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mémoires d’un communard

Ory, où les officiers sont à peu près introuvables.

Mon frère m’écoutait, avec un étonnement qui allait en augmentant à mesure que je parlais.

— Les officiers sont introuvables ?…

— Certainement, lui dis-je ; voilà des heures que je suis ici, et le seul officier que j’aie entrevu a disparu plus rapidement encore qu’il n’était venu à la tranchée. Je cours au ministère de la Guerre, car je crains qu’il ne se passe ici des choses regrettables pouvant mettre en péril la défense de Paris.

Et je mis mon frère au courant des divers incidents de l’après-midi.

— Ah, c’est trop fort ! s’écria-t-il, comment ! c’est ainsi que tu as été reçu ?

Puis il m’expliqua que, dès dix heures du matin, le commandant Rouget l’avait envoyé à Gentilly, au quartier-général du citoyen Wroblesky, commandant en chef la rive gauche, pour lui demander du renfort, avec l’ordre d’attendre le général, si celui-ci était absent. Il l’était, en effet, et Wroblesky n’était rentré que vers quatre heures et demie. Le général, à son grand regret, lui avait répondu qu’il lui était matériellement impossible de donner satisfaction au commandant du 118e bataillon, et mon frère était revenu vers la Grange-Ory, non sans avoir été arrêté, à diverses reprises, par les hommes du 101e, campés à Cachan, et qui paraissaient se complaire à le retenir.

Ce récit terminé, mon frère ajouta :

— Viens, nous allons voir mon capitaine et le commandant Rouget.

J’insistai pour retourner à Paris, sachant que je perdrais mon temps dans un pareil milieu, où la trahison me paraissait résider. Mais mon frère me pria de demeurer.

— Toute réflexion faite, ajoutai-je, je crois, en effet, qu’il est préférable que je reste, car tout me dit que la nuit ne s’écoulera pas sans quelque surprise ; je crains même qu’il n’arrive des choses beaucoup plus graves.

— Espérons que tes craintes sont exagérées, me dit mon frère.

Puis nous pénétrâmes dans le vaste corps de logis, durant que les hommes du poste nous suivaient des yeux.