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LE VICOMTE DE LAUNAY.

sinon, nous répéterons en tous lieux que la Chambre est une maison bien mal tenue.

Une chose nous a frappé pendant l’appel nominal. Tous les députés causaient entre eux et personne n’écoutait les noms, qu’il fallait répéter toujours deux ou trois fois ; excepté cependant messieurs les ministres-députés et tous les députés qui ont été ministres. Oh ! ceux-là n’étaient pas distraits. Tant qu’il ne pouvait être question d’eux, ils parlaient, ils discutaient dans les groupes ; mais sitôt que la lettre de l’alphabet qui commence leur nom était en jeu, ils quittaient leur conversation et venaient, muets et attentifs, se poser au pied de la tribune. Ils avaient la docilité de gens expérimentés qui ont étudié le pouvoir ; et, les voyant ainsi méthodistes et consciencieux, nous disions en nous-même : Il n’y a plus aujourd’hui que ceux qui ont appris à commander qui sachent obéir… On disait le contraire autrefois.

Pendant que nos hommes d’État bâtissent des gouvernements avec des phrases et de l’eau sucrée, leurs œuvres se coulent en bronze, comme si elles étaient faites pour durer toujours. Ceux qui ont accompli si étourdiment la révolution de Juillet, et qui peut-être plus étourdiment encore sont occupés à la défaire, ne savent peut-être pas que la colonne de Juillet est achevée et qu’on doit la fondre dans huit jours. Nous espérons bien assister à ce travail merveilleux, digne des forges de Vulcain. La statue de la Liberté est, dit-on, fort belle, et fait le plus grand honneur à l’artiste qui l’a exécutée, à M. Soyez. La colonne sera plus haute que celle de la place Vendôme ; elle sera de bronze massif. Gare à ceux qui voudraient la renverser. La liberté se fait solide, elle se défie de ses défenseurs.

À propos de cette statue, on nous parlait de l’éléphant de la Bastille, et l’on nous disait, pour nous donner une idée des agréables proportions de cet intéressant animal, que l’on avait pratiqué un escalier dans une de ses jambes, et que dans l’intérieur de son corps il y avait un musée. Voilà qui humilie la statue de saint Charles Borromée, dans l’estomac duquel tant de familles anglaises ont déjeuné. Mais aussi, quand un éléphant se mêle d’être colossal, on doit s’attendre à tout.

On parle aussi, quand on ne parle pas politique, de toutes