Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre LXXXIX
CHAPITRE LXXXIX.
Le roi de France étoit parti de Saint-Quentin atout son plus grand effort ; et toujours lui croissoient gens, et venoient de tous pays. Si exploita tant ledit roi et tout son ost qu’ils vinrent à Buironfosse ; et là s’arrêta le dit roi, et commanda à toutes ses gens loger et arrêter ; et dit qu’il n’iroit plus avant, tant qu’il eut combattu le roi anglois et tous ses alliés, puisqu’il étoit à deux lieues près.
Si très tôt que le comte Guillaume de Hainaut, qui se tenoit au Quesnoy, tout pourvu de gens d’armes, put savoir que le roi de France étoit logé et arrêté à Buironfosse, en espoir de combattre les Anglois, il se partit du Quesnoy à plus de cinq cents lances, et chevaucha tant qu’il vint en l’ost du roi de France, et se représenta au dit roi son oncle, qui ne lui fit mie si liée chère que le comte voulut, pour cause de ce qu’il avoit été devant Cambray avec son adversaire le roi anglois et fortement apovri et couru Cambrésis. Nonpourquant le comte s’en porta assez bellement, et s’excusa si sagement au roi son oncle, que le roi et tout son conseil pour cette fois s’en contentèrent assez bien ; et fut ordonné des maréchaux, le maréchal Bertrand[1] et le maréchal de Trie[2], à soi loger au plus près des Anglois.