Il prolongeait cette joie de la poursuite que tous les chasseurs connaissent bien. Oui, il se sentait le maître de la minute. Il jouissait, comme le chasseur à l’affût, de voir la bête guettée vivre comme si elle eût été seule dans le naturel de ses mouvements libres… Et il attendait encore. Peut-être espérait-il aussi entendre à la fin une des paroles qu’elle prononçait parfois à voix haute, au pied des oratoires…
Elle était prosternée en ce moment même devant l’un des saints piliers. Maurin s’approcha le plus qu’il lui fut possible.
Tonia était à genoux, la tête sur ses bras, les bras contre terre, et elle priait. Il put arriver en silence presque à ses côtés, à trois pas d’elle, à l’abri du pilier devant lequel, absorbée dans sa prière, elle s’écrasait à genoux.
Hercule, le griffon, obéissant à un signe de son maître s’était couché là-bas sous les bruyères.
Maurin dévorait des yeux la nuque ronde et solide où dansaient les cheveux fous, tout tortillés comme des vrilles de vigne sauvage. Il regardait ces fermes jambes nues où la jeunesse éclatait comme au tronc lisse des jeunes platanes. Il voyait, aux chevilles de la belle fille, perler des gouttes d’eau sur une égratignure. Du sang d’églantine sous de la rosée !
Enfin, elle se releva, avec ces mots à voix haute dits en provençal :
— Bouan Dioû, bouano mèro ! que l’oòublidi, aqueòu Maourin ! (Bon Dieu, bonne mère, faites que je l’oublie, ce Maurin !)
Alors il ne vit plus rien, la force de la vie le commanda… il bondit sur elle et ses deux larges mains sai-