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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/277

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LE CHANT DE LA CLOCHE. 247

large front reviennent en mugissant remplir l’étable accoutumée. Le chariot, chargé de grain, entre lourdement, en vacillant. La guirlande diaprée repose sur les gerbes, et le jeune peuple des moissonneurs vole à la danse. Sur la place, dans la rue, le silence s’étend : les habitants de la maison s’assoient autour de la lampe qui les réunit, et la porte de la ville se ferme en grinçant sur ses gonds. La terre se couvre de ténèbres, mais le citoyen en sûreté n’est pas effrayé par la nuit qui réveille le méchant, en proie à l’horreur : car l’œil de la loi veille.

Ordre saint, fils bienfaisant du ciel, qui, par une libre union, facile et heureuse, lies entre eux les égaux, c’est toi qui jetas les fondements des villes et qui, des champs, y appelas le sauvage insociable, toi qui entras dans les huttes des hommes, les habituas à de douces mœurs, et tressas le plus cher de tous les liens, l’amour de la patrie !

Mille mains diligentes se remuent et s’entr’aident dans un joyeux accord, et, dans cette ardente agitation, toutes les forces se manifestent. Maître et compagnons, tous s’évertuent sous la protection sainte de la liberté. Chacun est content de la place qu’il occupe, et se rit de qui le méprise. Le travail est l’ornement du citoyen, l’abondance est le prix de sa peine. Si le roi s’honore de sa dignité, notre honneur à nous, c’est le travail de nos mains.

Charmante paix, douce concorde, planez, planez, bienveillantes, sur cette cité ! Puisse-t-il ne paraître jamais, le jour où les hordes barbares de la guerre inonderaient cette vallée paisible , où le ciel, que colore gracieusement la douce pourpre du soir, renverrait les lueurs terribles des hameaux et des villes en proie à l’incendie !

Maintenant brisez-moi le moule ! il a rempli son office. Que le cœur et l’œil se repaissent du succès de notre œuvre. Brandissez, brandissez le marteau, jusqu’à ce que la chape éclate ! Pour que la cloche ressuscite, il faut que le moule soit mis en pièces.

Le maître peut briser le moule d’une main prudente, au mo-