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LETTRES PARISIENNES (1837).

menade à cheval, et chacun admirait son audace, son agilité ; les haies, les fossés, rien ne l’arrêtait ; enfin, il rencontre un ravin, une sorte de torrent, de rivière assez large pour lui faire faire des réflexions ; il hésite un moment ; puis, se tournant vers ses compagnons, il leur crie en riant : « Allons, messieurs, ceci est le Rhin, passons en France ! » Et il lance son cheval dans le torrent, et gagne, non sans peine, l’autre rive. Parvenu là, il s’aperçoit de son imprudence, car tous les cavaliers n’étaient pas aussi ardents que lui ; alors, avec une bonté charmante, ayant jeté les yeux autour de lui : « Que je suis fou, s’écria-t-il, il y avait là un pont ! » Et, se dirigeant vers le pont, il fait signe aux autres jeunes gens que c’est par là qu’il faut le rejoindre. Tous sont revenus, admirant la hardiesse du jeune prince, peut-être plus encore sa présence d’esprit. Il est glorieux pour soi-même de franchir les torrents à cheval, mais il est plus beau de trouver un pont pour les autres.

On lit dans un petit journal de modes, ou plutôt dans un journal de petites modes : « La comtesse de C…, accompagnée d’un grand d’Espagne, avait un turban de satin brocart, sablé d’or, mêlé de gaze bleu de ciel. Son magnifique manteau couleur groseille doublé d’hermine, et la noblesse de sa tournure, la rendirent l’objet de tous les regards, au moment où, attendant son somptueux équipage, elle stationnait sur les degrés du péristyle de l’Opéra. » On la voit d’ici, cette comtesse avec son grand d’Espagne, son turban de satin brocart, son magnifique manteau groseille, et la noblesse de sa tournure, stationnant sur les degrés du péristyle. Cette expression stationner, consacrée jusqu’à ce jour aux fiacres et aux cabriolets de louage, tout à coup appliquée à une comtesse, acquiert bien de l’élégance. La police devrait ajouter ceci à ses règlements : Dorénavant, les comtesses et les grands d’Espagne stationneront sous le péristyle gauche de l’Opéra. »

Les femmes portent cette année beaucoup de turbans de toute espèce, turban lourd en étoffe d’or, turban léger en dentelle, en gaze, en tulle ; Cimon est renommé pour les premiers. Cimon possède le turban classique, le turban maternel. Mademoiselle Beaudrant, seule, a compris le turban jeune, le turban de fantaisie. Mais ce qui nous séduit dans cette parure,