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LETTRES PARISIENNES (1838).

leure compagnie, de petites grandes dames ravissantes, de jeunes, grands seigneurs fashionables et merveilleux ; puis il y avait, parmi tout cela, une ou deux de ces importations étrangères, personnages fantastiques que l’on ne connaît point, mais que l’on reconnaît tout de suite ; fées malveillantes qui ne sont jamais invitées ; fantômes séduisants, mais terribles, dont on cherche le regard, mais de qui l’on craint le salut ; beautés célèbres dont on ignore le nom, élégantes un peu trop fières de leur parure ; apparitions inévitables enfin dans tous les bals publics, et quelquefois aussi dans les fêtes particulières.


LETTRE QUATRIÈME.

L’émigration intérieure. — Les choses nouvelles. — Discours du prince de Talleyrant.
15 mars 1838.

Raconter les joies qui depuis huit jours enivrent Paris serait chose impossible : il y a eu des fêtes pour tout le monde, des bals à tous les étages ; on a dansé à la lueur de tous les flambeaux, candélabres d’or et chandeliers de cuivre, lustres en cristal de diamants et quinquets à réflecteurs de fer-blanc ! la plus humble clarté, la plus éclatante lumière brillaient à la même heure pour un plaisir. Oh ! la fatigue sera grande après ces jours de fêtes orageuses. Un si beau carnaval doit faire la fortune des médecins…

Les bals Musard et Valentino ont toujours la vogue. Le bal Musard est déjà une vieille folie consacrée par le temps et adoptée par l’usage. Les jeunes gens de la meilleure compagnie, les héritiers de nos plus grands noms y vont dépenser l’ardente activité que l’émigration intérieure et leurs répugnances politiques leur laissent tout entière ; ils dansent, ils galopent, ils valsent avec enthousiasme, avec passion, comme ils se battraient si nous avions la guerre, comme ils aimeraient si nous avions encore de la poésie dans le cœur. Ils ne vont pas aux fêtes de la cour, fi donc ! ils y trouveraient leurs notaires et leurs banquiers ; mais ils vont chez Musard : là, du moins, ils trouvent leurs valets de chambre et leurs palefreniers ; à la bonne heure ! On peut, sans se compromettre, danser en face