Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/YASNA/Hâ49.

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Traduction par James Darmesteter.
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (I. La Liturgie (Yasna et Vispéred) (Annales du Musée Guimet, tome 21)p. 320-324).




HÂ 49 (SP. 48. — GÂTHA SPENTA MAINYU 3



1. Protéger le monde contre le mal qui le rend malade. Ce qui cause cette maladie, c’est l’iniquité du juge (§ 2). Souhaits de félicité pour le juge honnête, de damnation pour le juge inique ; le fidèle ne reconnaît d’autre maître que la vertu et brise tout lien avec les méchants (§ 3).

4. Les hommes de colère qui se plaisent au mal sont des démons, des docteurs de la religion du mal.

5-7. Prospérité promise à celui qui fait régner Ahura, qui promulgue ses lois et suit la religion chantée par le Prophète (§ 6). Qui agira envers Zoroastre comme un parent, comme un serviteur, en lui apportant ses dons et célébrant ses pratiques ?

8-9. Que Dieu donne à Frashaoshtra l’enthousiasme pour le bien (§ 8) ! Éloge des premiers soutiens du Prophète, Frashaoshtra et Jàmâspa, qui ne laissent pas le pouvoir aux mains des méchants (§ 9).

10-11. Ahura protège les justes : les mauvais princes iront recevoir dans l’enfer la nourriture des damnés.

12. Qu’adviendra-t-il du Prophète qui bénit Dieu et implore de lui le bien suprême ?


Dînkart, IX ; 19 (Sûtkar) ; (Varshtmânsar) ; 64 (Bak).


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1. At mâ yavâ. — Tant que dure la maladie, mon grand leur’ est celui qui enseigne le bien à la perversilé*. Que celui qui m’afflige ^ devienne bonne créalure*, ou puiss6-je trouver par Yobu Manô comment le faire périr ^ !

2. Celui qui rend ainsi mon âme malade c’est le juge pervers et perfide, que la justice blesse’, qui dans le monde ne déploie pas Spenla Armaili * et qui ne consulte pas Yohu Manô^, ô Mazda’ !

3. Et nous, notre désir intime, ô Mazda’", c’est la félicité pour le juge 1. at ma yavâ béfidvô pafrê mazislitô ; traduction conjecturale. Le sens général est donné par la glose : « c’est-à-dire que jusqu’à la résurrection il faut protéger le monde ». l^a traduction littérale rend liéndvù par badtûm zamdn « le temps de misère », j)afrè par panoAi/i « secours», mazislitô par mahist ; on ne voit pas si mazishtù se rapporte à héftdvù ou est un sujet : je le prends dans ce dernier sens, en traduisant pafrè comme un parfait de pai-^ cf. sscr. par « sauver, proléger ». badllim zamân semble un équivalent, non une traduction de béfulvô qui, au vers suivant, est traduit vimàrih <c maladie ». traduction confirmée par le Vd. XXII, 5, 19, où Itaiidein est traduit v’imâr et s’oppose à drùm « en bonne santé » [durusl). D’après le Grand Bundahish, p. 40, l’Esprit du Ciel, au moment où Ahriman envahit le ciel, s’écria : bndlîun zamân hnm pànakih apàyat hartan « il faut venir au secours du temps de misère », c’est-à-dire prononça le premier vers de ce Hà. — Si mazishtô se rapporte à Ijéfidvû, il faut le prendre au sens qu’il a LUI, 8 d, mahist min apàr’ik anàki/i, c’est-à-dire « le plus grand de tous les maux », ce qui donne une construction peut-être plus conforme à la traduction du Grand Bundahish. Le sens sera : « tant que dure la pire des maladies, mon protecteur est celui... ». 2. yé dusheretlirisli cilihsUnusbà aslià. — dusLerelLrish est rendu dushnikn’îh « mauvais regard » ; cikLslinuslià, cdsliît, semble le parfait de khsbnu-sli ; cf. p. 238, n. 29. 3. à moi arapà : zak i li arâmînîlàr « celui qui ne me réjouit pas ». 4. vanulii âdà j^aidi « viens en bonne créature » [shapir dahishn), c’est-à-dire « que Vahùman vienne en eux », de sorte que « celui qui ne me réjouit pas me réjouisse », change et me fasse du bien.

5. C’est-à-dire « puissé-je trouver par la vertu un moyen contre les Aharmôk ».

— aosbô vid, cf. Vd. XIX, 3, 7.

6. abyâ ma béùdvabyà mânayèiti : zak’i II pun olà kumsiin vhnàrlli mânhvl « celui qui [avec ses actions] fait demeurer en moi maladie » ; peut-être plutôt « me rend comme malade » : cf. l’expression et la construction mànayen abè « on dirait de... » 7. asbât râresbô ; cf. XLVII, 4, n. 12. Glose : « c’est-à-dire que quand on rend un jugement juste, il en reçoit une blessure «. Dhikart, IX, 42,3, définit cette stance : « de la grave maladie de la Religion par suite du mauvais juge » [madam girdn vîmàrihl dîn min olài darvand dàlôbar).

8. Il ne déploie pas les vertus d’Ârmaiti. — dôresbt, nikizênd, de dares (*dàrsb-t) ; cf. côret :^ *càrt ; yaoget :3 *jôkbt.

9. Il ne se demande pas ce qui est juste.

10. abmàt varenài nîdàtem, « chose déposée à nous en notre désir ». T. I. 41 bienfiiisanl o la Dru j pour le juge oppresseur ". Je ne veux d’aiilre maître que Vohu Manô ’- et je renie toute amitié avec les méchants ’^ 4. Ceux dont riiitelligence mauvaise et la langue attisent la colère et la brutalité ", qui ne rendent pas œuvre de bien à ceux qui fout œuvre de bien, qui se plaisent’^ dans le malfaire et non dans le bien, ceux-là sont des Daèvas, les docteurs "’ de la Religion du Mauvais. 5. Mais, ô Mazda, le miel et la graisse " pour celui qui, pénétré de Vohu Manô, prend pour maître la Religion ’*, et qui, éclairé de toute la sainteté d’Àrmaiti ’^ en toute chose, ô Ahura, règne pour toi ^. 6. Il promulgue vos commandements -’, ô Mazda ; il promulgue la sainteté suivant la pensée de votre intelligence--, tandis que nous chan- 11. ashem sùidyâi tliacsliài ràshayônliô drulilisli : asLem « la sainteté », c’est-à-dire l’état de saint au Paradis, s’oppose à drulîlisli, personnification de l’enfer, comme sùidyâi « faire le bien «’s'oppose à râsliayènhè « faire souffrir ». La traduction littérale est : « sainteté au juge pour faire le bien, Druj pour faire souffrir » : pour la construction de l’infinitif, cf. XLIII, -1, note 4. 42. ta vanlicush sarc izyâi niananhô ; « ainsi je désire la maîtrise de Vohu Manô ». 13. afitaré mriiyè, litt. inter-dico, répond à vî mniyè de la formule Y. XII, 4 ; cf. Y. XIX, 15, 40. Glose : « c’est-à-dire que je m’éloigne de leur amitié » {nigh min dôstih Ivatâ olâshân jûtàk yahvùnain).Cî.An{av(t-Àmràia, antare-ukhti, Y. XIX, 15, 39, note 55. 14. aèshemera.. râmemcâ ; cf. XLVIII, 7, n. 20 ; ràma est une forme parallèle de remô (XXIX, 1 h ; XLVIII, 7).

15. vas, kàmak ; substantif identique à la racine verbale. 16. toi claêvénj ; dà (Pt*) yâ’dregvatô daênû. — dâ est traduit dastôbar, comme déùjj (Y. LXV, 11, note 36) ;|litt. « ceux-là sont des Daêvas, docteurs en ce qui est la religion du Mauvais ».

17. Celui-ci aura tes récompenses, izlià, s/iMnîk, litt. « douceur ». 18. yé daèiirim voliù sârsbtâ mananliâ, « qui, par Vohu Manô, prend pour chef la Religion » ; glose : « c’est-à-dire qu’il fait vertueusement ce que révèle la Religion ». — sârshtà, traduit substantivement sardârlk « maîtrise », est une forme verbale dérivée (peut-être pour sàrslà) ; cf. sâremnô, Y. XXXII, 2, note 5, et sarejâ, sardâr, XXIX, 3, note 15.

19. Litt. « bien instruit, quoi que ce soit, en la sainteté d’Armaiti » ; glose : « c’est-à-dire qu’il fait savamment toutes les bonnes œuvres ». 20. Litt. « par toutes ces choses en royauté tienne », c’est-à-dire qu’il exerce la royauté dans l’esprit d’Ahura. Le pehlvi voit dans tâish vispâisli « tous ces hommes » et glose : « tous ceux qui régnent avec justice tiennent de toi la royauté ». 21. fraèshyà ; le pehlvi a : « je commande (farmcnjîm) les choses de vous, c’est-à-dire vos œuvres » ; fraèshyà, de fra-isb ; cf. stance 8, fraèslità (fra-ishtar) =z/’a ?’mâiipat, imperator.

22. Glose : « suivant la pensée de la Religion ». tons de choisir le droit ", c’est-à-dire la religion qui est la vôtre, ô Ahura.

7. Écoutez-moi, ô Mazda, avec Vohu Manô ! Ou’Asha m’écoute ! prêtez l’oreille, ô Ahura ! Quel est celui qui se montrera mon serviteur, mon parent, en m’apportant ses dons -’, et qui donnera belle célébrité à mes pratiques ’" ?

8. Donne à Frashaoshtra l’ardeur pour le bien -". Ce que je demande de toi pour les miens, ô Ahura Mazda, c’est le pouvoir exercé suivant la loi de ta bonne Royauté. Puissions-nous avoir le commandement jusqu’à la fin des temps !

9. Qu’il écoule mes enseignements, l’utile Frashaoshtra, fait pour le bien ", l’homme aux droites paroles qui ne donne pas l’empire au méchant ^^ A la religion s’adjoint la récompense suprême", ô vaillant et sage Jâmâspa ^ qui es uni à l’Asha.

10. Et toi, ô Mazda, lu protèges dans ta création" Vohu Manô et les 23. eresh vicidyài ; cf. Y. XXX, 3 c. Il suit nos instructions. 24. dàtaisli aiihaj. Lilt. « qui sera serviteur, qui parent par ses dons» ? 25. vé veiezénài aniibini dàt frasastim. Malgré le rapprochement de hvaêfush et d’aiI•^•aman, verezéiia ne peut désigner ici le troisième terme de la société {voir Y. XXXII ; note 2). Aussi est-il traduit en pehlvi, non pas vâlîin, mais varzislm « action, conduite « ; glose : « c’est-à-dire qui tiendra tes actes en glorification » ? Ce passage est éclairé par l’imitation des Yashts (IX, 26 et XVII, 46 ; cf. Y. LUI, note 19) où Zoroastre demande à la divinité la faveur de pouvoir convertir Hutaosa, « afin, dit-il, qu’elle accepte de moi la Religion de Mazda et la prêche, et donne belle célébrité à mes pratiques » (yâ mê varezànâi vanuhîm dàt frasastim). 26. urvâzishtàm, transcrit nrvdzishn, glosé garmôk ; glose : « c’est-à-dire donnelui la chaleur pour faire les bonnes œuvres ». urvàzishta est un des noms du feu, celui qui est dans les plantes : Y. XVII, 11, 65. — Frashaoshtra, voir XXVlll, note 31. 27. fshéûg-hyô « qui entretient, qui fait prospérer » (voir Y. XXXI, note 40) ; suyè tashtô, peut-être mieux : « artisan du bien » [sût tâsliUâr ; cf. dàtô, cistô = dàtdr, cas/tUàr, Vd. II, 3, 10).

28. didàs, participe présent de dà, avec redoublement rare en di ; — dreg^vàtâ, instrumental à sens locatif ? (traduit ô darvandân « aux méchants »). 29. Les récompenses du Paradis. Litt. « les vies religieuses (les daèoào ; v. p. 254, n. 40) s’unissent à la récompense suprême ».

.30. yàbi dé Jàniâspa ; kàrik dastôhar Jdmâsp, « vaillant Dastûr Jàmàsp ». Sur Jàmàspa, voir Y. XXVIII, n. 31 ; sur dé, v. XLV, n. 36. 31. Traduction conjecturale comme celle de toute la strophe, thwahmi àdàm : cf. XLVIII, n. 23. âmes des justes et Àrmaili avec ses chantés et sa bieafuisance ". Mais une royauté emportée vers le mal périra".

11. Les méchants, les mauvais princes, aux mauvaises actions, aux mauvaises paroles, à la mauvaise religion, à la mauvaise pensée, leurs âmes vont recevoir la nourriture immonde" ; certainement ils iront habiter la maison de la Druj.

12. (Ju’adviendra-t-il donc de Zaralhushtra ^’, qui implore ton secours, ô Asha ? De moi qui vous béni3 dans mes cantiques, ô Ahura Mazda, avec Vohu Manô, implorant de vous ce qui est votre bien suprême ! Zôt et Ràspî ensemble ;

•13. Par l’Esprit du Bien et la Pensée Excellente ... (Y. XLVII, 1 ; 2 fois). Ashem votiù (5 fois).

Nous sacrifions au Hâ At ma yavâ.

Yènlic hâtàm.

32. iiemuscà jà àrmailisli izhàcà ; nemù, la prière accordée et par suite la bonté qui accorde [niijdyishnômnndih anâ agh mandùm yakbùnêl). Ce vers est récité dans la purification du Baraslinôm (Vd. VIII, 12).

33. màzà klisliathrà vazdanLù avamirà. L’analyse du Dbikart, IX, 42, 11, porte : « De la punition du méchant qui use du pouvoir pour s’approprier quelque chose contre la justice » {mculam patfrdsî darvand manash pun khàinyi/i addtî/id mandùm yansagùnand). La traduction pehlvie a : « celui qui porte sa pensée vers une royauté mauvaise périt » {man minishn ô hhùtdylh vàzinét apdrùn fret mûri yahvùnêt). Les deux traductions s’accordent pour le sens général, mais ni l’une ni l’autre ne donne les éléments d’une analyse grammaticale. Je traduis très hypothétiquement en suivant pour màzà le Hà XLllI, 12 (note 40) et traitant vazdaillià comme un dérivé de vaz avec sens péjoratif ^cf. pehlvi vdziiiél aparùn). lilisliatlirà comme le sujet, avamirà comme un adjectif verbal.

34. La nourriture infernale : voir Y. XXXI, 20, n. 76 ; LUI, 6 d ei Yt. XXII, 36. 35. De moi, Zarathushtra.

36. La réponse sous-entendue est indiquée par le Dtnkarl, IX, 42, 13 : « Réponse des Amshaspands à Zoroastre à propos de la récompense qu’il sollicite et comment ils le satisfont ».