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mémoires d’un communard

vraiment nombreux, les amateurs de chamarrures.

À ce moment, une énergie nouvelle s’empare de la Commune et d’importantes mesures sont prises. On décrète la mobilisation des citoyens de 18 à 40 ans, on crée de nouveaux corps, on concentre l’artillerie, on nomme de nouveaux commandants dans différents forts et à la tête de la petite flottille qui fait rage au Point-du-Jour.

Malheureusement, l’enthousiasme était disparu, et c’est par milliers qu’on doit compter les réfractaires.

A la délégation, où Rossel se trouve à côté de Cluseret comme chef d’état-major, l’esprit militaire ne tarde pas à dominer et, là comme ailleurs, on ne saura rallumer la flamme révolutionnaire à demi-éteinte, faire naître dans la garde nationale, qu’on ne comprend pas, et dont, au fond, on se méfie, tout l’élan qu’un chef vraiment audacieux et populaire eût, seul, pu inspirer.

Ces soldats ne veulent et ne peuvent connaître que des soldats. La guerre révolutionnaire leur répugne ; ce sont des réguliers et, ns pouvant avoir de vrais régiments, ils vont, sous le masque de corps francs, essayer de militariser une partie de la garde nationale, la fraction la plus jeune, la plus facilement entraînable.

C’est le dualisme qui renaît, comme sous le premier siège, mais avec cette aggravation qu’en créant les corps francs on a enlevé aux bataillons une grande partie de leurs meilleurs éléments, ceux qui les rendaient plus propres au combat.

Le départ des jeunes gens dans les corps francs, l’intrusion des hommes appelés par le nouveau décret, dont la plupart sont plutôt disposés à trahir ou à lâcher pied qu’à combattre pour la Commune, vont noyer les quelques énergies qui demeurent au sein de la garde nationale et achever de désorganiser la défense de Paris. Cela est si vrai que l’inquiétude, les récriminations se font jour jusque dans l’Assemblée communale.

On donne l’ordre d’arrêter Cluseret, non comme désorganisateur de la résistance — l’incompétence des membres de la Commune dépassait celle des chefs — mais sous le fallacieux prétexte qu’il avait participé à la répression de juin 1848 et commis divers autres faits et gestes peu recommandables. Toutes histoires anciennes et connues.