Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/261

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dit : « Trois jours, je te les veux donner ; mais, sache-le bien, si ce délai s’écoule sans que tu me sois rendu, il faudra qu’il ex­pire à ta place ; mais toi, la peine te sera remise. »

Et Damon va trouver son ami : « Le roi, dit-il, ordonne que je paye de ma vie sur la croix ma criminelle tentative. Cependant il veut bien m’accorder trois jours, le temps d’unir ma sœur à son fiancé. Demeure comme gage entre les mains du roi, jusqu’à ce que je vienne faire tomber tes liens. »

Son ami fidèle l’embrasse en silence, et se livre au tyran. L’autre s’éloigne aussitôt, et avant que la troisième aurore ait lui, il s’est empressé d’unir sa sœur à son époux, et, l’âme in­quiète, il se hâte de revenir, pour ne pas manquer le terme fixé.

Mais voilà que la pluie tombe à flots, sans relâche ; les sources se précipitent du haut des monts ; les ruisseaux, les torrents se gonflent, et il arrive au bord du fleuve, son bâton de voyage à la main… mais soudain le pont croule, rompu par le tour­billon, et les vagues, avec le craquement du tonnerre, font sauter la voûte de l’arche.

Désespéré, il erre au bord de la rive : aussi loin que ses yeux s’étendent et cherchent, aussi loin qu’il lance l’appel de sa voix, pas une nacelle ne se détache du sûr rivage, pour le porter aux lieux désirés, pas un batelier ne manœuvre sa barque, et le torrent fougueux devient une mer.

Alors il tombe au bord du fleuve, il pleure, il prie, levant les mains vers Jupiter : « Oh ! arrête la violence du torrent ! les heures fuient ; le soleil est au milieu de sa course, et s’il se couche sans que je puisse atteindre la ville, il faut que mon ami expire. »

Mais la fureur du torrent s’accroit et se renouvelle, les vagues poussent les vagues, et une heure après l’autre s’écoule. Soudain