Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/249

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délire. Je suis perdue, je le sens, rien ne me retiendra sur le bord de l’abîme dans lequel je suis prête à tomber.

— Ne parle pas ainsi, Elmina, je t’en conjure, reprends courage au contraire.

— Courage, dit-elle avec amertume ! à quoi bon tenter une lutte impossible ? hélas ! mon sort est irrévocablement fixé.

— Qui sait, mon Dieu, il peut surgir tel événement.

— N’essaie pas, ma chérie, reprit-elle en hochant la tête, de me donner un espoir que tu n’as pas toi-même.

— Voyons, sois forte, mon Elmina chérie, sois brave, oublie s’il se peut, oublie pour quelque instant ta douleur, ou plutôt essaie de lui donner le change ; causons cœur à cœur, révèle-moi ce secret dont le fardeau te pèse, et que jusqu’à présent tu t’es obstinée à porter seule.

Doña Elmina sembla réfléchir un instant, un sourire pâle plissa les commissures de ses lèvres ; puis elle reprit avec un ton de tristesse et de résignation inexprimable :

— Au fait, ma chère Lilia, pourquoi garderai-je plus longtemps le silence avec toi, ma seule amie ? Cette confidence que tu réclames de mon amitié, en deux mots je puis te la faire : j’aime ; celui que j’aime ignore mon amour ; il est loin, bien loin d’ici ; jamais je ne le reverrai, il me connaît à peine, et quand