Les Femmes poètes de la Belgique/Texte entier

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Perrin et Cie, libraires-éditeurs (p. 1-340).
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LES

FEMMES POÈTES

DE LA BELGIQUE
DU MÊME AUTEUR

Poésie

Réalités et Rêves, préface de SULLY PRUDHOMME.

Les Pierres sonores. Ecce Homo.

Théâtre

Les Effigies.

Du Tocsin au « Te Deum ».

L’Ame des Roses, acte en vers.

Prose

Le Rêve au cœur dormant, acte en vers. (Tous ces volumes à la Société Française d’Im- primerie, 15, rue de Cluny).

Sur l’Aile des Moulins, roman couronné par la Société des Gens de Lettres et la Société d’Encou- ragement au Bien (A. Colin, éditeur).

L’Aiguilleuse, roman (Librairie académique Perrin).

La Voix des Frontières, roman (Jouve, dépositaire).

La Germania vaincue, roman (Jouve, éditeur).

Les Revanches, contes de guerre (Jouve, éditeur).

Les Femmes poètes de l’Allemagne, préface de M. A. BOSSERT, ouvrage couronné par l’Académie Française (Librairie académique Perrin).

Les Femmes poètes de la Hollande, couronné par l’Académie Française, 1922 (Perrin).

Sur les Routes bretonnes, ouvrage pour la jeunesse, adopté par le Ministère de l’Instruction publique (Société Française d’Imprimerie).

En Vacances aux bords du Rhin, ouvrage pour la jeunesse, adopté par la Ville de Paris (A. Colin, éditeur).

POUR PARAÎTRE PROCHAINEMENT :

À l’Ombre de la Bonne-Dame, roman.

EN PRÉPARATION :

Esquisses françaises et étrangères.

Copyright by Lya Berger, 1925
LYA BERGER

LES
FEMMES POÈTES
DE LA BELGIQUE

La Vie littéraire et sociale des Femmes belges

PARIS

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

PERRIN ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS

35, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 35

1925

Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation réservés pour tous pays.


INTRODUCTION


L’idée initiale de ce livre date d’une époque déjà lointaine.

Lors de mon premier séjour en Belgique, en 1908, j’avais recueilli des notes concernant les principales femmes de lettres de ce pays et fait la connaissance de quelques-unes d’entre elles.

Ce début de relations stimula mon désir de révéler ou de faire mieux connaître la personnalité et l’effort de ces écrivains au public français.

Un article d’ensemble sur les poétesses belges de notre temps fut ainsi publié, dès janvier 1910, dans la revue Les Pages modernes, aujourd’hui disparue. Le jugement que je portais sur les auteurs en cause se trouva confirmé par une étude similaire que M. Léon Bocquet donna dans Le Mois littéraire et pittoresque, à la fin de la même année[1].

Quelques critiques littéraires qui, à cette époque, voulurent bien réserver à mon ouvrage Les Femmes poètes de l’Allemagne[2] un excellent accueil, m’engagèrent à étendre ces études ayant pour objet la littérature féminine aux Pays-Bas, puisque j’étais, d’autre part, en train de me documenter sur les poètes féminins de la Hollande.

Mes projets, ainsi encouragés, furent mis à exécution.

Les résultats de l’enquête menée simultanément en Belgique et en Hollande devaient paraître en un seul volume.

J’ai déjà expliqué, dans Les Femmes poètes de la Hollande[3], comment cette publication avait été retardée, d’abord à cause de son importance même et des difficultés provoquées par l’éloignement des sources de documentation, puis par la faute des multiples complications nées de la guerre… et de l’après-guerre.

J’ajouterai ici pourquoi l’ouvrage en cours dut, finalement, être présenté au public en deux tomes distincts.

L’abondance des matières en est le principal motif. J’ai vu, journellement, au cours de ma double tâche, s’étendre, s’amplifier le champ d’étude, en particulier pour la partie qui concerne les temps modernes, la plus intéressante pour nous.

De plus, malgré l’apparente similitude qui semble lier deux contrées si voisines, rapprochées encore par leur histoire, leur atmosphère, leurs coutumes, leur langage — en ce qui concerne, du moins, la partie flamande du pays belge — il existe, entre la Belgique et la Hollande, des différences essentielles, des oppositions aussi profondes que subtiles dont l’importance s’af- firme davantage à mesure qu’on les observe de plus près.

Ce que disait Eugène Fromentin, à propos de l’histoire de la peinture dans les deux pays, est également vrai pour la littérature : « La Hollande serait ici avec toutes choses et toutes gens qu’elle n’a pas connues, qu’elle a reniées, contre lesquelles elle a combattu cent ans et dont son génie, ses instincts, ses besoins, par conséquent sa destinée, devaient nettement et violemment la séparer. De Moerdrick à Dordrecht, il n’y a que la Meuse à passer : il y a tout un monde entre les deux frontières[4]. »

Toutefois, le spectateur étranger est parfois dérouté par le sentiment de fierté qui fait, en certains cas, revendiquer par les deux pays le même homme de génie… ou de talent.

Les grands peintres de l’école flamande sont traités par les Hollandais en compatriotes, de même que les historiens de la littérature néerlandaise comptent à l’actif de la Hollande, sous la classification : Zuid-Nederlandsche Letterkunde (littérature de la Hollande méridionale), le groupe flamand qui, de Willems à Frank Lateur, en passant par Hendrik Conscience, Van Duyse, Ledeganck, Van Beers, Guido Gezelle, Pol de Mont et le cercle plus jeune de Van nu en Straks, travailla, avant tout, pour la gloire du pays belge, en cherchant à créer, à garder à sa littérature un caractère national.

Il y a là une usurpation inconsciente. Pour cette raison, j’ai tenu à laisser à la Belgique ce qui, en réalité, lui appartient.

Je sais bien que le mouvement flamingant de Belgique vise, de plus en plus, à opérer une scission entre les provinces de langue française et les régions où est parlé le flamand. La Hollande, forcément, en bénéficie… Mais, elle n’est pas la seule à profiter de cette tendance. Tout ce que nous pouvons souhaiter, nous autres, Français, c’est que l’élan peut-être excessif de cette croisade ne pousse pas les esprits et les cours à franchir, plus loin que la frontière néerlandaise, la ligne de fils barbelés qui, durant la guerre, séparait la Hollande de sa rapace voisine, la Germanie, dont l’influence est souvent aussi sournoise que néfaste. Gardons notre confiance en nous rappelant, précisément, qu’en des circonstances non prévues par Fromentin, la lointaine parenté qui lie les deux peuples de Belgique et de Hollande s’est affirmée par un échange spontané d’amitié. La voix des femmes fut, plus d’une fois, l’interprète de ce sentiment.

En effet, lorsque pendant la grande guerre, les femmes belges des pays occupés lancèrent, par la voie du journal Le Temps, un Appel aux femmes des pays neutres en faveur des malheureux civils soumis au traitement des forçats, un groupe de femmes hollandaises « au nom des milliers et des milliers qui, dans leur patrie, pensaient et sentaient comme elles », proclamèrent, avec un noble élan de sincérité, « leur sympathie, leur compassion, leur révolte contre l’envahisseur qui, abusant d’une force brutale, n’a reculé devant aucun méfait pour réaliser ses rêves criminels de maîtriser le monde ».

Cette réponse disait encore : « Entre Belges et Hollandais qu’un sort cruel avait jetés ensemble, des liens d’amitié se sont noués qui dureront bien au delà de cette guerre. Quoi que s’efforcent à vous en faire croire vos ennemis, sachez que la grande, la meilleure partie des nôtres ne leur pardonnera jamais le crime commis envers vous ! ».

Ce réconfortant souvenir remis en mémoire, revenons vers la seule Belgique… C’est chez elle que nous nous trouvons ici.

À écrire ces simples mots, une émotion m’étreint le cœur…

Chez elle ! Quelle évocation ! Ah ! certes, si, comme Française, comme artiste, j’ai goûté, autrefois, un vif et inépuisable plaisir à visiter ce pays si voisin, si frère du nôtre et d’un si puissant intérêt pour les amateurs de cités archaïques, de musées merveilleux, de paysages séduisants par leur charme de mélancolie ou leur aspect de fécondité, si, devant les remparts d’Anvers, je me suis sentie fière d’être la petite-fille d’un des Français qui, jadis, aidèrent ce « brave petit peuple » à conquérir son indépendance, quel trouble profond ne dois-je pas éprouver aujourd'hui en prononçant son nom, en évoquant ses décors!...

Avoir senti palpiter le coeur médiéval du vieux Bruxelles, avoir visité la cathédrale et le Musée Plantin d'Anvers, contemplé les Memling de Bruges, erré dans les dédales patinés de Malines l'heureuse », rêvé sur les remparts de Namur au pied desquels la Sambre et la Meuse mêlent l'harmonie de leurs ondes, ou le long des dunes septentrionales — front houleux que sillonne la veine ardente de l'Yser— , s'être recueillie dans la bibliothèque de Louvain et agenouillée sur le tertre de l'Aigle, à Waterloo, tout cela n'explique-t-il pas la révolte et l'an- goisse souffertes devant la destruction possible et barbare de ces merveilles, de ces reliques et l'amertume d'avoir dû pleurer sur les ruines de la plupart d'entre elles? Nommer la Belgique, depuis 1914, n'est-ce pas aussi se souvenir qu'un jour, lorsque la France, déjà, sentait peser sur les ailes de ses drapeaux l'invasion ennemie, elle put se redresser soudain, elle se vit sauvée parce que l'élan des « masses profondes » était contenu, retardé, brisé, grâce au geste fraternel, loyal, héroïque du peuple ami qui, mettant en pratique sa généreuse devise, l'Union fait la force, sacrifiait son intérêt per- sonnel à la cause commune? VI — Et c'est pourquoi, en effet, en traçant ces lignes, je me sens étrangement troublée. Quand, la guerre finie, je quittai les tâches que le devoir patriotique m'avait fait entre- Digitized by Google ¡ prendre et revins vers les travaux littéraires délaissés durant quatre années, ce fut avec recueillement, avec piété, avec amour, que je repris celui-ci, conçu et commencé dans un temps où nul d’entre nous ne prévoyait les événements qui allaient suivre, heureuse de traduire, dans une œuvre de ma pensée, le sentiment de sympathique admiration et l’hommage personnel de ma fervente et durable gratitude pour la nation sœur qui nous a aidés à nous reprendre, à vaincre et, par conséquent, à vivre !

Obscurément, au fond de mon cœur, je dédie ce livre :

À l’Âme de la Belgique,

À ceux qui l’ont si vaillamment, si noblement incarnée :

À ses admirables souverains, d’abord, dont le peuple n’a eu qu’à suivre l’exemple pour réaliser le plus bel exploit de son histoire : Albert Ier, paladin de l’Honneur, Élisabeth de Belgique, l’intrépide et si douce infirmière, céleste apparition dans l’enfer des champs de batailles, des dunes ravagées et des citées écroulées, couple insigne planant très haut dans le domaine des entités glorieuses qu’auréole le prestige des légendes…

Aux grandes figures, dressées à leurs côtés, de son Éminence le Cardinal Mercier, du bourg- mestre Max, de Mme la Comtesse Henry Carton de Wiart… Aux combattants dont le courage crût avec les difficultés de leur tâche… Aux infirmières entre les mains de qui tant des nôtres rendirent le dernier soupir…

Aux victimes civiles des villes et des villages martyrs où tant d’agonies sublimes resteront à jamais ignorées, et, en particulier, à Celle qui, au milieu de cette sanglante théorie se dresse, dans toute l’attendrissante beauté de sa jeunesse, de sa pureté, de sa vaillance avec le titre d’héroïne nationale, Gabrielle Petit, l’humble employée de Tournai, exécutée à 22 ans, le 1er avril 1916, pour avoir rendu d’inoubliables services à sa patrie et tenu tête aux Allemands qui la proclamèrent « leur grande fusillée ». Plus tard, un autre hommage plus digne d’elle, celui de son pays, lui fut rendu, au cours duquel la reine elle-même épingla sur le cercueil de la martyre la croix de Chevalier de l’ordre.de Léopold, tandis que S. E. le Cardinal Mercier exaltait le nom de cet enfant en qui la Belgique salue sa miss Cavell, et, mieux encore, sa Jeanne d’Arc[5].

En réalité, ce petit pays fut grand parce qu’il contenait de grandes âmes.

Et l’Histoire nous apprend que celles-ci n’ont pas attendu notre époque pour se manifester.

La guerre de 1914 semble avoir été, néanmoins, pour la Belgique, la pierre de touche de sa valeur, le carrefour où l’attendait l’Ange des Destinées.

Ceux qui seraient tentés de dénier au génie le don de seconde vue feront bien de relire la lettre, datée du 21 janvier 1862, et dans laquelle Victor Hugo qui professait, à l’égard de la Bel- gique, la reconnaissance des exilés, adjurait ce peuple d’user de clémence envers la « bande noire de Charleroi » dans les termes suivants :. « Je supplie la nation belge d’être grande. Il serait beau que ce petit peuple fît la leçon aux grands et, par ce seul fait, fût plus grand qu’eux ; il serait beau, devant la croissance abominable des ténèbres, en présence de la barbarie recrudescente, que la Belgique, prenant le rôle de grande puissance en civilisation, donnât tout à coup au genre humain l’éblouissement de la vraie lumière. »

À soixante ans de distance et en des circonstances bien autrement puissantes, quel sens prophétique revêtent à nos yeux ces lignes du poète de la Légende des Siècles !

Si la vérité sort parfois des lèvres des grands hommes, elle s’exhale aussi, souvent, dit-on, de la bouche des enfants… Qu’on me permette d’en donner ici une preuve étroitement liée au sujet qui nous occupe.

Au mois d’août de l’année 1908, je venais de visiter la Belgique et je regagnais, par le Luxembourg, la Lorraine où m’attendaient les miens. À Arlon, montèrent, dans le compartiment du wagon que j’occupais, une femme entre deux âges et un petit garçon de 7 à 8 ans ; il me fut aisé de reconnaître bientôt, en eux, une gouvernante de bonne famille et son élève. L’enfant, qui avait une physionomie intelligente et fine, débordait de l’entrain de son âge ; il s’intéressait à toute chose, questionnait sans cesse l’institutrice ; celle-ci, raide, la mine renfrognée sous sa capote démodée qui emboîtait les multiples tours de nattes d’un faux chignon, ne se prêtait nullement à son rôle ; au lieu de répondre aux questions du gentil bonhomme, elle le morigénait avec un accent tudesque des plus caractéristiques. À la fin, voyant que l’enfant ne se décidait pas à rester immobile et muet pour lui permettre de lire le roman qu’elle tenait en main, elle se pencha vers lui, fort en colère :

— Foulez-fous m’opéir, oui ou non ?

— Non riposta tranquillement l’élève, non sans un malicieux sourire.

— Ah ! Et bourquoi ?

— Parce que… parce que vous n’êtes qu’une Allemande et que je ne vous aime pas…

La scène commença de m’intéresser vivement. Je me tournai vers la Fraulein qui, blême, le visage contracté, cria :

— Ah ! che ne suis qu’une Allemante !… Et pien, qu’est-ce que tu es, toi, donc, espèce de camin ?

— Moi, fit simplement l’enfant redressé, avec une ingénue et touchante fierté, je suis un Belge et…

— … Ah ! oui, parlons-en, un grand bays, un peau bays ta Pelgique… à côté de l’Allemagne…

Debout, l’enfant l’arrêta, trépignant :

— Oui, s’écria-t-il avec force, c’est un beau pays, un grand pays, la Belgique, plus grand, plus beau que le vôtre, je le sais bien, moi… et je ne veux pas, non je ne veux pas que vous en disiez du mal !…

L’Allemande, calmée, se contenta de ricaner en haussant les épaules. Pour mon compte, tout émue de la profession de foi patriotique du bambin, j’avais envie de lui dire : Bravo, petit ! et de l’embrasser…

La conversation s’arrêta, car le train arrivait à une station où mes compagnons de route descendirent.

J’avoue que, plus d’une fois, au cours des années d’épreuve, j’ai songé aux paroles convaincues du petit Belge. Peut-être celui qui les prononça, et qui est maintenant un homme, les a-t-il oubliées ? J’imagine, en tout cas, qu’il a dû, bien que si jeune, sentir profondément la guerre, puis se réjouir éperdûment que son grand petit pays ait su vaincre, de toute façon, celui de son ex-gouvernante, et, selon la forte expression de Victor Hugo, donner au monde « l’éblouissement de la vraie lumière ».

Lorsqu’on connaît bien la Belgique, on devine aisément le caractère dominant de sa littérature.

Le comte Henry Carton de Wiart l’a défini d’un mot : « Le vrai domaine de la littérature, c’est l’émotion[6]. »

La littérature belge, en effet, est née, s’est développée au rythme des battements du cœur du pays.

Est-il étonnant, après cela, de constater que cette littérature qui eut, pour premiers balbutiements, des épopées, et dont le véritable éveil s’opéra aux sons de la diane lancée par la voix d’Ulenspiegel, le héros national, d’une saveur si flamande, subit profondément l’influence de la grande guerre ?

De même, peut-il sembler surprenant que, de tout temps, le coup d’archet de l’émotion ait, au souffle de l’air natal, fait éclore, en Belgique, beaucoup de poètes ?

La poésie est comme la respiration même des peuples doués de sensibilité. La poésie belge reflète bien le caractère à la fois positif et ardent de cette race que ses atavismes divers vouent en même temps au sage équilibre des races des pays tempérés, au symbolisme mystique du septentrion, aux emballements fougueux du sang ibère, complexité à laquelle le phénomène du bilinguisme ajoute une étrangeté et une richesse de plus, en offrant au monde deux expressions différentes d’une même source d’harmonie.

Nous verrons, au cours des pages qui vont suivre, quels sont les caractères, les phases, les évolutions, les apports simultanés de ce double courant, à travers les âges.

L’auteur de ce livre n’a toutefois point la prétention de donner ici une étude complète de la littérature belge. Ce travail a été accompli par d’autres, à diverses reprises, et beaucoup mieux qu’elle ne le pourrait faire. C’est à dessein, et pour continuer la série commencée par l’étude des femmes poètes de l’Allemagne et de celles de la Hollande, qu’elle s’est spécialisée dans le domaine de la littérature féminine, un peu trop négligée, à l’étranger, dans les anthologies et les manuels généraux. En réalité, l’enquête est plus complète que son titre ne l’indique, car, dans ce livre, les prosatrices ne sont pas complètement négligées au profit des poètes.

Cette extension a été provoquée par l’intérêt même que présentent la personnalité et l’œuvre de certaines romancières, essayistes et sociologues belges, puis parce qu’il existe un contact étroit entre les diverses formes de la pensée et, qu’enfin, le tout concourt à la manifestation d’un intéressant mouvement féministe, aussi modéré qu’efficace dont l’action est d’autant plus rapide et utile que les théories y sont mises en pratique pour le meilleur des buts philanthropiques en faveur du sort de la femme.

Si, dans cette étude où les traits principaux de la littérature belge ont été esquissés et observés dans leurs grandes lignes, les écrivains masculins voient leurs noms et leurs œuvres laissés à l’arrière-plan, ils sauront, je l’espère, ne pas m’en tenir rigueur.

La part essentielle de leur contribution n’y est pas moins reconnue et appréciée. Partout et toujours ne sont-ils pas les traceurs de routes et les guides ? Mais ils savent aussi le geste de l’effacement courtois devant la femme… Ils se retrouveront donc, quand même, au cours de cet ouvrage où leur pensée constitue, en quelque sorte, le canevas sur lequel les doigts de l’ouvrière ont assorti, groupé et fixé les soies aux teintes diverses, afin d’y tracer son dessin et d’y composer sa broderie.

L. B.

I

PREMIÈRE PÉRIODE


DES ORIGINES À 1830

Les plus anciens monuments littéraires belges. — Le bilinguisme, ses causes, ses conséquences. — Les femmes protectrices des Lettres au moyen âge. — Les premières femmes poètes : la nonne Hadewych ; Marie de Brabant ; Marie Dregnan ; la Demoiselle Deprez ; la Belle Doëte ; la Sœur Dimenche ou Nonain de Berchinge. — L’Université de Louvain. — Le siècle des ducs de Bourgogne. — Marguerite d’Autriche et son œuvre. — Mlle de Baude et Mlle Huclam. — La Réforme et la Renaissance. — La poésie spirituelle : Anna Bijns ; la Sœur Josine des Planques. — XVIIe et XVIIIe siècles.

Placée, durant des siècles et au gré des guerres ou des alliances qu’elle dut subir, sous la domination successive de la France, de l’Autriche, de l’Espagne, la Belgique ne put être constituée géographiquement et politiquement que fort tard.

Son histoire littéraire s’est ressentie de cette situation dépendante.

On a coutume de dire que la littérature belge n’exista point avant 1880.

Il ne faut pas oublier, pourtant, que la Belgique apporta son contingent, son influence dans les premières manifestations de la littérature française et de la littérature germanique.

Au moyen âge, plusieurs de nos provinces septentrionales, l’Artois, le Cambrésis lui appartenaient. C’est dans le pays des trouvères et des puys qu’on vit éclore les premières fleurs de nos cycles des Chansons de Geste, la Cantilène de Sainte-Eulalie, l’Histoire d’Aucassin et de Nicolette, la Berthe aux grands piés d’Adenès le Roi, les Quatre fils Aymon et peut-être aussi le Roman de Renart, auquel certains critiques donnent une source flamande[7].

Une autre cause de la naissance tardive d’une littérature belge est la particularité du bilinguisme qui se manifesta en ce pays et qui mit longtemps des entraves à la formation, à l’expansion de la pensée nationale.

Les Wallons et les Flamands se partagent, en effet, d’une façon à peu près égale, le territoire de la Belgique. L’esprit de rivalité qui les séparait, il y a quinze siècles, n’a, d’ailleurs, pas disparu.

Les Wallons, formés d’un mélange celte et roman, présentent le caractère et les tendances de la race française. Leur langue populaire est une sorte de patois français, mieux encore, un ancien dialecte roman du Nord. Les Flamands, eux, eurent pour ancêtres des Francs et des Germains.

Bien que les régions où s’emploient respectivement les deux langues ne puissent être définies d’une façon précise, on peut, néanmoins, dire que le wallon se parle dans les provinces de Hainaut, de Liège, de Namur et le flamand dans les régions de la Flandre, du Brabant, du Limbourg.

En Flandre orientale, on reconnaît même deux tendances. Selon M. Auguste Gittée, apôtre du folk-lore, certains Flamands, les plus cultivés, ont pour idéal de se rapprocher du hollandais ; les autres parlent tout bonnement le patois : on appelle ces derniers des particularistes.

M. Gittée paraît regretter ce fait puisqu’il ‘ajoute : « Voilà done l’état de choses auquel nous avons abouti en Flandre ! Après quarante ans de travail pour arriver à l’unification de la langue, une moitié des Flamands n’accepte pas encore la suprématie du dialecte hollandais comme langue littéraire[8]. »

Qui dit deux langues dit, en général, deux tendances d’esprit, deux âmes.

« L’âme belge, ne craint pas d’affirmer M. Virgile Rossel, sera toujours double par bien des côtés. L’âme wallonne, précise-t-il, doit encore obéir au génie de sa race qui est latin, sans renoncer à puiser dans le fonds national; il faut qu'elle aille boire à la grande source où sont naturellement conviées toutes nos petites Frances hors de France[9]. »

La Belgique est un pays essentiellement bilingue, décrète, de son côté, M. Henri Pirenne[10], en faisant remarquer que la langue française y régna par infiltration naturelle et non par droit de conquête et qu'elle y fut toujours la langue aristocratique, tandis que les dialectes dérivant de l'allemand sont parlés surtout dans le peuple.

Il est juste de reconnaître à la langue flamande un droit d'antériorité. Elle a été employée dans les plus anciens monuments littéraires belges. À diverses reprises, et, en particulier, au temps de la maison de Bourgogne, elle devint langue officielle en Brabant, remplaçant le latin dans les actes et les chartes.

Elle eut son rôle aussi dans la création de la poésie en Belgique[11]. Très rythmée, avec la cadence des syllabes fortes et faibles, elle se prêtait à la création des poèmes musicaux. La versification thioise ou théostique (nom du flamand à cette époque), assez monotone, réclamait le relief du chant qui reste mêlé à l'histoire de l'âme flamande.

Les « marchands de chansons » abondaient sur les marchés, dans les kermesses ; le soir, dans les veillées familiales, appelées écraignes, à la lueur du crasset, petite lampe à huile, on se transmettait ces chansons, avec les récits populaires, les légendes, comme cela se passait en Lorraine, autour du copion de verre à mèche fumeuse, en Bretagne sous la lueur vacillante du golo lutil, ou au fond des burons auvergnats, près des tchares et des luns de cuivre accrochés par leur crémaillère de bois aux poutres enfumées du plafond.

M. Van Eeghem, professeur à l’Athénée royal d’Anvers, a réuni dans une brochure les plus connus des chants flamands du XIIIe au XXe siècle[12].

Il y regrette qu’avant le XIIIe siècle le dédain des intellectuels pour les manifestations de l’âme populaire n’ait pas permis (l’imprimerie n’existant point) de conserver sur le parchemin, qui coûtait cher, ces documents primitifs. M. van Eeghem démontre que la chanson jouit d’une vogue constante en Flandre jusqu’au XVIIe siècle ; elle déclina ensuite, comme, d’ailleurs, tout le mouvement littéraire, « par suite de l’émigration des forces vives de la nation en Angleterre ou en Hollande devant le régime de la tyrannie espagnole ».

Les poèmes religieux, très répandus dans les Pays-Bas et qui, au moment des luttes de la Réforme ou de certaines guerres, prirent le caractère de pamphlets ou de satires, furent écrits, de même, en flamand. Si j'insiste sur ce point qui semble, au premier abord, relever plutôt de la linguistique que de la littérature, c'est que, précisément, la poésie exerça, de tout temps, et sous toutes ses formes, une réelle influence sur les destinées des Lettres belges.

Et puisqu'il s'agit ici de rechercher les grandes lignes de ce double courant wallon et flamand à travers l'histoire littéraire belge, il est bon de rappeler que les fluctuations en furent soumises au bon plaisir des maisons souveraines qui exercèrent tour à tour le pouvoir dans le pays.

Après avoir été à l'honneur jusque sous la domination autrichienne, le flamand, réduit, au XVIIIe siècle, à l'état de dialecte, subit encore une éclipse presque totale au XIXe siècle.

La libération de la Belgique, en 1830, avait provoqué parmi les populations une antipathie contre la Hollande au profit de la France. Mais cet ostracisme fut de courte durée. Dès 1834, se dessina une réaction en faveur du mouvement flamingant.

Nous verrons plus loin que l'initiative en revient encore aux poètes.

Depuis lors, jusqu'à nos jours, entre les partisans du flamand et ceux du wallon, s'engagent des débats sans fin sur l'égalité des deux langues.

En 1887, eut lieu, dans les Chambres belges, une discussion qui prit le nom de querelle des Langues. En 1898, la loi de Vriedt proclama cette égalité en prescrivant l’emploi officiel des deux langues dans les actes, dans les écoles, dans l’armée. Peu de temps avant la guerre de 1914, le mouvement flamand s’accentuait de plus en plus. D’aucuns s’en inquiétaient à cause de la ressemblance qui existe entre cette langue et la langue allemande. On redoutait, dans cette tendance, une influence germanique.

Un exemple symptomatique de cet engouement pour le flamand est le suivant :

Une femme de lettres belge écrivit, avant la guerre, un ouvrage — en français — sur une célébrité nationale. Il se trouva un critique qui, tout en vantant les mérites du livre, fit cette réserve : « Il est regrettable qu’une telle œuvre n’ait pas été écrite dans notre langue nationale[13]. »

N’était-ce pas aller un peu loin ? Ce critique n’avait pas les raisons de Jacob Maerlant, créateur du genre didactique en Hollande, qui, tout en aimant la France, jugeait que la poésie galante et conventionnelle de l’époque, en grande faveur chez nous, convenait peu à son pays où il ne tolérait que des œuvres sérieuses, écrites en néerlandais.

En ces derniers temps, la lutte a pris une acuité Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/34 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/35 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/36 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/37 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/38 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/39 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/40 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/41 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/42 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/43 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/44 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/45 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/46 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/47 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/48 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/49 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/50 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/51 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/52 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/53 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/54 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/55 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/56 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/57 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/58 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/59 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/60 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/61 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/62 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/63 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/64 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/65 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/66 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/67 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/68 de la Touraine et dont la femme était Normande. Christophe Plantin laissa l'imprimerie à son gendre Moretus, dont la postérité continua la même œuvre dans la même demeure. L'imprimerie avait la spécialité des livres d'Heures aux fines enluminures.

Depuis une quarantaine d'années, la ville d'Anvers l'a achetée et y a organisé un musée des plus intéressants.

La petite cour à arcades enguirlandées d'une vigne plusieurs fois centenaire, dont les festons encadrent les fenêtres aux menus carreaux sertis de plomb, est un bijou de grâce archaïque qui offre un heureux contraste avec certaines reconstitutions malencontreuses de l'art germain, comme les lourdes masses rougeâtres de la Maison des typographes et de la Maison des libraires, à Leipzig.

L'esprit d'un peuple se retrouve jusque dans les pierres de ses monuments.

Au XVIIe et au XVIIIe siècle, les diverses tentatives faites par les Belges pour se créer une littérature personnelle échouèrent à cause des luttes tour à tour religieuses, militaires, civiles, qui désolèrent le royaume.

Toutefois, si l'on en croit certains mémoires, la cour de Bruxelles fut très brillante, au xvIIe siècle, lorsque les souverains Albert et Isabelle[14] y recueillirent les émigrés princiers de France, notamment Marie de Médicis, Gaston d’Orléans et leur suite.

Les détails contés pittoresquement par M. Ernest Gossart dans son article : L’Auberge des Princes en exil[15], ressuscitent à nos yeux les fêtes, les joutes, les soirées qui s’y succédaient. A la mode espagnole, les hommes célébraient leurs belles en faisant donner des sérénades sous leurs fenêtres. Une des « reines » les plus entourées était la princesse de Chimay. Mais tout ce galant manège n’allait pas sans rivalités, jalousies et querelles. Des duels s’ensuivaient ; ils avaient leur dénouement sur la grand’place de Laeken, ce petit Versailles de la cour bruxelloise ; blotti dans la verdure, s’y érige le château royal, rebâti sur les vestiges de celui qui fut, en 1899, la proie des flammes, et où Napoléon Ier, en 1812, avait signé la déclaration de guerre à la Russie…

Au xviiie siècle, les arts, en Belgique, rayonnèrent d’un plus vif éclat que les lettres, avec les grands noms de Rubens, de van Dyck, de Jordaens, des Téniers, de Rembrandt, de Gérard Dow… La musique, même, surtout dans le pays wallon, florissait avec succès depuis deux siècles. De Roland de Lattre et ses contemporains à César Franck, en passant par Gossec et Grétry, Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/71 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/72 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/73 cette contrée : « Une femme qui voudrait établir à Bruxelles, dans sa maison, un tribunal de littérature, serait vilipendée, bafouée, et, loin d’obtenir de la considération, chacun aurait pris pour elle le plus grand mépris[16]. »

Que nous sommes loin des salons français contemporains, de ces « bureaux d’esprit » dans lesquels nos célèbres Parisiennes du xviiie siècle tenaient, dans une attitude souveraine, leur sceptre enguirlandé de roses !…

L’érudition, seule, occupait, en Belgique, les cerveaux masculins qui faisaient effort pour briser la glace d’apathie où se figent les meilleures volontés.

On peut donc dire que le mouvement de réaction qui se produisit en 1880, à l’heure de la proclamation de l’indépendance territoriale de la Belgique, fut plutôt une naissance qu’une renaissance.

Soyons fiers de penser que la France y joua son rôle, non seulement en aidant les Belges à secouer le dernier joug étranger, mais encore en favorisant, par la suite, l’expansion intellectuelle jusqu’à la vraie Renaissance belge de 1880, celle qui proclama le droit à la vie du pays et rendit évidente une personnalité nationale qu’on vit s’affirmer ensuite, de jour en jour, avec plus de maîtrise, afin d’apporter son contingent de richesses au trésor de la Pensée humaine.

II
DEUXIÈME PÉRIODE


DE 1830 À 1880

Caractères et tendances de la littérature de cette période dans les œuvres d’expression française et d’expression flamande.

Mme Félix de la Motte et Mevrouw[17] van Ackere-Doolaeghe. — Louise Stappaert-Ruelens. — Mme Defontaine-Coppée. — Amélie Strumann-Picard. — Isabelle Lippens. — Agnès-Lucie Masson. — Mme Epgar Tinel. — Mme Braquaval (Pauline l’Olivier). — Mme van Langendonck. — Clémentine Louant. — Mme H.-O.-G. de Lalaing.

Marre Nizet (Mme Mercier-Nizet).

Mevrouw Courtmans. — Mewrouv David (Mathilda van Peene). — Rosalie et Virginie Loveling.

Les premières productions littéraires qui marquèrent la proclamation de l’indépendance belge donnent, selon l’expression de M. Raymond Poincaré[18], « l’impression d’une flore timide », essayant de jaillir du sol de régions que, d’autre part, Eugène Gilbert comparait, littérairement, à « des landes stériles, à des champs en friche où la désolation régnait[19]».

Ce furent de modestes fleurettes, en effet, sœurs des pâles perce-neige, qui apparurent, en 1884, avec les Primevères de André van Hasselt.

André van Hasselt peut être considéré comme la souche à double rameau de l’arbre généalogique littéraire belge qui crût et s’épanouit pendant cette période de cinquante années. Né à Maëstricht, en 1806, ayant fait ses études à Gand et à Liège, et définitivement opté pour la patrie belge, en 1888, van Hasselt écrivit simultanément en langue flamande et en langue française[20].

Variée, imagée et harmonieuse, bien que parfois conventionnelle à la manière du temps, sa poésie fit école, tandis que son Essai sur l’Histoire de la poésie française en Belgique servit de guide initial aux ouvrages du même genre, conçus par la suite.

À l’exemple de van Hasselt, les écrivains belges des deux races rivalisérent de zèle pour suivre la voie qui leur était tracée.

Parmi les premiers, il faut citer Antoine Clesse, le poète populaire, Charles Potvin dont les œuvres, inspirées par le sentiment national, obtinrent trois fois le prix triennal de littérature dramatique, puis Charles De Coster, le pur artiste, auteur de la Légende d'Uylenspiegel[21], et Octave Pirmez, le rêveur harmonieux.

On a souvent apparenté, malgré la différence de leur inspiration, ces deux derniers écrivains qui, affranchis du moule de la tradition, firent résonner une voix personnelle et peuvent être considérés comme des précurseurs.

À la fin de cette période appartiennent aussi les premières œuvres de Camille Lemonnier, le peintre de mœurs à la touche puissante, et de Georges Rodenbach[22], silhouette ardente et mélancolique qui profile ses lignes pensives sur les calmes et morbides perspectives de Bruges. Du côté des lettres flamandes, c'était l'éveil aussi, grâce aux travaux passionnés de Jean-François Willems et de son groupe, intuitifs et persévérants sourciers qui s'appliquèrent à découvrir, à faire connaître les sujets d'inspiration les plus propices au développement moral et économique de la nation.

Ces efforts, dirigés vers un but si utile et si haut, provoquèrent la collaboration enthousiaste d’écrivains remplis de foi et d’ardeur pour cet apostolat. Au milieu d’eux, Hendrik Conscience[23], auteur de trois œuvres successives, l’Année des Merveilles (Het Wonderjaar) (1837), le Lion de Flandre (1888), le Conscrit (1850) apparaît comme un héraut d’armes qui, en exaltant les gloires du passé, jette, parmi ses contemporains, de nouvelles semences de vie nationale dont il tirera lui-même profit pour mieux comprendre et dépeindre le cadre et les âmes de son pays.

Sa célébrité, non plus que celles de son rival, Dominique Sleeckx, plus rude et moins optimiste, de son émule Snieders, ou de Mevrouw Courtmans[24], au talent fécond et précis, ne font pas oublier la floraison de poètes qui, par ailleurs, illuminent le « jardin » de cette école. Ledeganck, barde évocateur des « trois villes-sœurs »[25], Anvers, Bruges et Gand, a été pour le peuple flamand, ainsi que le dit si bien M. Vermeylen[26], « une force morale ». À ses côtés, brillèrent le sympathique Prudens van Duyse, Théo van Ryswyck, d’une inspiration moins large, mais mélodieuse aussi, la sensibilité fine de De Laet, celle plus familière de van Beers, qu’on Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/79 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/80 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/81 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/82 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/83 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/84 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/85 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/86 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/87 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/88 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/89 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/90 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/91 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/92 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/93 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/94 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/95 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/96 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/97 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/98 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/99 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/100 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/101 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/102 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/103 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/104 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/105 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/106 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/107 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/108 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/109 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/110 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/111 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/112 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/113 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/114 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/115 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/116 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/117 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/118 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/119 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/120 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/121 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/122 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/123 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/124 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/125 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/126 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/127 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/128 pour la Flandre, auréolée de cette inextinguible lumière qu’on appelle l’immortalité.

Et dans ce halo glorieux, un autre visage s’estompe, inséparable du premier, celui de la collaboratrice des premières heures, de l’aînée, prématurément enlevée à son pays.

Les anthologistes, les critiques, peu enclins, cependant, à mentionner dans leurs livres des noms féminins, unissent dans un même hommage ceux des « sœurs Loveling », des « deux rossignols de Nevele ».

M. Omer Wattez, dans son Étude sur la Poésie néerlandaise contemporaine en Belgique, leur a consacré de longues pages en faisant observer que les premiers ouvrages dus à leur plume eurent une influence heureuse sur les rapports assez tendus qui existaient, depuis 1830, entre la Hollande et la Flandre belge. Les critiques néerlandais, louant ces livres, y reconnurent des signes indiscutables de fraternité intellectuelle ; une collaboration plus étroite s’ensuivit entre les deux pays.

On peut donc affirmer que les sœurs Loveling tiennent une place importante — douce et harmonieuse comme un trait d’union dans la phalange des lettres flamandes dont Henri Conscience, Ledeganck, van Duyse, van Ryswick, Guido Gezelle, mevrouw Courtmans avaient provoqué le réveil et qu’illustrèrent si bien, par la suite, les poètes van Beers, Pol de Mont et leurs amis.

III
TROISIÈME PÉRIODE
DE 1880 À 1900


Causes et caractères du « Réveil » de 1880. Ses premières manifestations : La Jeune Belgique, son œuvre, ses représentants. — Mouvement parallèle dans la littérature flamande : le Groupe de la revue Van nu en straks.

Les écrivains féminins de cette époque : Littérature française : Mme Hélène Swarth ; Mlle Marguerite Van de Wiele ; Mlle Françoise Leroy ; Mme J. de Tallenay ; Mlle Marguerite Coppin. — Littérature flamande : Mlle Maria Belpaire ; Mlle Mathilde Ramboux (Hilda Ram).

Voici donc arrivée cette date de 1880 que la Belgique considère, avec raison, comme l’aube de sa véritable vie littéraire.

En effet, durant une période de dix années environ, de 1880 à 1890, elle vit éclore simultanément des essais, des œuvres, des manifestations dont l’ensemble constitue un des plus féconds mouvements intellectuels de l’Europe moderne.

Ainsi que nous l’avons constaté, le séjour en Belgique, entre 1830 et 1880, de maîtres de la pensée française tels que Victor Hugo, Baudelaire dont l’influence, toutefois, ne fut pas immédiate, d’Émile Deschanel, avait préparé cette évolution, cet éveil[27].

D’autre part, les Belges, en voyant s’affirmer chaque jour leur indépendance nationale et leur richesse économique, se sentaient allégés du souci qui, depuis tant de siècles, paralysait leur activité artistique. L’imagination fait trêve, forcément, quand la nécessité plie l’homme sous son joug. Et, ainsi qu’il arrive toujours après un long temps de privations, l’esprit, comme le corps, ressent une sorte de fringale qui le rend avide de dédommagement.

L’idée d’un groupement d’écrivains belges germa très vite dans la pensée de plusieurs jeunes auteurs. Elle suscita d’abord la création de la Jeune Revue, dans laquelle des étudiants publiaient leurs œuvres.

En 1881, sous l’impulsion de Max Waller (de son vrai nom Maurice Warlomont), âgé seulement de 21 ans, mais enthousiaste, ardent, séduisant, audacieux et qui semblait être le chevalier persuasif de « l’esprit nouveau », ce groupement s’étendit : la Jeune Revue fit place à la Jeune Belgique.

Cette même année, Octave Pirmez publiait son dernier ouvrage, Remo; il devait mourir deux ans plus tard, et Charles De Coster l'avait déjà précédé dans la tombe (1879).

Les œuvres de deux écrivains, pareilles, dit M. Oscar Grosjean, « à deux arches monumentales sous lesquelles passeront les deux courants de la littérature belge »[28], avaient fortement impressionné leurs contemporains.

La Jeune Belgique réunit, durant une quinzaine d'années, les noms de ceux qui allaient devenir les gloires littéraires contemporaines de la Belgique: Ivan Gilkin, Albert Giraud, Maurice Maeterlinck, Th. Hamon, Fernand Séverin, Georges Eekhoud, et bien d'autres.

Malheureusement; Max Waller ne put voir longtemps le succès de son entreprise. Il mourut en 1889, à peine âgé de 30 ans. La Jeune Belgique passa en de nombreuses mains, car sa direction était changée chaque année. Elle s'éteignit en 1897, mais son influence fut durable.

L'élan était donné; la phalange d'écrivains qui s'était assigné pour mission de faire la guerre aux vieilles traditions, ennemies de toute tentative originale, vit grossir son contingent et devint un véritable bataillon animé d'ardeurs belliqueuses. Dans la Belgique, politiquement calmée, fermenta une nouvelle révolution et l'effervescence juvénile des combattants ne laissa pas de surprendre quelque peu les « maîtres » d'alors et le gouvernement lui-même, dispensateur des récompenses officielles.

D’autres groupements se formèrent, ayant pour organe des revues : parmi celles-ci, la Revue de Belgique, la Revue générale conquirent et gardèrent une place de premier rang avec l’Art moderne, fondée par Edmond Picard, une des personnalités les plus en vue, non seulement de la littérature, mais aussi de la vie morale et sociale de la Belgique, car son talent puissant, aux multiples manifestations, lui a valu dans la politique, dans le droit, dans l’art ; une incontestable autorité ; en outre, Edmond Picard fut un ardent propagandiste de l’idée nationale, un fervent apôtre du patriotisme : son nom doit rallier toutes les sympathies, tous les respects.

En 1884, Albert Mockel créa l’Élan littéraire, excellente revue, devenue par la suite la Wallonie.

Il y eut encore : le Coq rouge, la Revue de Wallonie, la Belgique, la Belgique française, l’Art jeune, Durendal, la Lutte, le Masque, le Thyrse, la Nervie, le Florilège artistique et littéraire, la Revue littéraire, l’Idée libre, la Belgique artistique et littéraire, la Renaissance d’Occident, la revue France-Belgique, et, en ces tous derniers mois, la Revue belge, etc., etc., dont l’activité, plus ou moins couronnée de succès, prolongea, durant ces quarante dernières années, l’action rénovatrice des jeunes frondeurs de 1880.

Certaines différences existaient, naturellement, entre les doctrines de ces diverses revues. Si les unes, selon le vœu d’Edmond Picard, voulaient Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/134 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/135 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/136 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/137 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/138 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/139 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/140 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/141 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/142 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/143

Dès 1878, une autre femme, vraiment Belge, celle-ci, et même un peu Française par sa mère qui descendait de deux familles originaires du Limousin et du Périgord, Mlle Marguerite van de Wiele, s’était révélée charmant écrivain, grâce à un poème en prose, l’Ange envolé, paru dans un journal local, l’Office de publicité, et qui, très goûté, fut reproduit, traduit en divers pays.

L’auteur n’avait pas 20 ans, puisqu’elle est née, à Ixelles, en 1859, la même année que Mme Hélène Swarth.

En 1879, Marguerite van de Wiele publia un roman, Lady Fauvette, œuvre délicieuse de fraîcheur, de sensibilité, d’émotion, dont le succès fut tel, malgré les inexpériences de métier qu’on y rencontrait, que quatre éditions en furent tirées en quelques mois.

Les ouvrages suivants : Les Frasques de Majesté, Filleul du Roi, Insurgées, Fleur de civilisation, Légendes, beau recueil d’inspiration nationale, les Héroïnes romantiques, etc., pour ne parler que des principaux, consacrèrent le nom de l’auteur, devenue bientôt la femme de lettres la plus en vue de la Belgique.

Mlle van de Wiele n’écrit pas de vers. On pourrait donc s’étonner de lui voir occuper, dans ce livre, une place d’une certaine importance. Cette place, on la lui doit ; il est impossible d’étudier la littérature féminine belge et la vie sociale belge sans être ramené à chaque instant vers Mlle van de Wiele.

Non seulement, comme romancière, elle continua la tradition des Caroline Popp et des Caroline Gravière[29], en renouvelant, en rajeunissant leur « manière », mais, encore, elle garda le constant souci de donner à son pays une œuvre nette, morale, probe, dans une forme littéraire à la fois virile et délicate que beaucoup de ses contemporains pourraient lui envier.

Elle est une laborieuse, et bien que devant à sa plume, seule, le pain quotidien, elle n’a jamais consenti à une seule compromission. Romancière, novelliste, critique, conférencière brillante et infatigable, gardant son franc parler et ne suivant que les indications de sa conscience, elle a pu se faire des ennemis, mais il n’est personne qui ne l’estime, car elle est toujours prête à servir une cause qui lui paraît juste, et le fait avec une bonne grâce et un dévouement dont l’action est encore augmentée par son grand charme de persuasion.

Elle a particulièrement réussi dans les chroniques d’art ; dès ses débuts, elle a jugé l’état d’esprit de son époque et n’a point pris de détours pour donner son avis.

Ne résumait-elle pas, vers 1880, son opinion sur la littérature nationale en ces lignes incisives : « Quelques jeunes qui se mangent entre eux, quelques vieux qui regardent les jeunes. Tous plus célèbres, à la vérité, par ce qu’ils auraient pu faire ou ce que l’on croit qu’ils feront, que par ce qu’ils ont fait effectivement. Voilà la littérature de Belgique ! »

C’était un peu dur. Mais son pays ne doit point lui en vouloir d’avoir prêté la main au coup de fouet salutaire qui devait stimuler les énergies et faire éclore de beaux talents.

M. Edmond Picard a porté, sur Mlle van de Wiele, un jugement qui mérite d’être reproduit :

« Mlle van de Wiele, écrivant depuis des ans et des ans, a été inlassable et jamais médiocre. Elle m’apparaît un esprit clair, opiniâtre, souvent presque viril… Son style, sans avoir l’élégance d’écriture, qu’à tort ou à raison on attend de la femme, a le charme de la simplicité, de la netteté, celle-ci parfois un peu sèche. Son cerveau est de ceux dont il ne sort jamais une sottise. La passion ne chauffe pas ses écrits, mais ils sont imprégnés d’un bon sens un peu rude en accord avec notre psychologie, Elle observe avec attention et justesse. Comme plusieurs de nos écrivains, elle s’attaque, sans fléchir au contact de leur gravité, aux sujets qui tiennent à l’organisation sociale ou aux théories d’art. Bref, c’est une valeureuse, une attentive, une loyale ouvrière littéraire. »

Je me permets d’ajouter : Elle est aussi une apôtre, car dans la littérature comme dans la vie, elle s’est toujours attachée à dénoncer ou à détruire les tendances mauvaises, susceptibles de nuire au développement moral d’un peuple. ou de fausser ses instinctives conceptions du Beau.

La vie sociale féminine a accaparé une large part des pensées et de l’existence de Mlle van de Wiele qui a créé ou encouragé de nombreuses associations et ligues, en faveur de l’éducation et du travail féminins, tant manuels qu’intellectuels ; elle est présidente ou vice-présidente de toutes les œuvres sociales existant en Belgique, où le gouvernement l’a souvent chargée de missions, de rapports officiels sur ce sujet.

Enfin, et ceci lui assurera plus encore notre sympathie reconnaissante, Mlle van de Wiele, se souvenant qu’elle a du sang français dans les vei- nes, s’est toujours préoccupée de sauvegarder ou d’étendre, en Belgique, l’influence de notre pays ; avant, pendant et depuis la guerre, notamment, la Présidente du Conseil national des femmes belges n’a cessé par ses articles, par ses conférences, de participer aux efforts du Comité de l’Entente. franco-belge.

Collaboratrice de tous les journaux belges, Mlle van de Wiele s’est vue récompenser de ses longs efforts, de ses nombreux succès, par la décoration de la croix de Chevalier de l’ordre de Léopold, en 1908, puis de la roșette d’Officier du même ordre, en 1920.

On pouvait espérer, pour elle, une autre distinction : l’Académie royale des Ecrivains de langue française, fondée récemment en Belgique, a prouvé, en nommant si courtoisement parmi ses membres correspondants, une étrangère, qu’elle n’est point anti-féministe.

Pourquoi n’a-t-elle point, alors, admis en son sein, à titre effectif, une femme de lettres belge ? Il semble que Mlle Marguerite van de Wiele eût très bien tenu cette place !

Exception faite de Mme Hélène Swarth, trois femmes, seulement, ont ébauché ou réalisé une œuvre poétique belge, d’expression française, dans les vingt dernières années du xixe siècle : Mlle Françoise Leroy, Mme Jacques de Tallenay, Mlle Marguerite Coppin.

Mlle FRANÇOISE LEROY est l’auteur de deux recueils : Sentiment et Devoir, et Chants et Souvenirs[30].

Ce n’est point, certes, de la grande poésie ; les œuvres de Mlle Leroy sont simples comme elle ; elles représentent le petit coin bleu du rêve dans sa vie utilement remplie d’éducatrice. Attachée, en effet, pendant plus de vingt-cinq années (de 1851 à 1878), à l’Ecole Normale pri- maire supérieure de jeunes filles de Bruxelles, Mlle Leroy en devint, par la suite, directrice, et ne quitta l’enseignement qu’en 1898. Elle s’y est acquis le respect, l’affection de tous ceux qui l’y ont connue : simple, généreuse, dévouée, elle a pu faire dire d’elle que « sa vie fut consacrée au travail et au bien », ce qui constitue encore le plus bel éloge qu’on puisse accorder à une femme.

C’est donc en marge de son labeur quotidien que Mlle Leroy pouvait rencontrer la Muse et s’entretenir avec elle, dans le clos du rêve qu’elle a célébré avec amour, mais en un style romantique plutôt démodé.

Ce qui caractérise son inspiration, c’est l’infinie pitié qui l’imprègne pour tout ce qui souffre. On pourrait modifier en son honneur le vers célèbre :

Et sa pitié s’étend à toute la nature…

aux « fous » qu’on enferme sans se soucier des douloureuses lueurs de raison qui exaspèrent leur mal, aux oiseaux qu’on emprisonne dans des cages ou dont on brûle les yeux pour les faire mieux chanter, aux « deux méconnus », la grenouille et le crapaud, aux choses elles-mêmes, aux « tombes abandonnées », au lierre encore vivace que meurtrit la hache lorsqu’elle abat le saule mort auquel ses rameaux donnaient un semblant de vie…

La souffrance d’autrui la poursuit comme une obsession. Aussi, le spectacle de la vie lui paraît-il affligeant :

Est-ce un bien, est-ce un mal d’atteindre la vieillesse ?…

La réponse à cette question se trouve dans un autre de ses poèmes :

Le souvenir du bien vaut toute récompense : Il prolonge la vie et fleurit l’existence.

Le destin de Mlle Leroy a donné raison à cette pensée. Si sa muse n’est point de celles qu’il faut rechercher pour l’éclat de leur parure ou par esprit de dilettantisme, elle appartient, du moins, à la catégorie des êtres « qui ne rendent pas un son creux lorsqu’on frappe à la porte de leur cœur ».

Le poème ci-dessous résume bien l’art de cette excellente femme :

Muse des temps heureux, Muse de ma jeunesse,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Suis-moi, suis-moi, toujours, pour que toute ma vie
Garde un rayon du ciel, un parfum d’ici-bas.
Suis-moi dans l’infini…, ce champ de poésie
D’où descend l’idéal que rencontrent mes pas.
Fais entendre ta voix où se meurt l’espérance ;
Préserve un front brûlant du vertige insensé ;
A ceux qu’ont submergés le doute et la souffrance
Apporte ton sourire et l’oubli du passé.

Je t’aime pour le bien que tu fais sur la terre.
Où passe ta lumière a germé la bonté ;
Mais ceux que n’ont touchés ta grâce et ton mystère
Ne connaîtront jamais ta sublime beauté !

Lorsqu’il se détournait un instant des misères — humaines, ce regard, toujours tendu vers l’au delà, y a-t-il entrevu, par instant, les secrets de l’avenir ? On serait tenté de le croire en lisant certaines strophes du poème : O douce et ravissante étoile, composé en 1904, dix ans avant l’invasion de 1914 :

LE POÈTE

    Vois-tu tout le sang qui ruisselle
    Où des luttes vont assombrir
    L’existence prospère et belle

Des peuples dignes d’en jouir ?
Que sont ces conquêtes de villes
Pour ceux qu’un lugubre dessein
Arrache à leurs foyers tranquilles,
A leur travail fécond et sain ?…

L’ÉTOILE

Oui, oui, j’entends ces bruits de guerre
Ces massacres et ces forfaits !
Je vois la faim et la misère
Après la mort et les regrets.
Je vois l’épouse qui supplie ;
Je vois des enfants à genoux
A qui l’on veut ravir la vie
Sans qu’ils méritent ce courroux !
Mais après avoir vu l’épée,
La fusillade et la terreur,
Je trouve une terre occupée
Par le calme et par le bonheur.
C’est là que les plus nobles choses
Marquent ce ravissant séjour.
L’âme y fleurit comme les roses
Sous un ciel de paix et d’amour !

Si plats qu’en leur expression prosodique nous apparaissent ces vers, ils ont le pouvoir d’évoquer à nos yeux les tragédies récentes de Dinant, de Visé, de Louvain…

Oui, les poètes ont parfois le don de seconde vue. Le jeune Normalien français, Marcel Blanchard — mort au champ d’honneur, — ne nous l’a-t-il pas aussi prouvé en publiant, en 1913, les émouvantes pages du livre, la Grande Guerre, où passent des soldats « couleur de ciel », tandis

que la Victoire s’écrie :

    … et mon cœur bat et sonne
        Et tout ce que je sais
    C’est que je poserai l’immortelle couronne
        Sur le front des Français !…

Si, malgré le peu d’éclat qu’elles présentent, j’ai tenu à signaler ici la personne et l’œuvre de Mile Françoise Leroy, c’est que, bien qu’ayant ignoré l’instinct artistique qui rompra et détruira, par la suite, chez ses descendantes, le moule poncif d’un sous-romantisme périmé, cette doyenne des poétesses modernes incarne bien le type presque général de la poétesse belge.

Presque toutes celles, en effet, dont nous aurons à étudier les œuvres dans le suivant chapitre, sont, en grande majorité, non des professionnelles, vivant exclusivement du travail de leur plume, comme Mlle van de Wiele, non des amateurs, remplissant avec la poésie ou le roman le désœuvrement d’une vie fortunée, mais des professeurs, des institutrices de l’enseignement primaire, secondaire ou libre.

La littérature n’est, pour ces femmes, ni le gagne-pain obligatoire qui oblige, parfois, à tant de compromissions et entraîne, en cas d’insuccès, le découragement et l’envie, ni la forme d’un snobisme au nom de quoi, en d’autres pays, nombre de « gourmands » ont envahi et détérioré le rosier nuancé de la pensée.

La poésie, chez elles, l’emporte sur la prose parce qu’il est plus facile, en un moment de loisir, au cours d’une promenade…, ou d’une nuit d’insomnie, de rimer quelques quatrains que d’élaborer des chroniques bibliographiques ou d’échafauder l’important travail d’un roman. La poésie est la marge illustrée de leur page de vie saine et utilement remplie, le jardin étroit mais bien enveloppé de ciel, attenant à la maison familiale ou à la salle de classe. Aux heures de récréation, leur esprit vient se détendre dans ce clos fleuri dont tant de leurs poèmes expriment le charme intime et bienfaisant.

Pourtant, cette règle, comme toutes les autres, comporte des exceptions.

La poésie belge a eu des représentantes dans le milieu aristocratique et mondain, en ce siècle comme au temps de Marie de Brabant ou de Marguerite d’Autriche.

Mme HENRY-JACQUES DE TALLENAY, dont le nom vient d’être cité, doit avoir sa place en cette galerie des Muses.

Fille du marquis de Tallenay, elle signa ses œuvres du nom patronymique, bien qu’ayant été mariée très jeune à M. van Bruyssel, chargé d’affaires en République Argentine.

À son retour en Belgique, Mme J. de Tallenay van Bruyssel tint un salon littéraire à Bruxelles. Elle collabora à Durandal, à la Jeune Belgique, à l’Art moderne, et fut, pendant trois ans, correspondante du Figaro.

En 1894, elle publia un recueil de vers, l’Intermède lyrique, de Heine[31], traduit de l’Intermezzo, et suivi de Premières rimes, sa moisson toute personnelle. Les poèmes traduits de l’Intermezzo ont la grâce et l’émotion qui font le charme de ces pages en leur langue originale ; la transcription, toutefois, ne rend pas certaines images avec la force qu’elles revêtent en la langue de Heine ; on le sent, par exemple, dans le diptyque en deux quatrains devenu célèbre :

Ein Fichtenbaum steht einsam…

ce sapin du Nord qui, solitaire, en son steppe glacé, rêve au palmier dont l’éventail ensoleillé s’épanouit, là-bas, si loin, en l’infini des sables d’or…

Meilleures sont les stances d’amour où le poète pleure la bien-aimée qu’un rival heureux lui a prise.

Le romantisme qui imprègne les poèmes de Heine a déteint sur l’œuvre personnelle de Mme J. de Tallenay. On y retrouve même, par endroits, la forme chère à l’auteur de l’Intermezzo, comme dans ce Deuil :

Dans l’océan profond naquit la perle. Sous le gazon épais la douce fleur. Sur un chêne élevé chantait le merle, Et moi, j’avais ton cœur. Dans un brillant écrin mourut la perle. Sous le gazon épais la douce fleur. Sur le chêne élevé pleura le merle, Moi… je perdis ton cœur !

Ailleurs, ce romantisme affecte une expression plus française. On pense à des strophes de Lamartine… ou de ses disciples, en lisant cette description :

Le soleil se couchait dans sa gloire infinie,
La mer, à son baiser, se calmait, aplanie,
Sous des torrents de feu ;
Et dans l’embrasement de toute la nature,
Dans ce ciel, dans cette eau, dans ce vivant murmure,
Se sentait l’œil de Dieu !
Quand, d’un effort puissant, ta profonde pensée
Cherchait dans ces lointains, pour ton âme blessée,
Un endroit de repos ;
Lorsque, le cœur ému par la Beauté suprême,
Je répétais tout bas un splendide poème
Dans ton esprit éclos,
129
N’as-tu pas ressenti dans la nuit embaumée,
Descendant lentement sur la terre enflammée,
Un singulier frisson ?
Ne te semblait-il pas que les ailes d’un ange
Produisaient dans les airs une musique étrange,
Un doux et triste son ?…

Oui, ce sont bien là les ondulations régulières. d’une calme respiration, qu’elle s’exhale d’une poitrine humaine ou d’une houle étale ; ce rythme reposant, un peu monotone à la longue, que le chantre des Méditations porta jusqu’à la perfection harmonieuse, des inspirés moins doués le transformèrent, trop souvent, hélas ! en mélodies pour orgues de Barbarie !

Mme de Tallenay a su, dans plusieurs poèmes, garder au vers lamartinien sa pureté, sa musique, sa profondeur, ainsi qu’en témoignent les pièces animées d’un souffle lyrique : Jupiter, Vision, la Prière, les Larmes du Cœur, où se glissent des sanglots contenus :

Elles s’amassent lentement,
Battant les paupières fiévreuses,
Et, sans retomber, lourdement,
Torturantes et douloureuses,
Elles retiennent la douleur
Ces terribles larmes du cœur !

Mme J. de Tallenay sait varier ses rythmes et en obtenir des effets heureux qui donnent à quel- ques-unes de ses pièces une allurè déjà plus moderne… On peut en juger par le petit morceau : La bonne Vieille, qui constitue une agréable « pièce à dire » :

Dans un coin sombre de l’église,
La bonne vieille en robe grise
Et mantelet
Egrène, en disant sa prière,
Les perles formant la filière
D’un chapelet.
Sa voix est triste et monotone,
Son dos voûté, son œil atone,
Et cependant…
Elle a dans cette solitude
De la grandeur dans l’attitude
En s’affaissaht.
Elle eut un passé de misère,
Et connut la souffrance amère
De bien des jours.
Elle eut la vision riante
D’un bonheur que son âme ardente
Attend toujours.

Perles de joies, perles d’ivoire
Portent la croix expiatoire
De mainte erreur…
L’espérance est toujours la vie :
Heureux celui qui rêve et prie
Selon son cœur..
Dans un coin sombre de l’église,
La bonne vieille en robe grise
Et mantelet
Egrène, en disant sa prière,
Les perles formant la filière
D’un chapelet.

La grande source inspiratrice de Mme J. de Tallenay est la nature ; campagnes belges et forêts du Nouveau-Monde mêlent, en son livre, leurs paysages aux évocations marines des lon- gues traversées ; l’admiration passionnée de la Nature est aussi un des signes caractéristiques du romantisme ; elle s’y nuance toujours d’une philosophie mélancolique qu’éclaire l’idéaliste rayon de la Foi.

Dans le fond, comme dans la forme, cette œuvre qui n’a été suivie, que je sache, d’aucun autre recueil de vers, appartient donc bien à l’école romantique ; j’ajouterai même que Mme J. de Tallenay est la dernière pure romantique de la poésie féminine belge.

L’influence qu’elle a subie se retrouve dans ses ouvrages en prose : Souvenirs de Venezuala, le Réveil de l’Ame, Vivia perpetua et les Treize douleurs, recueil de nouvelles où, avec une psycho- logie subtile, elle étudie les aspects multiples de la souffrance du cœur humain.

Écrivain d’une vive sensibilité, femme d’esprit distingué et cultivé, Mme Jacques de Tallenay peut être considérée comme le vivant trait d’union qui réunit l’école ancienne à l’école moderne, puisque son œuvre présente les caractères des deux périodes.

Avec Mlle Marguerite Coppin, nous retrouvons l’éducatrice ou, tout au moins, le professeur-femme de lettres, et nous découvrons, parmi quelques vestiges du traditionalisme qui a si fort imprégné ses devancières, les ébauches d’une indépendance toute moderne, les premiers souffles de l’esprit du xxe siècle.

Mlle Marguerite Coppin, née à Bruxelles, en 1867, est, par sa mère, d’origine française. L’une des premières, elle fit, en Belgique, des conférences, et elle fut longtemps la seule femme qui y portât notre ruban violet d’Officier d’académie.

Son œuvre poétique est importante. Son premier livre de vers, Poèmes de femme, parut en 1896[32]. Deux ans plus tard, elle donna une suite de poèmes, Maman[33], accompagnés de Chansons pour tous, puis, l’année suivante, le Triomphal Amour, et, enfin, en 1911, les Nouveaux Poèmes[34], qui obtinrent un bon succès de presse et affirment, en une forme plus châtiée, les dons de l’auteur.

Par ces diverses œuvres, on peut aisément constater que Mlle Coppin sait, en dépit de l’entrave des règles prosadiques, sauvegarder l’élan, l’indépendance de la pensée et affirmer, par endroits, une force, une vigueur d’accent qui manque complètement à Mlle Leroy. Ainsi que Mme Hélène Swarth, en Hollande, Marguerite Coppin osa, la première, énoncer dans ses vers que la vie de la femme est enclose dans la route d’amour :

La tâche de la femme est d’aimer, simplement.

Plus que ceux qui souffrent par la faute de la passion, elle plaint ceux dont la vie en est privée, les Pauvres, ainsi qu’elle les appelle :

Je me sens parfois d’étranges tendresses
Pour les pauvres gens qui n’ont pas d’amour !
Je voudrais pouvoir, en flots de caresses,
Tout leur révéler au soir d’un beau jour.

Elle veut que l’amour soit ardent, excessif :

Tout luit, tout vibre, tout s’enfièvre ;
C’est sur le coloris ardent :
Rouge et chaud — ou corolle ou lèvre
Un air passionnel, mordant…
Je suis là. Ma chair est brûlée ;
Mes yeux sont éblouis, l’encens
Qui vient de la terre affolée
Monte pour mieux troubler mes sens…

- Elle aussi est exclusive et excessive ; elle s’engage toute :

Je vis cloîtrée en ta pensée ;
Plus ne m’est rien, rien ne m’est plus.
La via âpre et folle et pressée
Autour de moi bat vainement son noir reflux.
Ah ! cachons notre amour ! que son arôme ailé
Ne s’exhale pour nous qu’en secret, plus intense.
Comme pieusement, en un flacon scellé,
Nous gardons le trésor merveilleux d’une essence.

Parce que son amour est vrai et désintéressé, il sait se faire humble :

Si vous ne pouvez pas être toute son âme
Soyez un coin du cœur, un rappel de l’esprit,
Car nous sommes ainsi : pour l’amour d’une femme
Rien n’est trop grand, rien trop petit…

Cette force, cette générosité de son amour lui permettront d’accepter sans révolte, de défier la douleur possible de l’abandon. N’est-ce pas, selon elle, être déjà une élue que de respirer la divine fleur ; lorsque celle-ci laisse nos âmes veuves de sa caresse, nous ne perdons rien de la douceur, de la gloire de l’avoir tenue entre nos doigts.

N’est-ce donc pas assez d’avoir connu l’amour !
N’avez-vous pas goûté l’orgueilleuse douceur
De pleurer sur la joie et la douleur mortelles ?
Et si l’amour, demain, devait fuir — oh ! pardon,
J’ai peur de t’offenser, dieu cher que je blasphème !.
Le parfum de la fleur embaumerait mes jours
Et du souvenir doux et cher de mes amours
Je ferais du bonheur, encor, sans anathème !…

Aimer, selon elle, vaut mieux que d’être aimée. L’ivresse vraie, c’est donner, non recevoir :

Mais aimer, c’est verser à pleines mains ravies…
Quand on aime, on se donne, ô pauvres fous humains !
On donne sans compter, sans peser, sans attendre
Qu’on vous offre en retour ; et, d’amour, emporté
On s’oublie…

S’oublier, en effet, une grande parole l’affirme, c’est le secret du bonheur…., d’un bonheur qui n’est point, il est vrai, accessible aux âmes de qualité inférieure.

Les théories mises en pratique par Mlle Coppin nous renseignent sur la valeur de son âme. Ses cris de passion absolue et touchante rappellent ceux de notre Marceline Desbordes-Valmore, héroïne de l’abnégation amoureuse.

Ses vers sont imprégnés de cette force ardente et sereine qui soutient les cours dans la lutte et leur donne la victoire. Au cours des pages, on se rend compte qu’une foi vive, éclairée, n’est pas étrangère à ce stoïcisme. L’honneur et la foi sont les deux ailes qui soutiennent l’être humain au-dessus des tentations et des fanges, qui l’élèvent vers l’idéal sauveur :

Que ton Honneur, sans blâme ou tache,
Te soutienne devant l’humain !
Qu’il soit ton témoin, sans relâche,
Le bâton d’appui dans ta main.

Et que ta Foi soit cette force
Qui jamais ne peut s’épuiser,
Sève de l’arbre sous l’écorce,
Ame de feu dans le brașier.

Comme la plupart des femmes artistes qui ont souffert, Marguerite Coppin se console souvent par la contemplation du Beau qui, en dépit des déceptions et des douleurs éprouvées, la rattache à la vie :

Et la vie est un don puisqu’elle accorde à l’être
Ces immenses pouvoirs : amour, création.
La vie est un trésor pour qui la peut connaître,
La vie est pure et grande en sa rédemption.

Mais Marguerite Coppin possède un autre refuge, plus proche, plus effectif contre le mal : son amour filial si délicatement, si fervemment chanté dans le recueil intitulé Maman :

Maman, je suis si lasse, et du monde — et de moi,
Viens, dis ! Tu chanteras, tu parleras, je pense.
Viens, je me réfugie en ta chère présence :
On respire la paix dans l’air autour de toi…
Maman, je suis bien lasse et je ne sais pourquoi !
La vie est dure ; hier, elle était aussi dure…
Je perds pied quelquefois ; la voie est vague, obscure,
Je doute de la voie et je doute de moi.
Mon courage est réel, mais qu’il faut de courage !
Travail-travail et peine
travail et peine et je n’ai que mon âge…
Il semble si longtemps à vivre encor ? Tais-toi,
-
Maman, si je me plains, c’est que je suis si lasse !
Ne dis plus rien, veux-tu ? Mais donne moi ma place
Sur tes genoux comme un enfant qui pleure-et berce-moi !

Laquelle d’entre nous ne se ferait pas l’écho de ces cris de tendresse et de dévotieuse reconnaissance ?

Ma mère, en toi je vois et je comprends la mère Et je t’adore mieux d’être ma mère à moi.

Les mots d’amour sont doux ; et j’ei souvent eu foi
Dans plus d’un cœur… Plus tard, on trouve sa méprise :
Le seul Amour vivant quand l’Amour agonise,
C’est Toi !

Laquelle d’entre nous, encore, ne sentira ses yeux se mouiller en lisant ces quatrains de Ta M ain ?

Ce matin j’ai pris dans ma main
Ta pauvre main, ta main si chère.
Elle me fut si douce, mère,
Si douce, le long du chemin…

J’ai pleuré de l’âpre misère
Qui creusa sous son scalpel fin
Ces rides — si nobles, ma mère !
Si tristes, dans ta pauvre main.

J’ai pleuré les doigts de satin
Qui jouaient dans mes doigts.
La vie a passé, pauvre mère,
La vie a passé sur ta main…

Je ne connais guère, sur ce thème, que le livre — portant le même titre, d’ailleurs — publié par Mme Lucie Delarue-Mardrus qui puisse être comparé à celui de Mlle Coppin, quant à la sincérité. de l’émotion.

Marguerite Coppin a, en effet, le don d’émouvoir, don devenu fort rare depuis que, dans la poésie, l’artifice et le snobisme ont remplacé le jet primesautier du cœur, depuis qu’on sacrifie les trésors de la pensée à « l’amas d’épithètes » blâmé par La Bruyère, et aux jongleries de la forme…

La note d’intimité douce, que j’ai indiquée comme l’une des caractéristiques de la poésie belge, se révèle en ce cycle. et se retrouve en d’autres parties de l’œuvre, notamment dans les Chansons pour tous et dans les Esquisses d’intimité des Poèmes de femme.

Et c’est bien là où je m’imaginais la voir vivre, à travers ses stances, que j’ai trouvée, un jour, Marguerite Coppin, près de la chère Maman aux cheveux blancs et aux jeunes yeux bleus…

C’est le rayon qui fait l’étoile,

dans une calme et déserte rue du vieux Bruges, à l’ombre du Beffroi dont :

Le flot des notes d’argent clair De toits en toits saute et crépite,

égrenant dans les airs :

Un refrain vieillot, pimpant, Tout embaumé de marjolaine Que chantaient les bergers d’antan Dans la plaine.

Elle est demeurée longtemps dans cette retraite, vouée à sa tâche de professeur, demandant à la poésie les éclaircies de sa vie monotone et laborieuse.

Puis, la tourmente est venue. Elle a préféré, pour la maladive Maman vieillie, l’exil à l’invasion ennemie. La fraternelle hospitalité d’amies anglaises a décidé les deux femmes à passer la Manche. Et c’est sur la terre étrangère, mais point dans la solitude, que « le meilleur amour » de Marguerite Coppin lui a été ravi…

Et la Brugeoise au cœur endeuillé n’a point voulu, malgré la paix revenue, retourner seule en sa patrie. Elle s’est fixée en Angleterre, rompant, presque tous liens avec sa vie ancienne, rimant encore pour sa satisfaction personnelle, et se plongeant volontiers dans les mystères de la philosophie et de la théosophie.

L’inspiration de Marguerite Coppin ne devrait pas, si tôt, se tarir. Elle est spontanée, sincère, émouvante, elle a d’heureuses trouvailles d’idées et de mots. Sans doute, l’auteur n’a pas toujours su travailler assez ses vers — c’est le défaut des poètes qui écrivent avec facilité — ; on pourrait lui reprocher aussi une certaine banalité dans les rimes, quelques délits prosodiques, voire grammaticaux, et, ça et là, des mots impropres qui ont provoqué l’emploi du terme « style belge » dont nos voisins sont vexés, à juste titre. C’est tout simplement du français incorrect, et, hélas ! on en trouve des exemples aussi bien en France qu’en Belgique ; mais il y a, en somme, beaucoup plus à louer qu’à blâmer dans cette œuvre sympathique et féconde.

La philosophie, d’ailleurs, en est élevée, sereine, altruiste ; elle pourrait se résumer en ces deux strophes, glanées en deux pages voisines :

Ô sortons un instant de nos étroits chagrins !
Je voudrais que mon cœur, trop grand pour ma poitrine,
S’élargissant encore à tous les mots humains,
Pût gagner le port sûr de la pitié divine !

. . . . . . . . . . . . . .

Bannissez le mot glacé : Moi ! »
Ouvrez votre âme à tout émoi.
Que tous les fiers élans soient vôtres !
Bannissez le mot cruel : « Moi ! »
Prenez pour devise : « Les autres ! »

Comme cet enseignement devient de plus en plus utile aujourd’hui !

Outre un livret d’opéra, Ambiorix, Mlle Coppin a également composé des ouvrages en prose, plusieurs romans, dont l’un obtint le premier prix de l’Union littéraire, des Contes historiques qui lui valurent une médaille d’argent à l’Exposition de Liège, et d’importantes, traductions de l’anglais.

Dans sa prose, comme dans ses vers, on est tenté d’oublier les négligences et les imperfections de la forme devant le beau souffle humain et féminin qui anime la pensée.

Marguerite Coppin ne peut être oubliée dans l’histoire de la littérature féminine en Belgique ; elle y gardera une excellente place à cause de son tempérament poétique ; elle est, avant tout, une instinctive ; elle laisse, dans ses œuvres, l’empreinte personnelle d’une âme et, je ne crains pas de le répéter, d’une âme aux qualités supérieures.

Dans la période de 1880 à 1890, deux femmes seulement jouèrent, dans les régions flamandes, un rôle littéraire et social d’une certaine importance. Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/167 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/168 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/169 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/170 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/171 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/172 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/173 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/174 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/175 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/176 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/177 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/178 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/179 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/180

Ce Déménagement campagnard laisse une place à l’idylle ! Trienne, la fille du fermier, se brouille avec son fiancé, Themis, mais, à la faveur des fêtes de la crémaillère, un rapprochement s’opère et tout s’arrange dans un rayon de soleil.

Une telle œuvre est déformée par la transcription qui la prive de la cadence prosodique ; comment donner une idée juste de son charme et de sa couleur ? De même, une légende bas-bretonne ou un récit provençal perdent la majeure partie de leur saveur à travers notre français correct et loin du décor local qui les a vus éclore. Que reste-t-il d’un lampyre ou d’une luciole, petites étoiles terrestres de la nuit campagnarde, après un instant d’emprisonnement dans notre main ?

Par Mlle Belpaire et par Hilda Ram qui eût pu donner de nouvelles œuvres si elle n’était morte prématurément, en 1901, nous voyons donc se continuer la tradition flamande : produire une œuvre utile et moralisatrice dans une forme simple, mais artistique par sa vérité même, ainsi mise à la portée du peuple aussi bien que de l’élite.

L’auteur des Feuilles de trèfle du champ de la vie n’a-t-elle pas résumé sa « conception de l’être et du devenir » en ces quelques lignes :

« Heureux celui qui a une tâche à accomplir, — un fardeau à porter !… celui qui sait où il va…, qui, toujours, aux autres songe — en s’oubliant soi-même !… celui-là, du moins, ne s’affaisse pas, douloureusement, même s’il soupire souvent, — car, si sombre que soit sa vie, — une lumière y brille pour lui… Son renoncement lui affermit le cœur et le maintient fort et droit, — bien qu’en son humilité il se juge un serviteur inutile. »

Ce n’est sans doute pas là l’une des théories modernes du droit à la vie et au bonheur où chacun vise à son propre « épanouissement » et à ses joies personnelles, fût-ce au détriment du voisin !

Les poétesses belges, qu’elles soient représentées par une Françoise Leroy et une Marguerite Coppin, ou par une Mlle Belpaire et une Mathilda Ramboux, témoignent donc d’un penchant très louable pour l’altruisme. On ne peut que les en apprécier davantage.


IV
QUATRIÈME PÉRIODE


DE 1900 À NOS JOURS

Les tendances nouvelles en poésie. L’influence des écoles étrangères. — L’influence de la guerre.

Principaux poètes féminins de langue française : Mlle MARIE CLOSSET (JEAN DOMINIQUE) ; Mme MARIE VAN ELEGEM ; Mme MARIE PHILIPPE ; Mme HÉLÈNE GOFFIN-CANIVET ; Mlle GABRIELLE REMY ; Mlle MARIA BIERMÉ ; Mme EMMA LAMBOTTE ; Mlle GERMAINE DE SMET ; Mme MARIE GEVERS ; Mme YVONNE HERMAN- GILSON ; Mme CLAUDE HALBRAND ; Mme TONY HER- MANT ; Mme CLAUDE BERNIÈRES ; Mile JEANNE GOSSELIN.

La plupart des poètes masculins cités dans le précédent chapitre restent les maîtres incontestés de la période qui s’étend de 1900 à nos jours : Verhaeren, Maeterlinck, Ch. van Lerberghe, Valère Gille, Grégoire Le Roy, Albert Mockel, Fernand Séverin donnèrent, après 1900, quelques- unes de leurs meilleures œuvres.

Ils sauvegardèrent les droits de la poésie belge qu’ils avaient contribué à rendre florissante. De temps à autre, aussi, ils se laissèrent effleurer, Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/184 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/185 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/186 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/187 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/188 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/189 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/190 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/191 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/192 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/193 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/194 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/195 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/196 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/197 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/198 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/199 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/200 Page:Berger - 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Et puisque, a-t-on dit, le génie n’est qu’une longue patience, pourquoi ne pas stimuler même l’effort et la bonne volonté des poètes brévipennes, tant qu’ils sont, du moins, à l’âge de croissance ! En plus d’un, peut-être, sommeille l’as des ciels du Parnasse.

V
QUATRIÈME PÉRIODE

(Suite)

Quelques autres poètes : MMmes Tina Louant, Alice Colin, Louise Rodenbach, Élise Tichon. — Le groupe régionaliste du Centre-Hainaut : MMmes Marthe Godeaux, Jeanne Mayeur-Vannes, Blanmailland-Virix, Elvire Bricout, Marcelle Max-Hautier, Azelle Lecomte-Henry, Geneviève Thévenier (Mme Prassler-Robert), Felixa Wart-Blondiau. — MMlles Emma Thiernesse, Flore Many.

Poètes patoisantes : Mme Wart-Blondiau ; MMlles Limagne et Florence Jeanpierre ; Constance Schurgers.

Poètes de langue flamande : Sœur Maria-Josepha, MMlles Alice Nahon, Cécilia Ameye ; Mme Mendiaux Coremans (Ellen Corr).

L’Histoire de la poésie, comme celle de l’art… ou de la science, comporte, non, seulement des réalisations, mais aussi des essais, des ébauches qui ont, tout au moins, leur valeur indicative.

Tous les écrivains n’ont pas les mêmes facilités — surtout depuis une dizaine d’années — pour publier et répandre leurs œuvres.

Il serait donc injuste de s’en tenir aux noms et aux œuvres qui viennent d’être cités et d’oublier les femmes poètes qui, soit au sein des cités, soit dans la paix des campagnes, ont apporté leur modeste contribution au mouvement littéraire dont nous nous occupons.

Des anthologies nous révèlent les noms de MMmes Tina Louant qui, de 1905 à 1910, publia trois recueils de vers (Impromptus, Heures fugitives, les Opalines), Alice Colin, auteur du Premier vol dans l’azur (1900), Louise Rodenbach, née Française, mais appartenant, par son mariage, à une famille au nom célèbre dans les Lettres, et Mlle Élise Tichon, de Marienbourg, à qui son inspiration, essentiellement catholique, a valu d’être lauréate d’un concours de Rome et décorée, pour son livre, Heures sereines, d’une médaille papale.

D’autres, enfin, telles les avettes de modestes ruches, composent des groupes régionalistes ayant pour organe une revue où s’imprime, à travers leurs œuvres, le caractère distinctif d’une race, d’une province.

La plus importante de ces ruches existe en Hainaut, où le culte de la poésie règne avec un succès particulier, peut-être en souvenir de la célèbre maison souveraine dont plusieurs princesses — Adèle, fille de Guillaume le Conquérant, Yolande, sœur de Beaudouin V, Isabelle, femme de Philippe-Auguste, roi de France, les comtesses Jeanne et Marguerite, châtelaines du Quesnoy, et Philippine, épouse d’Edouard III Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/278 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/279 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/280 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/281 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/282 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/283 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/284 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/285 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/286 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/287 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/288 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/289 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/290 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/291 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/292 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/293 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/294 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/295 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/296 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/297 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/298 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/299 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/300 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/301 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/302 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/303 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/304 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/305 Page:Berger - Les Femmes poetes de la Belgique.djvu/306 les dévouements, les femmes poètes belges se distinguent encore par le caractère digne, pur et humanitaire de leurs œuvres.

Elles ont donc bien des droits à notre attention et à notre sympathie ; leur effort mérite d’être suivi et encouragé, car son mouvement ascensionnel fait bien présumer de l’avenir. La phalange de ces porteuses de lyres, qui tiennent, jusqu’à présent, une place trop restreinte dans les anthologies générales, est donc digne d’y paraître au même plan que le groupe des poètes masculins dont le talent fait honneur au pays belge.


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TABLE DES MATIÈRES

Les plus anciens monuments littéraires belges. Le bilinguisme, ses causes, ses conséquences. Les femmes protectrices des lettres au moyen âge. Les premières femmes poètes : la nonne Hadewych ; Marie de Brabant ; Maric Dregnan ; la demoiselle Deprez ; la belle Doète ; la sœur Dimenche ou Nonain de Berchinge.

Le siècle des ducs de Bourgogne. Marguerite d’Autriche et son œuvre. MMlles de Baude et Huclam. La Réforme et la Renaissance. La poésie spirituelle : Anna Bijns ; la sœur Josine des Planques. XVIIe et XVIIIe siècles.

Caractères et tendances de la littérature de cette période dans les lettres françaises et dans les lettres flamandes. Mme Félix de la Motte et Mme Maria van Ackere-Doolaeghe ; Louise Stappaerts-Ruelens ; Mme Defontaine-Coppée ; Mme Amélie Strumann-Picard ; Mme Isabelle Lippens ; Agnès-Lucie Masson ; Louise Bovie ; Mme Edgar Tinel ; Mme Braquaval (Pauline l’Olivier) ; Mme van Langendonck ; Clémentine Louant ; Mme de Lalaing ; Marie Nizet (Mme Mercier-Nizet).

Mevrouw Courtmans ; Mathilda van Peene (mevrouw David) ; Rosalie et Virginie Loveling.

Causes et caractères du « Réveil » de 1880. — Ses premières manifestations : La jeune Belgique, son œuvre et ses représentants. Mouvement parallèle dans la littérature flamande : le groupe de la revue Van nu en Straks.

Les femmes écrivains de cette période : Mme Hélène Swarth ; Mlle Marguerite van de Wiele ; Françoise Leroy ; Mme Jane J. de Tallenay ; Mlle Marguerite Coppin.

Mlle Maria Belpaire ; Mlle Mathilda Ramboux (Hilda Ram).

Les tendances nouvelles en poésie. — L’influence des écoles étrangères. L’influence de la guerre. Principaux poètes féminins de langue française : Mile Marie Clossel (Jean Dominique) ; Mme Marie van Elegem ; Mme Marie Philippe ; Mme IIélène Goffin-Canivet ; Mlle Gabrielle Rémy ; Mlle Maria Biermé ; Mme Emma Lambotte ; M¹le Germaine de Smet ; Mme Marie Gevers ; Mme Yvonne Herman- Gilson ; Mme Claude Halbrand ; Mme Tony Hermant ; Mme Claude Bernières ; Mile Jeanne Gosselin.

Quelques autres poètes : MMmes Tina Louant, Alice Colin, Louise Rodenbach ; Mlle Élise Tichon.

Le groupe régionaliste du « Centre-Hainaut » : Mlle Marthe Godeaux ; Mme Jeanne Mayeur-Vannès ; Mme Blanmailland-Virix ; Mme Elvire Bricout ; Mme Marcelle Max-Hautier ; Mme Azelle Lecomte-Henry ; Mme Geneviève Thévenier (Mme Prassler-Robert) ; Mme Felixa Wart-Blondiau.

Mlle Emma Thiernesse ; Mlle Flore Many.

Poésie patoise wallonne : Mme Felixa Wart-Blondiau ; MMlles Limagne, Florence Jeanpierre, Constance Schurgers.

Poésie flamande moderne : Sœur Maria-Josepha ; Mlle Alice Nahon ; Mlle Cécilia Ameye ; Mme H. Mendiaux-Coremans (Ellen Corr).


Rochefort-sur-mer. — Imprimerie À. Thoyon-Thèze
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  1. Décembre 1910.
  2. Librairie académique Perrin.
  3. Librairie académique Perrin.
  4. Les Maîtres d’autrefois (Plon, édit.).
  5. L’admirable épisode de la vie, de la captivité et de la mort de l’héroïne se trouve narré dans un opuscule de propagande : Gabrielle Petit, par Cyr. van Overbergh (Edit. de la Revue des Auteurs et des Livres), 70, Chaussée de Haecht, Bruxelles, 185e mille. Un important ouvrage a été aussi écrit en 1922 par M. Arthur Delage (Vve Larcien, édit. Bruxelles). M. Henri Puttemans, l’avocat et homme de lettres, le patriote bruxellois qui dirigea, avec M. Kebers, le journal clandestin L’Âme belge, émule de l’intrépide Libre Belgique, pendant l’occupation allemande, a, dans cette feuille, salué la noble figure de Gabrielle Petit. La vaillante jeune fille eut des sœurs en héroïsme : Elisa Grandprez, de Liège, fusillée en 1917, Louise Derache, qui, deux ans plus tôt, dans la même ville, avait subi le même sort, MMmes Maria de Smet, Pauline Rameloo, Emilie Schattemann, exécutées à Gand, en 1917, Elisa Poets et Rosalie Decoster-Cortvrint, électrocutées en favorisant le passage de soldats belges et français à la frontière, Mathilde Raes, martyrisée dans sa prison en 1918, et enfin la petite Yvonne Vieslet, âgée de dix ans, fusillée à bout portant à Monceau-sur-Sambre pour avoir donné le pain de son goûter à un prisonnier français. Ces martyres de la grande cause doivent avoir leur nom inscrit dans ce livre.
  6. Les Confins de la Littérature et de la Science.
  7. M. André M. de Poncheville, l’animateur des Amitiés de France et de Flandre, a raison d’affirmer : « Dans le domaine de l’esprit, la Belgique fait partie de la plus grande France, ayant contribué à la créer, et de quelle importante contribution. »
  8. Revue de Belgique, 15 septembre 1890.
  9. Histoire de la littérature française hors de France, libr. Fischbacher, 1895.
  10. Histoire de Belgique, tome Ier, Lamertin, édit. Bruxelles, 1900.
  11. La Chanson flamande au moyen âge, art. de M. J. Stecher, Revue de Belgique, 15 juin 1886.
  12. Chansons populaires flamandes du XIIIe au XXe siècle. Cette brochure servit de thème à une conférence que M. van Eeghem fit à Fécamp, où il se trouvait en 1916, comme délégué au Collège de jeunes gens. Des soldats belges chantèrent les chœurs de ces chansons.
  13. Le roi Guillaume Ier de Hollande avait fait un jour la même réponse au sujet d’un écrivain belge de langue française, qui sollicitait une décoration de son pays natal sous la domination hollandaise.
  14. Isabelle d'Autriche, qui était petite-fille de Charles-Quint pet fille de Philippe II d’Espagne. C’est elle qui donna son nom à une couleur jaunâtre, en gardant sur elle, durant trois années, — dit la tradition — la chemise qu’elle avait fait vœu de ne quitter qu’à la fin du siège d’Ostende, défendue par ses troupes.
  15. Revue de Belgique (15 avril 1902).
  16. Revue latine du 25 septembre 1907.
  17. Mevrouw, en flamand signifie « Madame ». On emploie ce terme, même en Belgique française, lorsqu’on parle des Flamandes.
  18. Conférence faite à Anvers, le 11 avril 1910 : La littérature belge d’expression française.
  19. Eug. Gilbert : Les lettres françaises dans la Belgique d’aujourd’hui (Sansot, édit., 1900).
  20. Son poème philosophique, Les quatre Incarnations du Christ (1867), est bien supérieur à ses pièces lyriques.
  21. Thyl Uylenspiegel, personnage mythique dont De Coster, a fait l'incarnation de l'âme flamande, fière et indépendante qui se rebelle contre le joug étranger (Lacomblez, édit., Bruxelles, 1867).
  22. Georges Rodenbach appartenait à une famille flamande, mais il écrivit en langue française.
  23. Né à Anvers en 1812, mort en 1883, fut conservateur du Musée de Bruxelles.
  24. L’une des plus importantes romancières flamandes (voir p. 92).
  25. De drie zustersteden.
  26. Les lettres néerlandaises en Belgique depuis 1880, conférence faite à l’Exposition universelle de Liège, en 1905 (C. A. J. Dishoek, édit., Bussum, 1906).
  27. Les conférences d’Émile Deschanel développèrent, dans son auditoire féminin, le goût de la culture intellectuelle.
  28. Les lettres belges (Revue latine, 25 septembre 1908).
  29. Voir le chapitre précédent, page 64.
  30. Lebègue et Cie, édit., Paris et Bruxelles (1880 et 1890).
  31. Ollendorf, édit., Paris.
  32. Imprimerie Popp (Bruges), orné d’un portrait de l’auteur par G. Pickery, fils.
  33. Imprimerie M. Bouchery, Ostende.
  34. Id.