Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/PantagruelinePrognostication/Commentaire

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Texte établi par Marty-LaveauxAlphonse Lemerre (Éditions Marty-Laveaux, Tome IVp. 353-358).

TOME III

(pages 229-252)

PANTAGRVELINE PROGNOSTICATION

Page 229, l. 1 : Pantagrueline prognoſtication. Cet opuscule a paru plusieurs fois séparément. Voyez la Bibliographie. Nous suivons ici le texte de l’édition des œuvres de 1553, qui est, de beaucoup, le plus étendu.

Les pièces satiriques du genre de celle-ci sont assez communes avant Rabelais. « Un anonyme allemand, dit Le Duchat, en composa en sa langue une toute pareille, que traduisit en latin & augmenta Jaques Henrichman, autre Allemand qui en l’année 1508 la dédia au baron de Schwartzenberg, & au poète Henri Bebel, avec invitation à ce dernier de la joindre à ses Facéties comme il fit effectivement dans l’édition qui en parut en l’année 1512. » — Bebelius a aussi publié dans le même recueil un petit morceau analogue beaucoup plus court, composé par le docteur Henri Ritter Starrenwadel. Ces deux opuscules ont été reproduits in extenso par Regis, t. II, p. 927-934. Souvent ces facéties étaient en vers. Voyez La grand & vraye Pronoſtication generale… par le grand Haly Habenrugel, que M. A. de Montaiglon regarde comme composée peu de temps après 1481 (Poésies françaises des XVe et XVIe siècles, t. VI, p. 5-46, Bibl. elzév., et La grant & vraye Prenoſtication, pour cent & vng an… par maiſtre Tyburce Dyariferos, même recueil, t. VIII, p. 337-346.)

Quant aux reproductions de la Pantagrueline prognoſtication sous divers titres, elles sont extrêmement nombreuses jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Édouard Fournier en a publié une intitulée : Manifeſte & predictions des plus veritables affaires qui se doivent paſſer en France cette année 1620, par le ſieur de la Bourdanière (Variétés historiques et littéraires, t. VII, p. 5-8. Bibl. elzév.) ; mais il n’a pas indiqué que c’est un extrait presque textuel de l’opuscule de Rabelais.

L. 13 : Du nombre D’or non dicitur. « On ne parle pas. » — « Aureus numerus hoc anno parvus erit et modicus apud pauperes. » (Henrichman, c. 1, Regis, t. III, p. 931)

Le nombre d’or trouuer ne puis,
Non plus que faiſoye l’autre année.

(La grant & vraye Prenoſtication. — Anc. poés. t. VIII, p. 341)

L. dernière : Verte folium. « Tourne le feuillet. »

Page 231, l. 16 : Ceſar en ſes commentaires. « Est autem hoc Galliæ consuetudinis, ut, et viatores etiam invitos consistere cogant ; et, quod quisque eorum de quaque re audierit, aut cognoverit, quærant. » (IV, 5)

Page 235, l. 4 : Dict il pas vray ?…Œuvres, 1542 : « Et en ce dict vray, combien qu’ailleurs il ait rauaſſé oultre meſure. »

Page 236, l. 12 : Les eſcabelles monteront ſur les bancs. « Scabella ſuper ſcamna aſcendere conabuntur. » (Henrichman, c. 2, Regis, t. III, p. 931)

Page 237, l. 9 : Si… nos ? « Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? »

L. 10 : Nemo domine. « Personne, Seigneur. »

Page 238, l. 3 : Les aueugles ne verront que bien peu. Joach. Fort. Rindelbergius d’Anvers, dans De ratione ſtudii publié chez Gryphius en 1531, in-8o, a consacré à l’astrologie un chapitre que Rabelais a largement mis à profit, comme on le verra par l’extrait suivant :

Ridicvla, sed ivcvnda qvædam vaticinia.

« Proximo anno, cæci parum, aut nihil videbunt, ſurdi male audient, muti non loquentur… Diuites melius ſe habebunt quam pauperes, ſani quam ægri… Multi interibunt piſces, boues, oues, porci, capræ, pulli & capones : inter ſimias, canes & equos mors non tantopere ſæuiet… Senectus eodem anno erit immedicabilis, propter annos qui præceſſerunt… Bellum erit inter canes & lepores, inter feles & mures, inter lupos & oues, inter monachos & oua… » — Starrenwadel dit aussi : « Sani melius habebunt quam infirmi ; pariter diuites quam pauperes. » (XX, Regis, t. III, p. 928)

Page 239, l. 5 : L’appelle Auerroys VII. colliget. Faulte d’argent. Comme on le pense bien, Averroès, dans le livre VII de son colliget consacré à la thérapeutique « de curatione morborum, » n’a nullement parlé de la manière de guérir cette maladie. Ici Rabelais fait allusion au refrain :

Faulte d’argent c’eſt douleur non pareille.

Voyez ci-dessus, p. 201, la note sur la l. 12 de la p. 295.*

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Page 240, l. 3 : Ie trouue par les calcules de Albumaſer. Starrenwadel cite Albumazar dans des circonstances analogues : « In rariori… vſu erit piſcis apud pauperes propter reſpectum Aquarii contrarium pecunis, vt notat Albumaſar in quarto tripartiti. » (VIII, Regis, t. III, p. 928)

L. 12 : Piſces. Nom latin de la constellation des Poissons.

L. 14 : Le ſoucil, & l’ancholie… auecques abondance des poires d’angoiſſe. « Allusion aux ſoucis, à la melancholie et aux angoiſſes de la vie. » (Le Duchat.) Les jeux de mots de ce genre sont un des lieux communs des prophéties comiques de ce temps :

Soufflez, penſiez regneront à oultrance,
Mais la mente le bruit hara en tout faict.
Force noiſes, dont maint ſera deffaict,
Croiſtront par gens de mauluais entretien.

(La grand & vraye Prenoſtication. — Anc. poés. t. VI, p. 41)

De mente, penſees, ſoucy,
Aura entre autres violettes,
Et largement verres auſſy
De grans & petites noyſettes.

(La grant & vraye Prenoſtication. — Anc. poés. t. VIII, p. 340)

On voit que penſiéz, penſées, est de même que ſouſſiez, ſoucy, employé dans un double sens, et que les noyſettes font allusion aux noiſes ; quant à la mente, c’est un jeu de mots entre menthe et menterie, mensonge.

Page 242, l. 5 : L’inuention ſaincte croix. Voyez ci-dessus, p. 179, la note sur la l. 1 de la p. 247.*

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L. 16 : Promoteurs. 1553 : Prometteurs, qui paraît une faute.

L. 17 : Et tant mourra de gens d’eſgliſe… « Magna erit ſacerdotum penuria, adeo quod quidam tria quatuorue, aut plura habebunt officia eccleſiaſtica. » (Henrichman, c. XXII. Regis, t. III, p. 934)

L. 28 : Tacuins. 1542 : Auinceniſtes.

Page 243, l. 1 : Eueſque des champs. Pendu, comme l’explique ce qui suit.

L. 16 : Nomina mulierum deſinentia in iere, vt. « Les noms de femmes ayant des désinences en ière, comme. »

L. 18 : Reputanation. La plupart des éditions portent reputation ; mais il faut se garder de corriger cette faute, assurément volontaire, de l’édition de 1553. Il y a là un jeu de mots entre réputation et putana.

L. 26 : Ioueurs de paſſe paſſe. Les éditions de 1542 et 1547 ont ici en plus : « Enchanteurs, Vielleurs, Oblieurs, Poetes. »

Page 244, l. 6 : Lan D. XXIIIJ. « Il avoit paru plusieurs Predictions qui à cause de la grande conjonction de Saturne, de Jupiter & de Mars au signe des Poissons en 1524, annonçoient pour le mois de Fevrier de cette année là un second Deluge universel : & il n’en a pas fallu davantage pour faire courir en foule à S. Jaques en Galice la nation Alemande encore en ce tems-là fort entêtée des pélerinages. » (Le Duchat)

Page 245, l. dernière : Adeo… beatum. Voyez ci-dessus, p. 293, la note sur la l. 13 de la p. 422.*

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Page 246, l. 22 : Aries. Nom latin de la constellation du Bélier.

Page 247, l. dernière : Attendez la venue du boyteux. C’est le temps qui est ainsi désigné proverbialement :

Attendant le boiteux, je conſolois Lucrèce.

Page 248, l. 3 : Chapitre vii. Ce chapitre et les trois suivants ne se trouvent pas dans les premières éditions.

L. 19 : Pour autant que &c. Il feint de commencer à donner une explication scientifique, puis s’arrête brusquement.

Page 249, l. 2 : Les gryphons, & marrons. Rabelais appelle en plaisantant les guides ou porteurs gryphons, non, comme le dit Le Duchat, parce qu’ils montent « comme de vrais gryphons, » mais parce qu’ils ont les jambes garnies de crampons de fer appelés griffes. — Quant au mot marron, il est d’origine italienne : « Marrone, dit Oudin, maron, homme qui ſert à paſſer les montaignes & principalement au mont Cenis. » Montaigne a dit dans ses Voyages, à l’article Novaleſe : « Locai li otto marronii quali mi portaſſero in ſedia fin alla cima di Mon Senis. » C’est de l’un d’eux que Rabelais parle quand il dit un peu plus loin : « Croyez ce porteur. »

L. 8 : Ver. Nom latin du printemps.

L. 10 : Et iou mot. Littéralement : « et je (moi) mot, » c’est-à-dire : « moi je ne dis mot ; motus. »

Page 250, l. 3 : Quel vent. — Œuvres 1542 : Quel temps, ny quel vent.

L. 12 : Haly. Ce mathématicien arabe du XIIe siècle est fréquemment allégué par les faiseurs d’almanachs : « Secundum ſententiam Hali Habenragel » (Starrenwadel, I, Regis, t. III, p. 928). C’est sous son nom qu’est mise La grand… prognoſtication generale. Voyez ci-dessus p. 353.

L. dernière : Contraria contrariis curantur. « Les contraires sont guéris par les contraires. »

Page 251, l. 7 : Tel cuidera… fiantera.

Car en lieu de pet ou de veſſe
On chiera long ou à lozanges.

(La grant & vraye Prenoſtication. — Anc. poés. t. VIII, p. 344.)

Dans L’Almanach prophétique du ſieur Tabarin pour l’année 1623 (œuvres de Tabarin, t. II, p. 433) le passage de Rabelais est reproduit presque textuellement : « Les cuidez ſeront trompez : car tel cuidera faire quelque ventoſité dans ſes gregues qui y chiera tout à fait. »