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minée par le haut piton du morne de Curidas.

Le désert commençait à s’éveiller et tous ses hôtes mystérieux saluaient à leur manière le retour du jour.

Les horribles pipas, crapauds à voix de bœuf, mugissaient au bord de quelque marais ignoré, au-dessus duquel tournoyaient en bourdonnant des myriades de mapires et de moustiques ; le campanero ou oiseau-cloche lançait à intervalles égaux sa note vibrante et monotone, les singes piaillaient à qui mieux mieux, les pecaris et les conocushi grognaient sourdement dans les broussailles épineuses, et de grands gypaètes à l’envergure énorme formaient d’immenses cercles dans l’air en poussant des cris rauques et saccadés, auxquels se mêlaient les miaulements stridents des chats sauvages et les chants joyeux des milliers d’oiseaux de toutes espèces et de toutes couleurs frileusement blottis sous la feuillée.

Les voyageurs marchaient bon pas, autant pour s’échauffer, car les matinées sont froides à Saint-Domingue, que pour réparer le temps perdu dans les préparatifs de l’expédition maintenant commencée.

Depuis la sortie de la ville, aucune parole n’avait été prononcée.

Les flibustiers fumaient leurs courtes pipes ; quant aux Espagnols, ils réfléchissaient sans doute a l’événement heureux et inespéré qui les faisait