Aller au contenu

Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

246 POÉSIES DÉTACHÉES.

lui reste : il compte les têtes qui lui sont chères ; ô bonheur ! pas une ne manque à son amour.

Voilà le métal au sein de la terre, et la forme heureusement remplie ! Reviendra-t-il brillant au jour, pour payer nos efforts et notre art ?... Mais quoi ? Si la fonte n’avait pas réussi ? Si le moule avait éclaté, ? Ah ! tandis que nous espérons, peut-être le malheur nous a-t-il déjà frappés.

Au sein ténébreux de la terre sacrée nous confions l’œuvre de nos mains. Le laboureur lui confie sa semence, et il espère qu’elle germera, qu’elle viendra à bien, au gré du ciel. Plus précieuse encore est la semence que nous cachons, éplorés, dans le sein de la terre, espérant que du fond des cercueils elle fleurira pour renaître à une vie plus belle.

Du haut de la cathédrale, en sons lourds et inquiets, la cloche fait retentir son chant sépulcral : ses coups graves et tristes accompagnent un pèlerin dans son dernier voyage.

Ah ! c’est l’épouse, l’épouse chérie ; ah ! c’est la mère dévouée, que le noir prince des ombres arrache aux bras de son époux, à la troupe des tendres enfants qu’elle lui donna à la fleur de l’âge, et qu’avec une maternelle joie elle voyait croître sur son sein fidèle.... Ah ! les doux liens de la famille sont rompus à jamais ; car elle demeure dans le pays des ombres, celle qui fut la mère de la famille ; car sa direction dévouée a cessé, sa sollicitude ne veille plus ; au foyer orphelin désormais régnera l’étrangère sans amour !

Tandis que la cloche refroidit, reposez-vous du rude travail. Comme l’oiseau se joue dans le feuillage, que chacun prenne du bon temps. Au signal que donne la lueur des étoiles, le compagnon, libre de tout soin, entend sonner la cloche du soir ; mais il faut que le maître toujours se tourmente.

Au loin, dans la forêt sauvage, le voyageur hâte gaiement le pas, pour regagner sa chaumière chérie. Les brebis retournent, bêlantes, au bercail, et les troupeaux luisants des bœufs au