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LE VICOMTE DE LAUNAY.

même ne te regardent pas ; tes vieux et nobles parents, ô jeune femme ! oublient que tu es leur enfant, ils te sacrifient à leurs souvenirs ; tu as refusé l’époux qu’ils t’avaient choisi, fille rebelle ! et ils ont pris son parti contre toi ; ils appartiennent à sa cause et non plus à la tienne. Tu souffres, tant mieux ! c’est ce qu’ils veulent ; ils sèmeront le trouble dans ton ménage pour te punir de leur avoir désobéi. N’attends de ces orgueilleux parents nulle pitié ; ils ne voient plus en toi une fille chérie qu’il faut secourir, qu’il faut protéger ; ils ne voient en toi que l’épouse de l’homme qu’ils détestent ; et comme tes malheurs sont les siens, ils se réjouissent de tes malheurs ; et le jour où le sang coule de tes blessures, ils détournent les yeux avec indifférence ; ils disent : « Ce sang n’est plus le nôtre, » et ils passent. Et tu vas, périr, pauvre France, parce que tes nobles parents, dont les grands noms pendant des siècles ont fait ta gloire, ne t’aiment plus !

Ce n’est pas tout : tes jeunes frères sont venus aussi t’adresser de sévères reproches ; ils se sont ligués contre toi. Ah ! les frères sont des censeurs naturels dont l’autorité contestable est d’autant plus impérieuse. Tes frères, ô jeune France ! sont farouches et systématiquement envieux ; ce sont de véritables frères féroces ; ils blâment non-seulement ton mariage, mais encore tous les mariages ; ils sont, par principe, ennemis des engagements ; ils ont juré de briser toutes les chaînes, ils n’en tolèrent aucune, sous prétexte de liberté, ni les chaînes d’or de l’hyménée, ni les chaînes de fleurs de l’amour. Pourquoi n’as-tu pas suivi leurs conseils ? ils t’avaient tant recommandé de rester fille ! Alors tu n’aurais été dans la dépendance de personne, ou du moins tu aurais pu changer de maître souvent ! Tes frères ne te pardonnent point une alliance qui leur arrache l’empire qu’ils voulaient avoir sur toi ; ils sont jaloux de ton mari, et leur unique pensée est de le perdre. Chaque matin, ils accourent à ton lever pour te dire du mal de lui ; chaque jour, ils te répètent qu’il est avare, qu’il est perfide et qu’il te trahit toi-même pour une vieille maîtresse étrangère qu’il te préférera toujours ; et tu écoutes leurs mensonges, tu les crois et tu gémis amèrement. Ils te voient convaincue, ils s’adoucissent, et ils ajoutent avec une tendre pitié : « Ne