usage, est un poison très-virulent, qui s’appelle kombi, et provient d’une espèce de strophantes. Son action se manifeste par le ralentissement du pouls, ainsi qu’une expérience involontaire l’a fait éprouver au docteur Kirk. En se servant de sa brosse à dents, qui avait été mise dans une poche où il y avait du kombi, le docteur remarqua une certaine amertume ; il l’attribua à ce que plusieurs fois il s’était servi du manche de cette brosse pour prendre de la quinine. Mais bien que la dose en fût très-faible, le poison lui fit immédiatement tomber le pouls, qu’il avait alors assez élevé par suite d’un gros rhume, et le lendemain le docteur était guéri. Un seul fait de ce genre ne saurait être concluant ; mais il est possible que l’on puisse tirer du kombi un médicament précieux. Le professeur Sharpey a commencé à cet égard une série d’expériences dont les résultats nous intéressent vivement ; il a déjà obtenu du kombi un alcaloïde de même nature que la strychnine. Tous les animaux, ce n’est pas douteux, meurent des effets d’une flèche empoisonnée, excepté toutefois l’éléphant et l’hippopotame. La quantité de poison que la flèche peut introduire dans la blessure étant trop minime pour tuer ces colosses, les chasseurs ont recours à leur égard au trébuchet dont nous avons donné la description.


Du Nyassa au Zomba. — Paysage. — Hospitalité. — Buffles dans les jardins. — Katos.

Notre projet est de marcher au nord-nord-ouest, parallèlement à la direction du Chirwa ; mais en nous tenant assez loin du bord occidental pour éviter les Mazitous. Nous chercherons à découvrir si le Nyassa reçoit à l’ouest quelque rivière importante, et à nous renseigner sur le nombre d’esclaves qui traversent le lac à Tsenga, à Kota-kota et sur d’autres points de la partie méridionale.

Nos Makololos, du reste, ne demandent pas mieux que d’aller rondement : ils voudraient rentrer chez eux, de manière à piocher leurs terres avant la saison des pluies.

Nous avons d’abord pris au nord-est, à partir de la cataracte supérieure, ce qui nous a fait suivre la grande courbe de la rivière jusqu’au pied du mont Zomba. Ici la vue, est des plus imposantes : les cimes se dressent vers le ciel, tandis que le plateau, qui lui-même a trois mille pieds d’élévation, se déploie vers le sud, où il va disparaître.

Nous nous sommes ensuite dirigés vers le nord-ouest, et sommes arrivés au Ribvé-ribvé ou Rivi-rivi, qui prend sa source dans les monts Maravis et se jette dans le Chiré.

Le site des villages, dont la quantité est surprenante, semble partout avoir été choisi en vue de l’ombre qu’il pouvait donner. Ayant toujours suivi le bord de l’eau, nous étions loin de soupçonner combien ces villages étaient nombreux. Aujourd’hui pas un n’est habité ; les magnifiques sterculiers, d’un vert jaunâtre, dont la première branche est à cinquante pieds du sol, n’entourent plus que des lieux déserts ; les éléphants dépouillent et mutilent, sans que rien les dérange, les figuiers à large cime qui abritent les cases abandonnées.

Le Rivi-rivi descendant du nord-ouest, nous avons continué à suivre ses bords, et nous sommes arrivés chez une peuplade qui a su se défendre contre les Ajahouas.

Ici les gens cultivent le maïs, et nous en vendent sans difficulté.

Les nuits, à cette époque de l’année, sont toujours froides ; comme ce n’est pas le moment des travaux agricoles, les villageois ne sortent de chez eux que lorsque le soleil a réchauffé l’atmosphère. En d’autres temps ils sont dehors avant le jour ; et le premier bruit qui vous frappe, quand vous vous éveillez, c’est la causerie des hommes et des femmes qui parlent haut dans l’ombre, afin d’éloigner les bêtes féroces par le son de la voix humaine. Lorsqu’il n’y a pas d’ouvrage, c’est la toux bruyante et convulsive des fumeurs de chanvre qui vous avertit de l’approche du jour.

Remis en route, du côté du Rivi-rivi, nous gagnons le petit village de Chafounda, où quelques individus nous reconnaissent pour nous avoir vus sur le Chiré

Impossible d’être meilleurs que ces gens-là ; ils n’avaient pour toutes provisions que des tamarins préparés avec des cendres et un peu de farine de dolichos pruriens : ils s’empressèrent de nous les offrir : nous les refusâmes.

Installés dans la meilleure case du village, nous avons dormi du meilleur sommeil, bien que sur une simple natte. Il est vrai que nous avions fait au moins vingt milles. Notre dîner de la veille s’était composé d’un pigeon. Depuis lors nous n’avions mangé qu’une poignée de farine de kitedzi cuite à l’eau claire. Nous mourions de faim. L’excellente femme chez qui nous étions logés, prit un peu de maïs qu’elle gardait pour semence ; elle le broya dans l’ombre, et nous en fit de la bouillie. Un petit garçon apporta en outre des légumes sauvages, d’un goût douceâtre, à peu près le contenu d’une tasse. Quand il eut posé son écuelle, il se mit à battre des mains le plus fort possible. Accablés de sommeil, nous nous étions rendormis, et nous commencions à rêver d’un grand festin, lorsque la politesse du petit garçon nous réveilla, fort heureusement pour nous. Le repas était si mince qu’un de nos compagnons, se figurant que c’était sa part, avait pris la totalité, et il n’en restait plus guère. Le pauvre dévorant se confondit en excuses, tout au moins inutiles ; nous avions trop faim pour ne pas comprendre son appétit.

Poursuivant notre course au nord-ouest, nous arrivons à une chaîne de montagnes dont le point culminant est un grand bloc de granit complétement nu, qui s’élance dans les airs sous forme de dôme et s’appelle le Mvaï. Ainsi que plusieurs autres masses où la roche est découverte, ce pic est d’un gris clair, et a des taches blanches qui produisent l’effet de lichens. La chaîne est, en général, maigrement couverte d’arbres, d’une venue médiocre. Elle est dominée, contre le Mvaï, par différents pics, tels que le Chirob, qui est plus au nord.

Le territoire où nous avons campé, en face du mont Mvaï, se nomme Paudio ; c’est évidemment la profondeur du district des bords du Chiré, où nous avons fait autrefois des relevés astronomiques pour établir la latitude.

En quittant le Paudio nous avons à notre gauche les montagnes de Kirk, dont-nous côtoyons-la base ; elles n’ont pas moins de trois mille pieds de hauteur à partir du plateau, ce qui leur en donne plus de cinq mille au-dessus du niveau de la mer. À notre droite s’étend, dans le lointain, un pays couvert de forêts qui s’élève graduellement, jusqu’à offrir l’aspect d’une crête d’où plusieurs monts se détachent, et qui borne à l’est la vallée du Chiré. En face de nous, c’est-à-dire au nord, est l’une des vallées les plus charmantes et les plus fertiles que nous ayons jamais vues. Elle est fermée par des montagnes qui, dépassant d’une trentaine de milles la portée de nos yeux, vont rejoindre le cap Maclear. Les arbres, dont aucun jardinier n’a disposé les groupes, ont été abattus sans merci par le cultivateur ; et cependant ces hautes futaies, ces pentes couvertes de bois, ces vastes pelouses à l’herbe fine, ces massifs d’un vert foncé au bord des eaux courantes, forment un paysage non moins beau que ceux des rives de la Tamise.

Cette vallée s’appelle Gova ou Goa. De loin elle nous paraissait unie, mais le sol en est profondément sillonné par des eaux vives d’une fraîcheur délicieuse, ruisselets qui descendent des montagnes et font mille détours auxquels les obligent des buttes sans nombre.

À partir du parallèle du pic de Chirobou nous n’avons plus trouvé de guides. Les gens ont peur de la tribu qui est à notre gauche, et personne ne veut nous accompagner. Cela nous met dans le plus grand embarras. Les sentiers se croisent dans tous les sens ; ils ont été faits par les villageois en allant des hameaux, situés sur les pentes, aux champs qui sont dans la prairie, et forment un réseau inextricable. Les torrents ont creusé des ravins d’une profondeur de trente à quarante pieds dont les bords, presque perpendiculaires, ne peuvent être gravis qu’à certaines places. Le peu d’habitants qui restent dans les bourgades accrochées aux montagnes, nous voyant circuler dans la plaine, et tenter de franchir ces ravins à des endroits impossibles, jettent leur cri d’alarme, auquel répondent des hurlements sauvages. Ce sont des cris de guerre, et nous sommes trop loin des gens pour nous expliquer. Heureusement ils ont détruit les grandes herbes, ce qui nous permet de les voir. Nous avons choisi un lieu découvert pour y établir notre camp. Tous ceux qui nous entourent nous prennent pour des chasseurs d’esclaves ; malgré cela, et bien que l’attaque nocturne soit dans les usages de ces tribus, notre sommeil n’a pas été troublé.

Les nuits sont fraîches, en raison de la hauteur où nous sommes. À neuf heures du matin, ainsi qu’à neuf heures du soir, nous n’avons que 14° 1/2. C’est à peu de chose près la température moyenne. Au milieu du jour le thermomètre indique environ 28° ; au coucher du soleil il en marque 21. Le point le plus bas où nous l’ayons vu descendre est 2°7/9es.

Les herbages incomplétement brûlés rendent la marche excessivement pénible. Aux yeux d’un Européen l’obstacle paraît insignifiant ; mais il faut se figurer des brins d’herbe de la grosseur du petit doigt, et des chaumes de la dimension d’une canne, penchés dans tous les sens, et arc-boutés les uns contre les autres de manière à vous faire lever le pied comme pour franchir de hautes bruyères. La force de ces chaumes lors des incendies annuels, donne lieu à des explosions qui ressemblent à des coups de pistolet.

Partout de grandes quantités de sorgho. Nous voyons les buffles paître dans les jardins abandonnés ; quelques-uns poursuivent des femmes, et celles-ci leur échappent en courant beaucoup plus vite que ces bêtes rapides.

Le seul instrument aratoire de ce pays-ci est la houe à manche court. À Têté la culture du sol, qui se pratique ainsi que le représente une vignette précédente, se fait exclusivement par les femmes esclaves. Chez les Manganjas, hommes et femmes cultivent la terre. Sur la côte occidentale on fait usage d’une houe à double manche. Ailleurs, la houe dont on se sert a un manche de quatre pieds de long ; mais nulle part en Afrique les indigènes ne connaissent la charrue.

Néanmoins leur science agricole est pour l’observateur impartial un sujet d’étonnement. La première fois que l’évêque Mackensie vit la manière dont les champs des Maganjas étaient cultivés, il nous dit avec surprise : « Lorsque je parlais de mes intentions relativement aux Africains, je citais les leçons d’agriculture que je me proposais de leur donner ; je vois maintenant qu’à cet égard ils en savent beaucoup plus que moi. » Ce témoignage est celui d’un homme d’honneur, d’un esprit aussi droit qu’éclairé ; et nous croyons que tout individu qui, sans parti pris, verra des Africains non avilis par la servitude, aura de leur intelligence, de leur travail et de leur caractère une bien autre estime que ceux qui ne les ont vus que dégradés par l’esclavage.

Une nuit, couchés assez près d’une hutte pour entendre ce qui s’y passait, nous fûmes réveillés sur les deux heures par le bruit du grain qu’on broyait. « Ma, dit une voix enfantine : Pourquoi moudre quand il fait noir ? » La maman engagea la petite fille à dormir et lui donna le premier sentiment d’un beau rêve, en ajoutant. « Je fais de la farine pour en acheter de l’étoffe aux étrangers, afin que ma mignonne ressemble à une belle dame. » En observant ces races primitives, on trouve Croufldiles sur le Chirè. - Dessin de A. de Neuvxlle. continuellement chez elles de ces traits d’une nature essentiellement humaine et qui nous sont familiers.

Leur moulin est composé d’un bloc de granit, ou de syénite, parfois même de mécachiste, ayant de quinze à dix-huit pouces carrés, sur cinq ou six d’épaisseur ; et d’un morceau de quartz, ou d’autre roche également dure, de la dimension d’une demi-brique ; l’un des côtés de cette espèce de meule est convexe, de manière à s’adapter à un creux en forme d’auge, pratiqué dans le bloc qui est immobile.

Quand la femme a du grain à moudre, elle s’agenouille, saisit à deux mains la pierre convexe, et la promène dans le creux de la pierre inférieure par un mouvement analogue à celui d’un boulanger qui presse sa pâte et la roule devant lui. Tout en la faisant aller et venir la ménagère pèse de tout son poids sur la meule et de temps en temps remet un peu de grain dans l’auge du bloc. Celui-ci est incliné, de manière que la farine, à mesure qu’elle se fait, tombe sur une natte disposée pour la recueillir.

Cet égrugeoir est sans doute le moulin primitif ; il a dû précéder le moulin à bras des Orientaux, et peut-être Sarah l’a-t-elle employé quand elle a traité les Anges.

Une autre partie de la tâche des Africaines est la préparation de la bière. Elles font germer le grain, le font sécher au soleil, le réduisent en poudre et soumettent cette farine au brassage.

Leur bière, ainsi que nous l’avons dit, ne se garde pas ; quand elle est faite il faut la boire. Souvent les convives sont priés d’apporter leurs houes, afin de dissiper l’excitation de l’ivresse en se livrant à un vigoureux piochage.

Nous approchons des estocades de Chiusamba, sur les rives du Liptipi.


Anthropologie. — Produits. — Industrie. — Conclusion.

Chiusamba nous a reçus dans une très-grande hutte, et nous a fait présent d’un énorme panier de bière. Il a quelque chose du type juif, ou plutôt du visage assyrien, tel que nous le montrent les sculptures du musée britannique. Ce genre de figure est bien commun dans le pays. La plupart des têtes ne sont pas moins bien faites que celles que nous voyons sur les anciens monuments d’Égypte et d’Assyrie. Il en est qui se prolongent un peu en arrière et se développent en hauteur comme la tête de Jules César. Cette forme se rencontre plus souvent qu’en Europe. Les lèvres tiennent plutôt de celles des blancs que des lèvres énormes des noirs de la côte de Guinée ; elles sont fortes, mais pas d’une façon désagréable. Un large anneau, porté à une oreille, ainsi que diverses manières d’arranger les cheveux, nous rappellent ce que nous avons vu sur un monument égyptien. La jambe n’a pas, en général, ce haut mollet qu’on attribue à la race africaine, et dont on a fait l’un de ses traits caractéristiques. Enfin, nous ne rencontrons pas ici plus de talons projetés en arrière que chez les peuples civilisés. Nous avons remarqué plusieurs fois une longueur exagérée du fémur ; mais nous ne savons pas si le fait est plus commun dans cette région que ne l’était jadis parmi nous le fait des longs bras qui donnaient aux Anglais tant d’avantage pour manier le sabre.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler en terminant les principaux résultats de nos explorations.

Citons au premier rang la découverte d’un port qu’il serait facile d’approprier aux besoins du commerce, et la connaissance exacte du Zambèse comme voie de communication entre la côte et la région salubre, qui, selon toute probabilité, deviendra le siége d’établissements européens.

La condition du fleuve a été soigneusement étudiée pendant la saison sèche ; de même que, pour en établir la profondeur, on examine les ports à marée basse. Il est possible que, pendant plusieurs mois de l’année, le Chiré et le Zambèse s’élèvent beaucoup plus haut que nos chiffres ne l’indiquent ; mais leur niveau ne sera jamais inférieur à celui que nous avons donné.

La fertilité du sol nous a été largement prouvée par la richesse de ses produits.

Un coton d’excellente espèce a été recueilli dans beaucoup de districts.

On pourra juger de la fertilité de cette région par ce fait que des plantes, qui réclament ailleurs beaucoup de soins, y viennent à l’état sauvage, aussi bien que le cotonnier. Ainsi le tabac croît sans culture et se propage de lui-même, le ricin ordinaire se rencontre partout dans les mêmes circonstances. L’indigotier, en divers endroits, est connu sous le nom d’occupant des jardins abandonnés, parce qu’il s’empare de tous les terrains ou on le laisse libre.

La canne à sucre, dans ce pays-ci, n’est pas un produit spontané ; mais elle y fleurit ; et cultivée dans un sol riche et gras, elle devient, sans fumure, tout aussi grosse qu’à l’île Maurice et à l’île Bourbon, où elle ne peut être obtenue sans guano. D’après les cristaux qui apparaissent dès qu’on la tranche, elle paraît contenir beaucoup de sucre.

Dans les terrains bas, le sol est revêtu d’herbes géantes qui dépassent de beaucoup la taille d’un homme. La plaine qui touche à la côte et se déploie sur une largeur de cent à trois cents milles, convient parfaitement aux bêtes bovines.

L’unique défaut que l’on puisse reprocher à cette terre est son extrême fécondité. Speke et Grant ont signalé une région très-fertile aux environs de l’équateur ; mais nous ne pouvons pas nous figurer une végétation plus excessive que celle que nous avons rencontrée du quinzième au dixième degré de latitude sud, ou bien elle formerait un obstacle absolument infranchissable.

Dans les îles de Chiré on sème et on récolte du grain d’un bout de l’année à l’autre, sans égard pour la saison ; pendant les quatre mois de sécheresse, le froment qu’on a irrigué, germe, se développe et mûrit. Des Européens seraient toujours sûrs d’y faire annuellement une récolte de blé et deux ou trois de maïs.

La végétation des hauteurs est moins luxuriante que celle des vallées basses ; mais, en moyenne, l’herbe y est aussi épaisse que dans les plus riches prairies d’Angleterre.

Ces pâturages, qui s’étendent sur des centaines de milles, sont les meilleurs que l’on puisse trouver en Afrique. La preuve en est dans la condition du bétail qui, presque abandonné à l’état sauvage, devient tellement gras et bonnasse, que les taureaux se laissent tourmenter par les enfants, leur permettent de jouer avec eux, et leur servent de monture. Nous avons souvent vu des vaches, qui ne mangeaient que de l’herbe, être aussi grasses que les bêtes primées dans nos expositions.

On ne trouve, en général, sur ces hauteurs, ni tsetsés ni moustiques.

Il y a néanmoins un inconvénient grave que nous avons signalé plus d’une fois, et qui caractérise toutes les parties de l’Afrique centrale : nous voulons parler des sécheresses périodiques.

La sécheresse est toujours partielle ; mais elle peut s’étendre sur un espace de deux ou trois cents milles. D’après les renseignements que nous avons recueillis, nous pensons qu’entre le deuxième et le quinzième degré de latitude sud, elle reparaît tous les dix ou quinze ans ; et que du quinzième au vingtième degré, elle revient tous les cinq ans.

Bien que le pays soit largement pourvu d’arbres, le bois de charpente, d’une taille vraiment belle, ne s’y trouve que dans certains parages d’une étendue restreinte.

Le gounda, fort estimé par la durée de son bois, a des proportions qui permettent d’y creuser des pirogues du port de deux ou trois tonneaux.

Le mosokoso et le moukoundou-koundou fournissent également de beaux bois de construction.

Le gaïac est ici beaucoup plus gros que partout ailleurs. Nous en avons mesuré qui avaient douze pieds de tour ; mais bien que son bois ait absolument le même aspect que le gaïac ordinaire, on dit qu’il lui est inférieur comme résistance.

Les forêts africaines sont plus remarquables par la qualité que par la taille des essences qui les composent : les bois durs y foisonnent. L’ébène d’Afrique est plus noir que celui du commerce, et l’arbre qui le fournit est plus gros que l’ébénier commun ; il n’appartient pas à la même famille. On le trouve en abondance sur les bords de la Rovouma, où il s’approche de la côte à une distance de moins de huit milles. D’autres bois précieux croissent dans les mêmes localités ; le fustet, par exemple, qui fournit une matière colorante d’un jaune très-solide.

Le molompi, largement répandu dans cette région, nous paraît identique au ptérocarpe érinacé, d’où provient le kino de la côte de l’ouest ; la gomme abondante qui exsude de ses plaies ressemble entièrement à ce produit médicinal.

On fait avec son bois, à la fois solide et léger, des pagaies et des rames excellentes.

Il y a encore le bauhinia, appelé bois de fer tant il est dur ; et le manglier, très-estimé sur la côte, où l’on en fait des chevrons.

Une salspareille, probablement le smilax krausiana, est très-commune sur les hauteurs ; la racine du colombo ne l’est pas moins dans les plaines. Le bouazé, dont la filasse est plus forte et plus fine que celle du lin, abonde également, ainsi que la sansévière fibreuse, l’éfe des indigènes.

Une huile concrète ou liquide est produite par le bouazé, le motsikiri, le boma, un sterculier et une espèce d’acajou ; celle du bouazé est très-siccative.

Le sésame est en outre largement cultivé ; ses graines sont achetées par le commerce, et fournissent, avec l’arachide, une partie notable de l’huile de table que l’on consomme en Angleterre.

Enfin un grand concombre, appelé makaka, est l’objet d’une culture étendue, non-seulement comme plante comestible, mais en raison de l’huile très-fine que l’on retire de ses semences.

Les produits de cette région réclameraient plus de détails ; mais le courage nous manque pour les décrire avec le soin qu’ils mériteraient. Nous n’en parlons pas avec l’ardeur pleine d’espoir que nous avions autrefois ; nous citons la découverte des lacs Chirwa et Nyassa, l’étude patiente du Zambèse jusqu’en amont des cataractes, celle du Chiré, ou tout autre fait géographique de ce voyage, sans éprouver le moindre orgueil.

Tout cela ne se rattachait qu’incidemment à notre but, et la vente de l’homme assombrit nos souvenirs.

Notre expédition est la première, nous le croyons du moins, qui ait vu la traite au lieu même de son origine, et l’ait suivie dans toutes ses phases ; c’est pour cela que nous avons décrit avec tant de détails les diverses pratiques de cet odieux négoce.

On a dit que la vente de l’homme était soumise, comme toutes les autres, à la loi commerciale de l’offre et de la demande, et devait par conséquent rester libre. Cette assertion a été risquée parce que nul ne pouvait la démentir. Mais, nous l’affirmons à notre tour, cette vente est la cause de tant de meurtres, qu’elle ne doit pas plus être classée parmi les branches de commerce que le vol de grand chemin, l’assassinat ou la piraterie. Ce ne sont pas seulement les coupables et les accusés de sorcellerie qui sont vendus. L’enfant d’un pauvre est saisi en payement d’une dette ou d’une amende, au nom du chef et à titre légal.

Viennent ensuite les voleurs qui, soit isolément, soit par groupe, enlèvent les enfants des hameaux voisins, quand les pauvres petits vont puiser de l’eau ou chercher du bois. Nous avons vu des districts où chaque demeure était entourée d’une estacade, et les habitants n’y étaient pas en sûreté.

Ces rapts, d’abord partiels, amènent des représailles ; les bandes se forment, la lutte grandit ; ce qui avait lieu de village à village se passe de tribu à tribu. Le parti le plus faible devient errant, se procure des armes en vendant ses captifs, attaque les tribus paisibles, et n’a plus d’autre emploi que d’approvisionner les marchés de la côte.

Des bandes armées, conduites par des agents commerciaux, appartenant à des Arabes et à des Portugais de la côte, sont expédiées dans l’intérieur avec de grandes quantités de mousquets, de munitions, de grains, de verre et de cotonnade. Ces derniers articles servent, au début du voyage, à payer les frais de route et à faire des achats d’ivoire ; mais il n’est pas une de ces caravanes qui n’ait accompagné les indigènes dans leurs razzias et n’ait attaqué une peuplade quelconque avec l’intention d’y faire des captifs. Nous n’avons pas un seul exemple du contraire. Le fait est si commun, qu’il en résulte une dépopulation effrayante. L’arc et les flèches ne tiennent pas contre le mousquet ; la fuite des habitants, la famine et la mort s’ensuivent. Et nous répétons ce que nous avons dit plus haut avec une ferme conviction, qu’il n’est pas un cinquième des victimes de ces chasses, souvent même un dixième, qui arrive à Cuba ou partout ailleurs, et profite à ces bons maîtres que leur destine la Providence, car c’est ainsi que les possesseurs d’esclaves interprètent les Écritures.

Ce dernier système des bandes guerrières trafiquantes est celui des Portugais de Têté, et le carnage dont il nous a donné le spectacle défie toute description.


Buffles dans un jardin (voy. p. 172). — Dessin de E. Forest.


Comme tous les médecins, nous avions assisté à des scènes bien douloureuses ; le tableau de la mort nous était familier ; mais les horreurs produites par le commerce de l’homme dépassent tout ce que nous aurions pu croire.

Le système des engagés volontaires ou des libres émigrants pour l’île de la Réunion ou pour tout autre pays, n’est qu’un leurre.

Nous avons vu les libres émigrants du pays des Manganjas descendre le Zambèse dans des canaux qu’ils emplissaient, et où ils étaient chargés de chaînes. « Vous n’y pouvez plus rien, nous disait en riant le gouverneur de Têté, nous sommes couverts par le pavillon français. » Il y a en France, croyons-nous, des milliers d’hommes qui auraient payé d’un coup de pied ce compliment au drapeau tricolore.

En résumé, d’après les faits observés, nous affirmons hautement que la traite, quelque nom qu’elle revête, ne se recrute qu’au moyen d’une véritable chasse, et oppose une barrière insurmontable à toute espèce de progrès.

Extrait de la traduction inédite de Mme Loreau.



  1. Suite et fin. — Voy. pages 113, 129 et 145.
  2. Ce fut à Choupanga, pendant le mois d’avril 1862, que le docteur Livingstone eut le malheur de perdre sa courageuse compagne. Vers le milieu du mois, mistress Livingstone fut attaquée de la fièvre, suivie de vomissements opiniâtres. On ne connaît pas de remède contre cet effroyables symptôme, qui d’ailleurs rend toute médication inutile puisque rien n’est pris qui ne soit immédiatement rejeté. (Voy. p. 113.)
  3. Voy. p. 118.
  4. Les voyageurs virent beaucoup de cadavres charriés aussi par les eaux du Chiré. C’étaient les restes de malheureuses victimes de la disette et de la chasse aux esclaves.