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Delphiens avaient tué Ésope. Aussi applique-t-on le dicton Αἰσώπειον αἷμα, à ceux qui sont chargés d’opprobres et de crimes difficiles à expier : car il arriva que le dieu s’irrita contre les Delphiens qui avaient tué Ésope injustement. » Au mot Αἴσωπος, Suidas dit aussi qu’Ésope périt injustement à Delphes, précipité par les Delphiens des roches appelées Phédriades, dans la cinquante-quatrième olympiade.

Maints autres écrivains, Himérios, Libanios, etc. ont aussi parlé de la mort d’Ésope ; mais les informations qu’on peut en tirer ne sont pas plus précises que celles de Suidas ; l’on peut négliger et les unes et les autres, et s’en tenir aux trois témoignages d’Héraclide, du scholiaste et de Plutarque.


Discussion du témoignage d’Héraclide.

Le premier, celui d’Héraclide, est postérieur de deux siècles et demi à l’époque où vécut Ésope ; il est en outre d’un laconisme excessif ; à prendre le texte en lui-même, on pourrait croire qu’Héraclide accuse Ésope d’avoir dérobé la coupe d’or. Ce n’est certainement pas ce qu’il a voulu dire ; car il ne pouvait ignorer l’endroit d’Hérodote où il est question de l’expiation du meurtre d’Ésope, ni contredire la tradition universelle de l’innocence du fabuliste.


Discussion du témoignage du scholiaste.

Le scholiaste d’Aristophane complète Héraclide : il nous fait connaître la cause de la vengeance des Delphiens. Elle est, selon lui, dans les sarcasmes d’Ésope qui se moque de ces parasites d’Apollon. Mais il n’est pas, sur ce point, d’accord avec Plutarque. Plutarque reconnaît bien qu’Ésope eut des démêlés avec les Delphiens ; mais il n’en dit pas la cause ; il introduit dans l’affaire un personnage nouveau, Crésus, et il fait d’Ésope l’ambassadeur de ce monarque. C’est pour avoir renvoyé à Crésus les quatre mines qu’il devait répartir au nom du roi à chacun des Delphiens qu’Ésope excita leur colère et s’attira leur vengeance. L’explication du scholiaste a pour elle sa vraisemblance ; mais elle n’a pas d’autre support, et, comme elle supplée à un silence de plusieurs siècles, elle peut nous laisser sceptiques.