Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre XCII

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Livre I. — Partie I. [1339]

CHAPITRE XCII.


Comment le roi d’Angleterre se traist sur les champs et ordonna ses batailles bien et faiticement ; et quels seigneurs il avoit en sa compagnie.


Quand ce vint le vendredi matin, les deux osts s’appareillèrent et ouïrent messe, chacun sire entre ses gens et en son logis, et se accommunièrent et confessèrent les plusieurs, et se mirent en bon état, ainsi que pour tantôt combattre et mourir, si besoin étoit. Nous parlerons premièrement de l’ordonnance des Anglois, qui se trairent sur les champs, et ordonnèrent trois batailles bien et faiticement, et toutes trois à pied, et mirent leurs chevaux et leurs harnois en un petit bois, qui étoit derrière eux, et arroutèrent tous leurs charrois par derrière eux et s’en fortifièrent. Si orent le duc de Guerles, le comte de Juliers, le marquis de Blankebourch, messire Jean de Hainaut, le marquis de Mises, le comte de Mons, le comte de Saulmes, le sire de Fauquemont, messire Guillaume de Duvort, messire Arnoul de Blakehen et les Allemands la première bataille ; et avoit en cette première route vingt-deux bannières et soixante pennons, et étoient bien huit mille hommes de bonne étoffe.

La seconde bataille avoit le duc de Brabant : si étoient avec lui tous les barons et chevaliers de son pays ; premièrement le sire de Kuck, le sire de Berghes, le sire de Bredas, le sire de Roselar, le sire de Vauselar, le sire de Baudresen, le sire de Bourgnival, le sire de Sconnevort, le sire de Witem, le sire d’Arskot, le sire de Boukehort, le sire de Gasebeke, le sire de Duffle, messire Thierry de Walecourt, Messire Rasse de Grès, messire Jean de Gasebeke, messire Jean Pilystre, messire Gille de Cotterebbe, messire Gautier de Hotteberghe, les trois frères de Harlebeke et messire Henry de Flandre, qui fait bien à ramentevoir, car il y étoit en grand’étoffe, et plusieurs autres chevaliers et barons ; et aucuns de Flandre, qui s’étoient mis dessous la bannière du duc de Brabant, tels que le sire de Hallevin, messire Hector Villain, messire Jean Rodais, le sire de Gruthuse, messire Waflart de Ghistelle, messire Guillaume de Strates, messire Gossuin de la Muelle et plusieurs autres ; si avoit le duc de Brabant jusques à vingt-quatre bannières et quatre-vingts pennons : si étoient bien sept mille combattans toutes gens de bonne étoffe.

La tierce bataille, et la plus grosse, avoit le roi d’Angleterre, et grand’foison de bonnes gens de son pays de-lez lui ; et premièrement son cousin le comte Henry de Derby, fils de messire Henry de Lancastre au-tort-Col, l’évêque de Lincolle, l’évêque de Duremmes, le comte de Salébrin, le comte de Northantonne et de Glocestre, le comte de Suffolch, le comte de Kenford, messire Robert d’Artois, qui s’appeloit comte de Richemont en Angleterre, car voirement le lui avoit le roi anglois donné, messire Regnault de Cobehen, le sire de Percy, le sire de Ros, le sire de Moubray, messire Louis et messire Jean de Beauchamp, le sire de la Ware, le sire de Hantonne, le sire de Basset, le sire de Fitz-Watier, messire Gautier de Mauny, messire Hue de Hastinghe, messire Jean de Lisle, et plusieurs autres que je ne puis mie tous nommer. Et fit là le roi anglois plusieurs nouveaux chevaliers, entre lesquels il fit messire Jean Chandos, qui depuis, de prouesse et de chevalerie fut plus recommandé que nul chevalier de son temps, si comme vous orrez avant en cette histoire. Si avoit le roi anglois vingt huit bannières et environ quatre-vingt et dix pennons, et pouvoient être en sa bataille environ six mille hommes d’armes et six mille archers. Et avoient mis une autre bataille sur aile, dont le comte de Warvich et le comte de Pennberoch, le sire de Berkeler, le sire de Milleton et plusieurs autres bons chevaliers étoient chefs ; et se tenoient cils à cheval pour reconforter les batailles, qui brandeleroient ; et étoient encette arrière garde environ quatre mille hommes d’armes et deux mille archers.