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LETTRES PARISIENNES (1838).

nouveaux trésors. L’ipomea est venu du Coromandel, ses fleurs nombreuses en corymbe sont roses à l’extérieur et rouges à l’intérieur.

Le stephanotis floribunda est venu de l’Inde. Ses fleurs, disposées en ombelles, sont d’un blanc pur ; leur parfum rappelle celui de la tubéreuse.

L’ekythès, venu de Madagascar.

Enfin le bugainvillea, enfant d’un autre monde, fier de devoir son nom à notre illustre voyageur, vient de fleurir au jardin des Plantes pour la satisfaction des horticulteurs et pour l’illusion des bêtes féroces.

On va voir aussi chez un de nos plus célèbres amateurs un cleanthus fabuleux. Cette plante, par un ingénieux essai, mise en pleine terre dans une serre, est passée à l’état sarmenteux le plus développé ; ses grappes ponceau, suspendues en guirlandes sur toutes les parois de la serre, produisent un effet admirable.

Ces beautés étrangères sont fort estimables sans doute ; mais qu’il faut de soins pour les aider à vivre ! Les charmantes frileuses regrettent le soleil natal, il faut leur refaire un climat tous les jours, et c’est fort cher un beau climat ; on n’imite pas les ardeurs du tropique sans beaucoup de frais, et encore reste-t-on toujours bien loin du modèle. Le meilleur tuyau de poêle ne vaut pas un rayon de l’astre du jour, non-seulement pour les poëtes, mais aussi pour les fleurs. Et puis, dans ces fabriques de plantes, un moment d’oubli peut tout perdre : c’est le danger des choses factices ; une heure de vérité, et tout est fini : et c’est pourquoi, nous qui aimons les sentiments durables, les amis, et même les ennemis sur lesquels nous puissions compter, nous préférons à ces superbes étrangères, dont il faut toujours s’occuper, avec lesquelles on est toujours en cérémonie, auprès desquelles il faut toujours consulter le thermomètre, qui ne permettent pas un oubli, qui se fâchent pour une distraction, belles exilées qu’il faut toujours tromper, à qui il faut toujours cacher sa froideur, les intempéries de son caractère et les défauts de son climat… nous préférons nos simples glembers d’autrefois, le naïf chèvrefeuille et le jasmin fidèle. Voilà de véritables amis, des amis dévoués qui n’at-