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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/454

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sommets de plus en plus sublimes. Déjà l’on voit les créations naître des créations, des harmonies une harmonie nouvelle. Ce qui ravit isolément ici l’œil enivré, est humblement soumis ailleurs à une beauté plus haute ; le charme qui pare cette nymphe se fond doucement dans une divine Minerve ; la force qui se gonfle dans les muscles de l’athlète, cesse de parler aux yeux, tempérée avec grâce, dans la beauté du dieu ; la merveille de son temps, la fière image de Jupiter, s’incline, abaissant sa grandeur, dans l’ensemble majestueux du temple d’Olympie.

Le monde transformé par le travail diligent, le cœur de l’homme agité par de nouveaux instincts, qui s’exercent dans des luttes ardentes, étendent le cercle de vos créations. Montant de progrès en progrès, l’homme reconnaissant emporte avec lui l’art sur ses ailes qui s’élèvent, et de nouveaux mondes de beautés s’élancent à ses yeux de la nature enrichie. Les barrières de la science s’ouvrent ; l’esprit exercé, dans vos faciles triomphes, à embrasser, avec un goût promptement mûri, un ensemble de beautés créé par l’art, recule les bornes de la nature et l’atteint dans sa course mystérieuse. Alors il la pèse avec des poids humains, il la mesure avec les mesures qu’elle lui a prêtées ; il la force à passer devant ses yeux, devenue plus intelligible par sa soumission aux lois de la beauté telle qu’il la conçoit. Dans sa joie complaisante et juvénile, il prête aux sphères son harmonie, et loue-t-il l’architecture du monde, c’est par la symétrie qu’elle brille à ses yeux.

Désormais, dans tout ce qui vit autour de lui, le charme des proportions parle à ses yeux. La ceinture d’or de la beauté doucement s’insinue dans le tissu même de sa vie ; la perfection bienheureuse plane devant lui, triomphante, éclatant dans vos chefs-d’œuvre. Là où court la joie bruyante, où se réfugie le chagrin muet, où la pensée s’arrête et contemple, où il voit les larmes de la misère, où mille terreurs l’assiègent, partout le suit un courant d’harmonie, partout il voit se jouer les gracieuses déesses, et par ses sentiments, qui peu à peu deviennent plus délicats, il s’efforce de se mettre d’accord avec son aimable