Page:Érasme - Éloge de la folie, trad de Nolhac, 1964.djvu/129

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ment pas en quoi Laurent a pu s’attirer ce vieux ressentiment. J’entends applaudir Le Febvre par tout le monde. À quoi bon dire d’ailleurs que nous faisons un travail qui n’a rien de commun. Laurent s’est borné à annoter quelques passages, et cela, comme on le voit, en courant et, comme on dit, d’une main légère. Le Febvre n’a publié de commentaires qu’aux Lettres de Paul, en les traduisant à sa façon, et en signalant au passage les points controversés. Nous, nous avons traduit l’ensemble du Nouveau Testament d’après les textes grecs en mettant le grec vis-à-vis, pour qu’on puisse immédiatement comparer. Nous avons ajouté des notes à part, où nous montrons, soit par des preuves, soit par l’autorité de vieux théologiens, que nous n’avons point fait de modification à la légère, et cela pour qu’on se fie à nos corrections, et qu’on ne puisse altérer facilement ce que nous avons corrigé. Plût au ciel que nous puissions mener à bien une œuvre que nous avons poursuivie avec zèle ! Pour ce qui touche aux affaires de l’Église, je ne craindrai pas de dédier ce faible produit de mes veilles à tout évêque, à tout cardinal et même à tout Souverain Pontife, pourvu qu’il soit pareil à celui que nous avons. Enfin je ne doute pas que toi aussi tu me félicites un jour d’avoir publié ce livre, bien que tu m’en dissuades maintenant, une fois que tu auras un peu goûté d’une langue sans laquelle on ne peut pas juger de ces choses-là comme il faut.


XXXIV. — Vois, mon cher Dorpius, comme tu as, par la même démarche, acquis une double reconnaissance : celle des théologiens, au nom desquels tu as rempli avec tant de zèle ta mission ; et la mienne, en me témoignant par un avis si amical ton affection pour moi. À ton tour tu nous donneras une égale satisfaction en te rendant, si tu es sage, au conseil d’un ami comme nous qui ne veut que ton bien, plutôt qu’à celui de ces gens qui ne brûlent d’attirer dans leur faction un esprit fait comme le tien pour d’éminents travaux que pour renforcer leurs troupes par l’adjonction d’un si grand capitaine. Qu’ils prennent un meilleur parti, s’ils le peuvent ; sinon, prends toi-même le parti le plus sage. Si tu ne peux les rendre meilleurs, comme je voudrais te le voir tenter, prends garde du moins qu’ils ne te rendent moins bon. Fais en sorte de plaider ma cause auprès d’eux avec la même ardeur que tu as plaidé la leur auprès de moi.