Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCCXVI

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Livre I. — Partie I. [1347]

CHAPITRE CCCXVI.


Comment le roi de France vint atout son grand ost devant Calais pour cuider lever le siége et combattre le roi d’Angleterre.


Quand les Flamands furent retraits et ils eurent couru les basses marches en la Loeve, adonc s’avisa le roi de France qu’il s’en iroit atout son ost devant Calais pour lever le siège, s’il pouvoit aucunement, car il sentoit messire Jean de Vienne et ses compagnons et les bonnes gens de Calais durement étreints ; et avoit bien ouï dire et recorder comment on leur avoit clos le pas de la mer, pour laquelle cause la ville étoit en péril de perdre. Si s’émut ledit roi et se partit de la cité d’Arras et prit le chemin de Hesdin, et tant fit qu’il y vint ; et tenoit bien son ost parmi le charroy, trois grands lieues de pays. Quand le roi se fut reposé un jour à Hesdin, il vint l’autre à Blangis, et là s’arrêta pour savoir quel chemin il feroit ; si eut le conseil d’aller tout le chemin que on dit l’Alequine. Adonc se mit à voie, et toutes ses gens après, et bien avoit deux cent mille hommes, uns et autres ; et passèrent le roi et ses gens parmi la comté de Faukenbergue, et s’en vinrent droit sur le mont de Sangattes, entre Calais et Wissant[1] ; et chevauchoient ces François tous armés au clair, ainsi que pour tantôt combattre, bannières déployées ; et étoit grand’beauté à voir et considérer leur puissant arroy, ni on ne se put saouler d’eux regarder. Quand ceux de Calais qui s’appuyoient et étoient sur les murs, les virent premièrement poindre et apparoir sur le mont de Sangattes, et leurs bannières et pennons ventiler, ils eurent grand’joie, et cuidèrent certainement être tantôt désassiégés et délivrés : mais quand ils virent que on se logeoit, ils furent plus courroucés que devant, et leur sembla un petit signe.

  1. L’armée française arriva sur ces hauteurs le derrein vendredy avant le goul d’aust, suivant une lettre du roi d’Angleterre à l’archevêque de Cantorbéry, que nous rapporterons ci-après, telle qu’elle se trouve dans Robert d’Avesbury. Or le dernier vendredi avant le goul d’août, c’est-à-dire, avant le premier août était le 27 juillet, puisqu’on cette année 1347, le premier août était un mercredi. Ainsi l’historien de Calais s’est trompé lorsqu’il a avancé que les Français arrivèrent à Sangate le 13 juillet.