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LETTRES PARISIENNES (1837).

malgré les esprits fâcheux, vous verrez bientôt les chemins de fer parcourir tout le pays.

À propos du jardin des Plantes, on parle d’une belle collection d’oiseaux dont il vient de s’enrichir. Cela nous fait songer que nous avons vu hier chez un marchand d’oiseaux cette affiche : « À vendre séparément deux inséparables. » — « Mais ils mourront, si vous les séparez. — Non, monsieur ; quand on s’y prend adroitement, reprit le marchand, ces petits oiseaux supportent très-bien l’absence : on les laisse ensemble dans la même cage tout l’hiver, et puis au printemps, on les sépare, et ils ne disent rien. » N’est-ce pas là un mot ravissant ? Des oiseaux qu’on sépare au printemps !… ô civilisation !

Nous avons entendu hier aussi une bonne parole d’un cornac de sauvage. « Entrez, messieurs ! criait-il. ; vous verrez un sauvage comme vous n’en avez jamais vu, vous l’entendrez parler ; et la preuve de son existence, c’est qu’il fait lui-même son explication ! » Vous figurez-vous cet homme de la nature expliquant lui-même au public comme quoi il est sauvage ! c’est bien aimable de sa part.

Les théâtres s’agitent, leur saison est venue ; le soir on ne se promène plus ; le matin on va aux courses, ou bien au bois de Boulogne, et le soir on va au spectacle.

Cependant l’aspect de la ville est triste ; il n’y a plus ici que ceux qu’une contrariété y retient, ou ceux qu’une fâcheuse affaire y ramène. Les passants marchent vite, et tous portent quelque paquet à la main ; chacun semble craindre de manquer la diligence ; c’est de l’activité, mais une activité finale qui annonce un très-long repos. Quand donc irons-nous à notre tour demander au Midi un peu de soleil pour nous aider à attendre que ce bon hiver vienne avec son bon feu ? Ah ! si nous pouvions inventer un moyen de supprimer l’automne !… Les oiseaux de passage savent trouver en tous lieux la saison qui les fait vivre, pourquoi les hommes ne seraient-ils pas aussi spirituels que les oiseaux ? Hélas ! c’est qu’il leur manque des ailes.