Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCCXII
CHAPITRE CCCXII.
En ce temps que le siége se tenoit devant Calais, venoient voir le roi et la roine plusieurs barons et chevaliers de Flandre, de Brabant, de Hainaut et d’Allemaigne ; et ne s’en partoit nul sans grand profit, car le roi et la roine d’honneur et de largesses étoient si pleins et si affaités, que tout ils donnoient ; et par celle vertu acquirent eux la grâce et la renommée de toute honneur. En ce temps étoit nouvellement revenu en la comté de Namur, du voyage de Prusse et du Saint-Sépulchre, ce gentil et vaillant chevalier messire Robert de Namur ; et l’avoit fait le sire de Spontin chevalier en la sainte terre. Messire Robert pour ce temps étoit moult jeune et n’avoit encore été prié de l’un roi ni de l’autre : toutefois il étoit plus enclin assez à être Anglois que François, pour l’amour de messire Robert d’Artois son oncle que le roi d’Angleterre avoit moult aimé. Si s’avisa qu’il viendroit devant Calais voir le roi et la roine d’Angleterre et les seigneurs qui là étoient. Si s’ordonna selon ce, et mit en bon arroy et riche, ainsi comme à lui appartenoit et que toudis il alloit par le chemin. Si exploita tant par ses journées, qu’il vint au siége de Calais, honorablement accompagné de chevaliers et d’écuyers, et se présenta au roi, qui liement le reçut, et aussi fit madame la roine. Si entra grandement en leur amour et en leur grâce, pour cause de ce que il portoit le nom de messire Robert son oncle, que jadis avoient tant aimé, et auquel ils avoient trouvé grand conseil. Si devint le dit messire Robert de Namur homme féodal au roi d’Angleterre, et lui donna le dit roi trois cents livres à l’esterlin de pension par an, et lui assigna sur ses coffres et à être payés à Bruges. Depuis se tint le dit messire Robert de-lez le roi et la roine, au siége devant Calais, tant que la ville fut gagnée, ainsi comme vous orrez en avant recorder.