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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/240

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POÉSIES DÉTACHÉES.

porte, et, d’un bond fougueux, un tigre s’en élance. À la vue du lion, il rugit bruyamment, et, d’un jet, tord en cercle sa queue terrible, et allonge la langue, et tourne, défiant, autour du lion, et grogne avec colère ; puis il s’étend à terre auprès de lui, en murmurant.

Le roi fait encore un signe : une cage s’ouvre à deux battants et vomit deux léopards à la fois. Ils se précipitent, avec une belliqueuse ardeur, sur le tigre. Celui-ci jette sur eux ses griffes furieuses ; mais le lion rugit, se lève, et tout devient tranquille, et, alentour, se couchent en cercle, altérés de carnage, les chats redoutables.

Soudain, du bord de la galerie, une belle main laisse tomber un gant, juste entre le tigre et le lion, et, se tournant d’un air railleur vers le chevalier de Lorges : « Sire chevalier, dit damoiselle Cunégonde, si votre amour est aussi ardent que vous me le jurez à toute heure, ramassez-moi donc ce gant. »

Le chevalier s’élance, descend dans la formidable arène d’un pas assuré, et sa main hardie ramasse le gant au milieu des monstres.

Les chevaliers, les nobles dames le regardent, stupéfaits, saisis d’horreur ; et lui, calme, il rapporte le gant. Alors il entend son éloge sortir de toutes les bouches. Pour Cunégonde, elle l’accueille avec un tendre regard d’amour, qui lui promet son prochain bonheur ; mais il lui jette le gant au visage[1] : « Je ne prétends pas, madame, à vos remercîments ; » et sur l’heure il la quitte.

  1. Au lieu de ces mots : « Il lui jette le gant au visage, » on lisait dans l’Almanach des Muses : « Le chevalier, s’inclinant profondément, dit. »