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LE VICOMTE DE LAUNAY.

vont à l’âme ; c’est d’un égoïsme déchirant. Il est impossible de n’être pas ému par cette note d’un mineur si touchant sur laquelle pose le point d’orgue de la fin : Je pen… en… en… se à… à… à… à… à… à… à moi ! toujours, toujours (pressez le mouvement), toujours, toujours, toujours, toujours, je pen… (fioritures, roulades, cadences, selon vos moyens) en… en… en… (avec abandon) se à moi !… — Nous prédisons à cette folie le plus grand succès.

La fantaisie n’a respecté que le théâtre ; là elle n’a pas osé ou du moins elle n’a pas pu pénétrer, cela se comprend. Dans les œuvres d’imagination, on avait naturellement peur d’elle, on la repoussait ; on ne l’a laissée venir en politique avec tant de confiance que parce qu’on ne l’attendait pas.

En horticulture, elle a lutté de bizarrerie avec la nature elle-même ; l’invention nouvelle est une adorable monstruosité, une anomalie des plus étranges : la violette arborescente ! Toute notre époque n’est-elle pas peinte en ce seul mot : la violette arborescente ? Quoi ! l’humble violette aussi s’est révoltée, elle aussi a reconnu que dans ce temps de présomptions favorisées et d’insolences triomphantes, la modestie était une duperie ? La violette s’est faite arbre, et ses douces fleurs, naguère cachées sous l’herbe, aujourd’hui penchent orgueilleusement leurs têtes dans les airs. On dit qu’à ce changement elle a perdu un peu de son parfum. Eh ! que lui importe ? maintenant qu’elle se montre sur une tige, qu’elle ne se fait plus chercher, elle n’a plus besoin du parfum qui la faisait découvrir. Ô temps ! ô mœurs ! la modestie n’a plus d’emblème : quelle humble fleur remplacera donc la violette désormais ? Le lis peut-être ; il mérite cette survivance, puisqu’on l’oblige à se cacher.

Nous poursuivrons ce cours de botanique sentimentale et philosophique en vous parlant des nouveaux trésors dont vient de s’enrichir l’horticulture dans le genre glembers (grimpeurs). On croyait avoir tout dit, quand on avait vanté les belles passiflores du Brésil et de Cayenne, on n’imaginait rien de plus éclatant que ces larges fleurs luisantes qui brillent de loin comme la plaque en diamants de quelque ordre étranger ; mais voilà que de tous les coins de la terre sont arrivés de