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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/274

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244 POESIES DÉTACHÉES.

moi le mélange ; voyez si le métal cassant s’unit au plus ductile, de manière à présager le succès.

Car où s’allie le fort et le tendre, la fermeté et la douceur, là naît la bonne harmonie. Que celui-là donc qui s’enchaîne pour toujours s’assure que les cœurs sont d’accord ! L’illusion est courte, et long le repentir. La couronne virginale se joue avec grâce dans les boucles des fiancées, quand les cloches sonores de l’église appellent à la fête brillante. Ah ! la plus belle solennité de la vie met fin aussi au printemps de la vie. Avec la ceinture, avec le voile, se déchire la belle illusion. La passion fuit, l’amour doit rester ; la fleur se fâne, mais le fruit doit mûrir. Il faut que l’homme s’élance au dehors dans les luttes de la vie, qu’il travaille et s’efforce, qu’il plante et crée ; qu’il gagne par la ruse, par la force ; qu’il tente le sort et hasarde pour conquérir la fortune. Alors affluent les dons infinis : son grenier s’emplit de biens précieux, les espaces s’étendent, la maison s’élargit. Et au dedans règne la chaste ménagère, la mère des enfants : elle gouverne sagement dans le cercle domestique, elle instruit les filles, modère les garçons, occupe sans cesse ses mains diligentes, et multiplie le gain par l’esprit d’ordre. Elle emplit de trésors ses coffres odorants, tourne le fil autour du fuseau qui bourdonne, amasse dans son armoire propre et polie la laine éblouissante, le lin blanc comme la neige, joint à l’utile l’élégance et l’éclat, et jamais ne se repose.

Et le père, du sommet de sa maison, d’où la vue s’étend au loin, embrasse d’un regard joyeux sa fortune florissante. Il voit se dresser la charpente de ses vastes bâtiments ; il voit ses granges qui regorgent, ses greniers qui ploient sous l’abondante moisson, les vagues ondoyantes de ses blés ; et il se vante avec orgueil : « solide comme les fondements de la terre, la splendeur de ma maison défie le pouvoir du malheur ! » Mais avec les puissances du destin on ne peut conclure nul pacte éternel, et l’adversité s’avance d’un pas rapide.

Bien ! L’on peut à présent commencer à couler ; la cassure est dentelée à souhait. Mais, avant de livrer passage au métal,