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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/278

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248 POÉSIES DÉTACHÉES.

-ment opportun ; mais malheur si le métal brûlant s’échappe lui-même en ruisseaux de flammes ! Dans son aveugle rage, avec le bruit du tonnerre, il fait éclater et sauter la maison, et, comme d’une gueule béante de l’enfer, vomit la ruine et l’incendie. Partout où régnent, inintelligentes, les forces brutes, nulle œuvre régulière ne se peut former. Lorsque les peuples s’affranchissent eux-mêmes, la prospérité ne peut fleurir.

Malheur lorsqu’au sein des villes le foyer d’incendie s’est sourdement amassé, et que le peuple, brisant sa chaîne, cherche, terrible, son secours en lui-même ! L’émeute alors tire convulsivement les cordes de la cloche, si bien qu’elle éclate en hurlements, et, consacrée aux seuls accents de paix, donne le signal de la violence.

Liberté, égalité ! voilà les cris qu’on entend retentir. Le paisible bourgeois saisit les armes ; les rues, les portiques se remplissent, et des bandes d’égorgeurs circulent. Alors les femmes deviennent des hyènes et se font un jeu de l’horreur ; de leurs dents de panthères, elles déchirent le cœur palpitant d’un ennemi. Plus rien de sacré ; tous les liens de la sainte pudeur se rompent. Le bon cède la place au méchant, et tous les vices régnent en liberté. Il est dangereux d’éveiller le lion, la dent du tigre est meurtrière ; mais la plus terrible des terreurs, c’est l’homme dans son délire. Malheur à ceux qui prêtent à cet éternel aveugle le céleste flambeau de la lumière ! Elle ne brille pas pour l’éclairer ; elle ne peut que brûler et réduire en cendres les villes et les contrées.

Dieu m’a comblé de joie ! Voyez ! tel qu’une étoile d’or, le noyau de métal se dégage, resplendissant et uni, de son enveloppe. Du sommet au bord, il reluit comme l’éclat du soleil. Jusqu’aux écussons si nets des armoiries, tout proclame l’habileté de l’artiste.

Entrez, entrez tous, compagnons ! formez le cercle ; consacrons la cloche en la baptisant. Que son nom soit « Concorde ! » Qu’elle rassemble dans un parfait accord, une intime alliance, la commune unie de cœur.

Et qu’à l’avenir ce soit là sa mission, pour laquelle le maître