Les Confédérés vérolés (recueil)/Les Fredaines lubriques de J.-F. Maury

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FREDAINES

LUBRIQUES

DE J** F** MAURY

Prêtre indigne
de l’Église catholique, apostolique et romaine ;
aumônier ordinaire des gourgandines
des rues Saint-Honoré et des Petits-Champs ;
vicaire perpétuel de l’aristocratie ;
député des aristocrânes de Péronne,
et misérable prieur de Lyons en Santerre.


De la chaire au tripot, du tripot à l’autel,
Maury ne lit qu’un saut de l’église au bordel.




A PARIS

Aux dépens des immodestes capucines de la place Vendôme


1790

FREDAINES LUBRIQUES

DE
J** F** MAURY



Qui voudra, du doigt et de l’œil, désigner un prêtre flétri par le bon sens et la raison, l’horreur et le fléau des mœurs et de la sagesse, le type et le prototype du libertinage, l’apôtre déclaré de la luxure, honni même par les catins qui vivent publiquement du trafic de leurs mollasses appas, et qui ne le reçoivent, pour son argent, qu’à la faveur des plus épaisses ténèbres, dans l’appréhension d’être deshonorées dans l’esprit du corps, et d’être expulsées du nombre des illustres de la société ; celui-là, dis-je, n’a qu’à se trouver aux Feuillants, à l’issue d’une des séances de l’Assemblée Nationale, et indiquer J.-F. Maury ; chacun s’écriera : bravo ! bravo ! ah ! c’est bien lui ! voilà le bougre !

Qui voudra de même indiquer un frénétique, un paillard, enfin le plus déterminé des coquins, cachant le démon de la concupiscence sous la soutanelle de l’orgueil et le manteau des vices les plus abjects, et de l’ignorance, peut aussi s’écrier, en voyant J.-F. Maury : Ecce homo ; voilà l’homme.

Si le Jean-Bart, ou plutôt le Jean-Bête moderne, veut employer utilement, dans ses numéros, les lettres initiales avec lesquelles il exprime l’épithète qui lui est si familière, il peut, sans se tromper, nommer J.-F. Maury[1].

Je ne m’arrêterai pas à détailler toutes les preuves qui pourroient me servir à convaincre ce prestolet souillé de tant d’infâmes qualités, que je n’avance rien qui ne soit une constante vérité. À quoi bon ? Eh ! n’est-il pas assez connu, assez méprisé ? Eh ! pourquoi ajouterois-je à l’immense collection de ses perversités et de toutes les plaisanteries bonnes ou mauvaises auxquelles cet excrément de l’Académie françoise a donné lieu ?

J.-F. Maury ne feroit que rire de mon augmentation à ses prouesses ; car il est l’homme de Voltaire,

« Qui, goûtant dans le crime une tranquille paix,
A su se faire un front qui ne rougit jamais. »

D’ailleurs, je l’ai lu, ce fatras volumineux, et au travers de quelques vérités, je n’ai démêlé que l’acharnement justement connu pour un vil scélérat de sa trempe, mais point d’anecdotes réelles. Sa vie privée même n’offre rien de réel, que sa basse et obscure origine ; c’est pourquoi j’ai fait enrichir le frontispice de ses galanteries de trophées immortels, qui constateront à la postérité que J.-F. Maury, pour le bonheur et la tranquillité du genre humain, auroit beaucoup mieux fait, pour se perfectionner, d’employer la forme des souliers, qui lui auroit fait honneur toute sa vie, que de la dénaturer aujourd’hui, pour troubler toutes les têtes.

Le grand jour de l’histoire doit éclairer indistinctement toutes les actions des hommes illustres par les vices ou les vertus. Pourquoi donc les Fredaines lubriques de J.-F. Maury s’y sont-elles dérobées ? Sans en examiner la cause, je crois réparer cette omission, en en donnant le récit succinct.

Mon J.-F. Maury a toujours été, ce que probablement il sera toujours, le plus crapuleux des débauchés, un précurseur de Chausson, le protecteur en titre des grisettes, l’effroi du cotillon, et l’amateur-né des ressources honteuses, employées dans les taudions de la capitale, pour faire recouvrer aux vieux coureurs de filles de joie, leurs forces épuisées par les plus sales jouissances.

Dans ces honnêtes couvents, où la plus modique rétribution reçoit en échange les baisers lascifs et impudiques d’une condylomisée, J.-F. Maury, aussi effronté qu’un jockey de fille entretenue, aussi impudent et aussi grossier que le Pourceaugnac vicomte de Mirabeau, et aussi dégoûtant qu’une marcheuse d’auprès de l’Oratoire, a souvent été l’objet des scènes désagréables, qui auroient mystifié tout autre que lui : ce sont ces scènes, jointes à d’autres, dont je vais former l’assemblage de ses fredaines lubriques.

Avant d’entrer dans le détail des aventures impudiques dont J.-F. Maury a été le héros dans la capitale, j’en vais esquisser une bien suffisante pour donner une idée précise de la paillardise de ce calotin, maintenant l’objet de toutes les conversations et de tous les mépris. J.-F. Maury, qui s’y reconnoîtra sans doute, se gardera bien d’en nier l’exposé. Je le connois, et tout coquin qu’il est, sur l’article de l’incontinence, il est d’une sincérité étonnante.

Sans m’amuser à tracer des époques, j’irai droit au fait, et vais apprendre à mes lecteurs comment et pourquoi ce bouc infect, ce satyre luxurieux reçut les premiers coups de bâton, qui l’ont aguerri, et qui lui ont fait depuis braver tant de fois l’humiliation d’un pareil traitement.

Jeanne Perrier, femme d’un fermier d’auprès de Lyon, réunissoit, à vingt années au plus, les grâces enchanteresses de Vénus, et le sourire de la candeur et de l’innocence. Jamais ménage n’avoit été si bien appareillé, quand le démon de la concupiscence vint élire son domicile dans le corps de J.-F. Maury, conjointement avec celui de l’intérêt, et tous les autres diables qui l’ont inspiré depuis ; qui, sans doute, l’emporteront un jour, lorsqu’il aura vomi son âme impure, où il ne sauroit manquer d’aller. Dieu le veuille. Ainsi soit-il.

J.-F. Maury ne put voir Jeanne Perrier sans s’enflammer pour elle, non de cette passion qui rend quelquefois excusables les atteintes portées à la foi conjugale, mais de ce feu criminel et lascif, qui traîne après lui le désir d’une jouissance tout à la fois honteuse et déshonorante.

Enfin, J.-F Maury s’étoit bien promis de venir à bout de triompher de Jeanne Perrier, qui, quoique soumise au joug du mariage, étoit aussi vertueuse que Jeanne d’Arc, qui, malgré quelques tentatives charnelles pour un baudet favorisé de la nature par l’intercession de l’aréopagiste saint Denis, n’en étoit pas moins une brave et honnête pucelle. Jeanne Perrier donc avoit su résister aux promesses flatteuses, aux offres séduisantes de l’abbé libertin ; mais cette fermeté, loin de le rendre à la raison, n’avoit fait qu’irriter ses désirs, et lui fit concevoir le dessein de ravir par force et par surprise le bijou précieux que Jeanne portoit sous sa jupe villageoise, et qu’elle abandonnoit seulement à son époux.

Le fermier étoit dans l’habitude de conduire du grain toutes les semaines à Péronne, circonstance que J.-F. Maury n’ignoroit pas. Que fit mon scélérat ? Instruit du moment sûr du départ du paysan, l’infâme calotin travesti se rend sur la route, se cantonne dans une auberge, et de là, sous le nom du fermier, dépêche un exprès à Jeanne Perrier, pour lui dire que son époux, blessé par sa voiture, l’engageoit à se rendre auprès de lui ; donne ensuite le mot à l’hôtesse de la maison, en l’assurant que la femme qu’il attendoit étoit la sienne ; qu’elle avoit donné rendez-vous à un amant dans cette maison ; or, qu’elle n’eût pas à s’effrayer si les reproches qu’il s’apprêtoit à lui faire, étoient accompagnés de quelques représentations manuelles. L’hôtesse endoctrinée, mon vilain s’enferme en attendant la réussite de son abominable stratagème.

« Mais fol et vain espoir, vermisseaux que nous sommes.
Comme le ciel se rit des vains projets des hommes. »

Le hasard, qui souvent préside à la majeure partie des événements de la vie, voulut que le fermier ayant trouvé en route l’occasion favorable de se défaire de sa marchandise, vint réellement dans l’auberge où l’impudent prieur attendoit Jeanne Perrier ; il avoit dételé ses chevaux, et étoit à se rafraîchir près du feu, quand sa femme, alarmée et suivie de l’exprès qui lui avoit été dépêché par J.-F. Maury, entra toute essoufflée.

Je laisse à penser l’embarras où se trouvèrent les deux époux, après leur naturelle explication. L’exprès étoit disparu comme l’éclair, en reconnoissant le mari ; il fut cependant résolu que Jeanne Perrier se laisseroit conduire où elle devoit trouver son époux prétendu.

Elle entroit dans la chambre, quand l’abbé ne voulant pas perdre un temps précieux, se jeta sur sa proie, avec tant d’ardeur, que, malgré la précipitation de l’époux, il eut le temps de faire l’inspection des appas de Jeanne, et Dieu sait avec quelles délices il s’apprêtoit à y entrer, en vainqueur accoutumé à donner de pareils assauts, quand l’époux survint, armé d’une gaule, avec laquelle il travailla à apaiser les transports amoureux du perturbateur de la tranquillité conjugale.

Ô Boileau ! que n’ai-je ton pinceau pour peindre ce burlesque combat ! Je dessinerois J.-F. Maury, courbé sous les vigoureux coups de bâton d’un rustre accoutumé à de pareilles expéditions, peignant tout à la fois la rage et le regret d’être obligé de renfermer un argument, que, par parenthèse, il avoit exhibé, et tenté de pousser à Jeanne Perrier.

Je peindrois cette même Jeanne, découvrant une gorge d’albâtre, à demi-épuisée de la violence luxurieuse de J.-F. Maury ; et le portrait du mari ne seroit pas le moins intéressant ; les yeux s’arrêteraient avec plaisir sur cette peinture digne de l’Arétin ; mais, hélas ! quelle est mon insuffisance !

Et toi, J…-F… ! c’est alors que tes pistolets t’auraient été d’un grand secours ! Pardonne, abbé, pardonne, si j’instruis mes contemporains de cette anecdote intéressante, et si je mets le public à même de partager avec les habitants de Santerre la connoissance de ce fait. Ose après démentir cette vérité dont tes épaules sacrées ont porté si longtemps l’amer souvenir.

C’est maintenant la capitale qui va être le théâtre des fredaines lubriques de l’abbé Maury, et les bordels qu’elle renferme, les lieux de ces scènes agréables, qui n’étoient encore parvenues qu’à la connoissance d’un très-petit nombre de personnes, et que j’entreprends de révéler. Nous allons voir successivement J.-F. Maury recevoir des nasardes chez la Montigny, ancienne pourvoyeuse des plaisirs publics, rue de l’Égoût-Saint-Martin ; se faire reconduire fort civilement, à grands coups de pieds au derrière, du sérail de la Hequet, autre maquerelle, aux Rats de Chably, faubourg du Temple ; gagner la chaude-pisse en forniquant avec Rose, fille d’amour de la grosse tétonnière Dumas, appareilleuse de la rue du Pélican ; se faire voler sa montre, chez Henriette Poissy ; enfin, tout récemment, recevoir les étrivières chez la Tabouret, par cinq à six courtisanes, et autant d’anti-physiciens, dont on sait que sa maison est toujours remplie, s’étant de tout temps destinée à l’un comme à l’autre, ne pouvant s’imaginer comment on pouvoit se refuser à faire également usage de deux trous, qui ne sont différents que pour la forme.

N’en lisez pas davantage, bégueules si sottement scrupuleuses, si vous ne voulez avoir une occasion de plus de crier au scandale : mon titre, ma gravure, et plus encore le nom même de J.-F. Maury, qui semble désigner une obscénité, doivent vous avoir fait pressentir quel étoit le genre que j’étois résolu de traiter : conséquemment ne passez pas outre ; mais vous, catins et tribades des trois ordres réunis ; vous, bardaches et sodomites ; vous, aimables roués et charmants polissons ; vous, vieux paillards ; vous, chauves-souris du Palais-Royal, venez dire avec moi, en commentant les faits et gestes du député de Péronne, et convenez que je n’ai pas eu tort de dire :

De la chaire au tripot, du tripot à l’autel,
Maury ne fit qu’un saut de l’église au bordel.

Dans les temps où la maison du roi, plus nombreuse, entretenoit une quantité considérable de fainéans, d’escrocs et de chevaliers d’industrie, qui, sous la casaque d’un mousquetaire et d’un chevau-léger, ou, sous l’uniforme de gendarme, les bordels de Paris, que la politesse françoise a nommés depuis sérails, au moins, quant à ceux qui sont de la classe la plus distinguée, quoiqu’au fait, ce soit le même régime, lequel consiste à entrer, payer, à se faire masturber par la première gredine, ou, si on l’aime mieux, s’en retourner avec une vérole bien complète pour son argent ; ces maisons d’amour n’étoient fréquentées que par cette noblesse indigente qui en étoit le soutien. Depuis la suppression de ces galants coureurs de grisettes, forcés par la nécessité et les horreurs de la famine, de s’y attacher plus fortement, ils en devinrent les piliers solides et les bases fondamentales : c’étoit alors que la bourgeoisie n’y étoit pas en sûreté, et que le putanisme dépouilloit en toute sûreté les enfants de famille qui osoient y entrer.

J.-F. Maury ne fut point arrêté par ces considérations. À peine eut-il extorqué des mains de son évêque la dernière cérémonie de l’ordination, qu’on le vit marcher sur les traces des bandits dont je viens de parler, et le soir déposer dans sa garde-robe, la soutanelle, le manteau court, pour s’affubler de l’habit d’un fat, et le chapeau sur le coin de l’oreille, courir de bordel en bordel.

Il y avoit alors, dans le sérail de la Montigny, une nommée Émilie, surnommée la Manchette, en raison de certain goût particulier, qui commençoit à devenir fort à la mode, et auquel elle se prêtoit avec une complaisance héroïque. J.-F. Maury, au poil comme à la plume, l’avoit choisie de préférence, pour satisfaire ses désirs ; mais reconnu pour ce qu’il étoit, par le greluchon en titre, le pauvre diable d’abbé fut accueilli par le ruffian, d’une demi-douzaine de soufflets, et l’on parloit de le faire sauter sur la couverture, si mieux il n’aimoit descendre par la fenêtre, quand Cordier, ancien huissier, maquereau flétri par la justice, et maquignon de ce sérail, parla avec tant de véhémence en faveur du berné J.-F., qu’il en fut quitte pour des nasardes et quelques coups de pantoufle, qui lui furent distribués par les donzelles du boucan[2].

Mon J.-F. profita-t-il de cette correction ? Non, le coquin est incorrigible ; il donne chaque jour des preuves réelles de son obstination, et le gueux mourra, sans doute, comme Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, dans la peau d’un misérable.

Il renonça à la Montigny, ou plutôt aux gentillesses de ses filles d’amour ; mais sans renoncer à son goût déréglé pour les souillons publiques, et ce fut chez la Héquet qu’il tourna ses pas.

Panier, que tout Paris connoît aussi bien que moi pour le plus grand de tous les maquereaux, le plus infâme de tous les scélérats, même sans en excepter le duc d’Aig...... et bien d’autres ; ce Panier, dont le commerce se borne à vendre du rouge, des flacons, et de ces instruments connus dans le beau monde sous le nom de redingottes à l’anglaise et gond...., lesquels servent à préserver les voluptueux coureurs de taudions, des dangers des bubons et gonorrhées ; Panier, enfin, sur l’introduction de J.-F. Maury aux Rats de Chably, ou la Hequet, présidoit aux plaisirs publics.

Jusqu’à ce moment, J.-F. Maury ne s’est encore montré que comme un libertin, sans mœurs, sans principes, sans délicatesse ; on auroit encore pu passer sur ce défaut, s’il s’y fût borné ; toutes les fautes personnelles ne portent aucun préjudice à la société, et ne peuvent inspirer que le mépris. Mais J.-F. Maury, l’âme infectée de tous les vices, de tous les travers, vouloit ajouter à la réputation dont il commençoit à jouir, et conformément aux préceptes, aux documents de son instituteur Panier, il voulut devenir ce qu’on appelle, dans la classe corrompue des coureurs de filles, un crâne et un polisson.

Que gagna J.-F, à cette conduite déjà infâme, pour un homme assez bas pour la mettre en œuvre, et plus encore pour un homme de son caractère ? Ô mes concitoyens, voulez-vous le savoir ? Des coups de pied au cul, et je n’ose les nombrer ; car l’entreprise seroit trop forte et la totalité innombrable.

J.-F. Maury fut donc chassé du bordel de la Héquet, par les courtisanes et les maquereaux qui y dominoient.

Puis ensuite, à l’exemple des vieux guerriers qui comptent leurs exploits par leurs cicatrices, il ne nombra ses prouesses galantes, que par les traces exécrables que le virus imprima sur lui.

Le voilà à son corps défendant, honni, battu ; J-F. Maury ne s’en tint pas là, et continua à pavillonner de gredines en gredines.

Malgré toute son adresse, il fut cependant redressé chez Henriette Poissy, cette fameuse maquerelle de la rue du Pélican. Ivre, et n’étant plus en état de se conduire, sa montre lui fut volée par une coquine, et de même qu’un bienfait n’est jamais perdu, ce qui vient de la flûte retourne au tambour.

Je touche donc au moment de la fustigation que reçut J.-F. Maury chez la Tabouret, cette digne prêtresse de Sodome, et voici comment advint le fait.

J.-F., tout fier de sa qualité de député des aristocrânes de Péronne, encore plus fier de faire parler de lui, tantôt en bien, tantôt en mal, mais bien plus souvent d’une façon que de l’autre, ne discontinua pas de se livrer aux excès les plus déshonorants, et sachant que la Tabouret étoit femme à favoriser son intromission en levrette, il se rendit chez elle.

Ô Péronniens ! vous lisez, sans doute, le Postillon de l’Assemblée Nationale ; ce courrier vous instruit des bévues, des sottises de votre député ; mais il ne vous a pas raconté que ce ribaud, ce paillard, ce gueux en rabat, avoit essuyé la plus humiliante des corrections, où ? au bordel.

Je vais donc la tracer, cette aventure mémorable, qui fut pour le moins aussi fâcheuse pour notre J.-F., que la journée, où venant de faire à la Métropole, l’oraison funèbre du duc d’Orléans, défunt, il perdit tout à coup sa gloire, une espèce de réputation, et la faveur de son protecteur. Ce trait peut encore être compté au nombre des mille et une sottises qu’il a faites en sa vie.

Toujours guidé par le même esprit de luxure, J.-F. Maury se transporta chez la Tabouret : en ce moment Despas, le beau danseur de l’Ambigu-Comique, et maintenant tavernier-bordeliste, du faubourg du Temple, s’y trouvoit. Qui ne sauroit pas aussi bien que moi que ce jeune homme étoit l’ami de cœur, de c.l et de c.n de la Tabouret, pourrait l’apprendre par ce récit. Quelques amateurs anti-physiques s’y étoient aussi rassemblés.

J.-F., ce jour là même qu’insulté par la populace dont il est exécré, il se rendit au bordel de cette pourvoyeuse ; à l’aspect de deux énormes poignées de verges, qu’il aperçut sur une commode, il lui prit fantaisie d’essayer ce restaurant : cette façon de ranimer la vigueur a toujours été du ressort des gens d’église.

Sophie, Julie et la grosse Fanchon, déduisirent à J.-F. les avantages qui résultoient, pour les sens, de se faire ainsi macérer le postérieur. En conséquence, après avoir payé, tant bien que mal, le misérable calotin se fit attacher à une des colonnes du lit de camp, pour y recevoir le moyen nécessaire à rappeler se force épuisée.

Déjà Julie et Sophie, chacune armée de verges, contemploient l’énorme fessier de J.-F. ; déjà d’un bras accoutumé à de semblables exercices, elles laissoient tomber leurs coups sur les globes charnus de l’impudique abbé, quand les cris qu’il poussoit, autant excités par la douleur que par ce plaisir inconcevable, attirèrent Despas et sa séquelle.

Voyez un renard pris dans les filets que lui tend un chasseur habile ; voyez un voleur maladroit pris sur le fait, en sondant une poche, ou voyez J.-F. attaché au pied d’un lit, recevant sur les fesses les étrivières distribuées par la concupiscence ; eh bien, c’est absolument la même chose. Mais, ô comble de rage et de douleur ! le patient étoit hors d’état de se défendre : deux instruments semblables à ceux qui le supplicioient, restoient sans être employés. Les arrivants s’en saisirent, et tombant à corps perdu sur les reins et le postérieur de l’abbé J.-F., le firent en un moment repentir de toutes ses fredaines.

Arrêtez-vous sur ce tableau, ô vous qui me lisez ; examinez ma gravure, et contemplez la piteuse figure de J.-F. Maury, fustigé par des putains et des bougres. Non, ce n’est plus cette tête altière, levant orgueilleusement les yeux sur le peuple ; c’est au contraire un lâche coquin en proie aux plus vils outrages. Ah ! bien, baillage de Péronne, félicitez-vous de votre commis !

Telle est la dernière sottise qui nous soit parvenue de ce vil abbé, de ce prieur indigne ; mais ce ne sera sans doute pas la dernière qu’il commettra. La caque sent toujours le hareng. Eh ! peut-on se défaire de ses mauvaises inclinations, quand elles sont imprégnées en nous avec autant de force ?

Débarrassé de ses liens, J.-F. Maury, aussi honteux qu’un renard à qui ou auroit coupé la queue et les oreilles, ce qui lui arrivera sans doute au premier jour dans quelqu’autre boucan, se sauva nud en chemise, et fut trop heureux de laisser, pour le prix des verges, habit, manteau, rabat, etc.

Je termine par un avis aussi utile qu’intéressant, que j’adresse à J.-F. Maury lui-même, pour le prier de me donner les renseignements nécessaires sur la suite de ses Fredaines lubriques, afin de ne pas priver le public d’un coup d’œil aussi intéressant pour lui. Oui, je le prie de croire que, mettant en usage le désir que j’ai d’éclairer ce même public sur ses galantes anecdotes, je n’épargnerai rien pour lui prouver que J.-F. Maury, prieur de Lyon, et député du baillage de Péronne, est, pour parler comme Jean-Bart, le plus grand coquin, le plus déterminé bougre et le plus grand jean-foutre de l’univers. Ce n’est pas une nouveauté que j’apprendrai à mes lecteurs ; toute la terre est convaincue qu’il mérite ces épithètes ; mais au moins on verra comment et pourquoi.




  1. Car J.-F. Maury, et un jean-foutre, ne sont-ils pas synonymes ?
  2. La mère Leblanc, marche-à-terre de la Montigny, et recruteur de la maison au quart de jour, raconte ce fait à qui veut l’entendre. Je crois même que J.-F. Maury ne s’en cache pas.