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à des fables et à des inventions. » Il y avait déjà dans l’antiquité bien des sceptiques. Pour nous, comment ne le serions-nous pas après cette revue des principaux textes qui va d’Hérodote à Plutarque, du Ve siècle avant J.-C. au Ier siècle après. Sur deux mots d’Hérodote relatifs à la mort et à l’existence d’Ésope on voit se former peu à peu une histoire cohérente et vraisemblable en ses parties essentielles. Mais cette histoire, faite ainsi d’apports successifs, ne saurait nous inspirer confiance, parce que nous n’en connaissons pas les sources, et que nous pouvons y soupçonner l’industrie de commentateurs plus soucieux d’être complets que d’être vrais.


Patrie d’Ésope.

Tous les documents que nous venons d’examiner sont relatifs à la condition et surtout à la mort d’Ésope. Que savons-nous de sa patrie et de sa vie ? C’est ce qui nous reste à rechercher. Hérodote ne parle pas du pays d’origine d’Ésope, et il ne lui connaît d’autre maître que Iadmon. Mais Héraclide de Pont (Περὶ Σαμίων, X) nous affirme qu’il était Thrace de naissance, qu’il fut affranchi par Idmon[1] le sourd, et qu’il avait d’abord été esclave de Xanthos. Le scholiaste d’Aristophane (Oiseaux, 471) nous donne les mêmes informations à peu près dans les mêmes termes : il s’est borné à copier Héraclide. Où Héraclide a-t-il appris qu’Ésope avait d’abord servi Xanthos ? Nous n’en savons rien, et nous sommes en droit de nous défier d’un renseignement qui se produit deux cents ans après la mort d’Ésope. Sur la patrie d’Ésope, il y a quelque apparence qu’Héraclide l’ignorait et que, s’il en fait un Thrace, c’est parce qu’il fut le compagnon de Rhodopis qui était de Thrace (Hérod. I, 134). Cependant un certain Eugeiton, cité par Suidas, affirme qu’Ésope était de Mésembrie, ville des Cicones, sur la côte de Thrace. Si cet Eugeiton doit être identifié avec un certain Eugéion, qu’on a conjecturé être la source d’Hérodote, son témoignage aurait du poids, et notre fabuliste pourrait être tenu pour un Thrace. Mais la tradition la plus répandue faisait d’Ésope un Phrygien. Phèdre, Dion Chrysostome, Lucien, Aulu-Gelle, Maxime de Tyr, Elien, Himérios, Stobée, Suidas (expliquant

  1. Idmon est également la forme donnée par Plutarque dans son traité de la Vengeance tardive des dieux.