Les Rétractations (Augustin)/I/XVII

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Œuvres complètes de Saint Augustin, Texte établi par Poujoulat et Raulx, L. Guérin & Cie (p. 327-328).
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CHAPITRE XVII.

de la foi et du symbole. — un livre.


Vers la même époque, par l’ordre et en présence des évêques qui célébraient à Hippone un concile plénier de toute l’Afrique, je fis, étant prêtre, une conférence sur la foi et sur le symbole. C’est cette conférence dont j’ai formé un livre, sur les instances pressantes de quelques-uns de nos plus chers et intimes amis. J’y disserte sur ces grands sujets, en m’attachant plus aux choses elles-mêmes qu’à l’arrangement des mots que l’on donne à retenir à ceux qui demandent le baptême. Parlant dans ce livre de la résurrection de la chair, je dis : « Selon la foi chrétienne, qui est infaillible, le corps ressuscitera. Cette vérité paraît incroyable à qui ne fait attention qu’à la chair en son état actuel, et ne considère pas ce qu’elle doit être dans son état futur : dans ce temps d’angélique changement, il n’y aura plus de chair et de sang, il n’y aura plus qu’un corps[1]. » Ajoutez tout ce que j’ai enseigné sur la commutation des corps terrestres en corps célestes, selon ce que dit l’Apôtre : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu. » Si l’on comprenait mes paroles en ce sens que le corps terrestre tel que nous l’avons sera changé par la résurrection en un corps céleste, de telle façon qu’il n’ait ni ses membres ni la substance de sa chair actuelle, ce serait une erreur, et il la faudrait corriger. Car nous savons que le corps de Notre-Seigneur, après sa résurrection, a été non-seulement montré aux regards avec les mêmes membres, mais s’est livré au toucher, et que lui-même confirmait la réalité de sa chair par ces paroles : « Voyez et touchez : un esprit n’a pas de chair et d’os comme vous voyez que j’en ai[2]. » D’où il suit que l’Apôtre n’a pas nié que la substance de la chair ne se retrouvât au royaume de Dieu ; il a voulu seulement, par ce nom de chair et de sang, désigner ou les hommes qui vivent selon la chair, ou bien la corruption de la chair, qui n’existera plus alors. Lorsqu’en effet il dit : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu », on comprend bien qu’il explique lui-même ce qu’il a dit en ajoutant aussitôt : « Et la corruption ne possédera pas l’incorruptibilité[3]. » Sur ce point difficile à persuader aux infidèles, on trouvera une dissertation aussi complète que j’ai pu la faire dans mon dernier livre de la Cité de Dieu. Ce livre commence ainsi : « Puisqu’il est écrit. »


CHAPITRE XVIII.

COMMENTAIRE LITTÉRAL SUR LA GENÈSE. – UN LIVRE INCOMPLET.

J’avais composé les deux livres sur la Genèse contre les Manichéens ; ayant commenté les paroles de la sainte Écriture au sens allégorique, et n’ayant pas osé alors expliquer les secrets des choses de la nature selon le sens littéral, c’est-à-dire selon la propriété historique qui doit être attribuée aux récits du livre saint, j’ai voulu essayer mes forces sur cette entreprise si difficile et si laborieuse ; mais mon inexpérience dans l’exposition des Écritures a succombé sous un si lourd fardeau. J’avais à peine achevé un premier livre que je dus renoncer à ce travail, trop considérable pour moi. En me livrant à la révision de mes écrits, ce livre me tomba sous la main, tout imparfait qu’il est. Je ne lui avais pas laissé voir le jour et j’avais résolu de l’anéantir, ayant écrit depuis douze livres de commentaire littéral sur la Genèse. Bien qu’il y ait dans ces livres beaucoup plus de questions posées que résolues, mon premier traité ne saurait leur être comparé. Toutefois après l’avoir revu, j’ai voulu le conserver comme une preuve, non sans intérêt, à ce que je crois, de mes premiers essais pour étudier et élucider les Écritures sacrées, et je lui ai donné pour titre : De la Genèse, commentaire littéral inachevé. Je l’ai trouvé dicté jusqu’à ces mots : « Le Père est seulement Père, et le Fils n’est pas autre que Fils ; aussi quand on appelle le Fils ressemblance de son Père, bien qu’on ne montre aucune dissemblance avec le Père, le Père n’est cependant pas seul, s’il a une ressemblance[4] ; » puis j’ai reproduit les paroles de la sainte Écriture que j’avais à examiner de nouveau : « Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance[5]. » J’avais laissé là le livre inachevé. J’ai pensé en le révisant, qu’il y fallait ajouter ce qui suit ; et cependant je ne l’ai pas achevé complètement, car cette addition ne le termine pas. Si je l’eusse terminé en effet, j’aurais au moins étudié les œuvres et les paroles divines qui appartiennent au sixième jour. Il m’a paru inutile de relever dans ce livre ce qui peut me déplaire et de défendre ce qui peut ne pas être bien compris. Je me borne à avertir brièvement qu’il vaut mieux lire les douze livres que, longtemps après et étant évêque, j’ai écrit sur ce sujet ; c’est d’après eux qu’il en faut juger. Il commence donc ainsi : « Il s’agit de traiter, non en manière d’affirmation, mais à titre de recherches, des secrets de ces choses naturelles que nous savons produites de Dieu, le souverain artisan. »

  1. C. X, n. 23.
  2. Luc, XXIV, 39.
  3. 1Co. 15, 50
  4. C. 16, n. 60
  5. Gen. 10, 26