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LE VICOMTE DE LAUNAY.

toutes les places sont prises ; que faire, comment jouir de ce beau coup d’œil ? comment entendre ce délicieux concert ? Une douce voix nous attire, de touchants accords nous appellent, mais en vain, la porte est encombrée, l’entrée du sanctuaire nous est interdite. Triste et découragé, nous revenons sur nos pas, nous parcourons les salles d’exposition où sont étalés avec coquetterie les merveilleux ouvrages des jeunes fées. Voici de superbes fauteuils en tapisserie, qui rivalisent avec les chefs-d’œuvre de mesdames d’Hauterive ; voici des mouchoirs brodés que mademoiselle de la Touche ne renierait point ; voici un devant d’autel digne d’orner l’orgueilleuse église de la Madeleine pénitente ; voici des bourses, des pelotes, des dessins, des portraits gracieux, des paysages vaporeux. Que tout cela est joli ! mais le concert ? nous n’entendons pas le concert. Quel parfum nous enivre ? celui des tubéreuses lointaines qui nous invitent à respirer l’air pur du jardin ; nous quittons les tapisseries et les broderies, et nous allons errer sur la terrasse. Nous sommes toujours maussade, malgré les magnifiques corbeilles de fleurs que nous admirons et que viennent éclairer d’une splendeur rivale les rayons de la lune et le reflet des mille flambeaux de la fête. Ce gazon est superbe, mais on ne vient pas à un concert pour se promener sur le gazon. Tout à coup nous levons les yeux, et le plus séduisant spectacle nous éblouit et nous console généreusement. Les fenêtres de la galerie donnent sur la terrasse, et c’est assis nonchalamment sur un banc rustique, au pied d’un frêne, que nous allons entendre ce délicieux concert. Nous sommes dans l’ombre, et devant nous tout est lumière ; nous sommes seul, et devant nous une foule étouffée se gêne et se pousse ; nous voyons de pauvres femmes que la chaleur obsède agiter vivement leurs éventails inutiles, tandis qu’une brise embaumée vient jouer dans nos cheveux ; des jeunes gens, sans doute les frères de ces belles pensionnaires, montés sur des chaises, cherchent à plonger leurs regards curieux dans le cœur de l’assemblée, et nous, sans effort, sans obstacle, nous contemplons à loisir toute la jeune troupe des élèves, assise en face de nous sur des gradins. L’uniforme de ce gracieux régiment est bien joli, une robe d’organdi blanche,