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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/123

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mémoires d’un communard

portée morale, en détruisant l’idée de sinistre répulsion qui s’attachait à ce champ de repos, en y enterrant les nobles victimes du vil gredin qui commandait le 114e de marche, et auquel ce dernier haut-fait, le lâche assassinat de la Grange-Ory, valut le cinquième galon d’or.

Entouré des compagnes, des enfants, des parents, d’une foule énorme plongée dans la désolation, je prononçai quelques paroles d’adieu ; les larmes étouffaient ma voix, car je revoyais, par la pensée, ces jeunes hommes, généreux et insouciants, souriant à la vie, rêvant de justice et de solidarité entre les humains, tendant une main fraternelle à leurs assassins, stylés par l’infâme lieutenant-colonel Boulanger, et je terminai par un cri de vengeance. Ce cri eut un écho formidable.

C’est ainsi que les méfaits des fauves à face humaine ramènent à la férocité ancestrale les êtres les plus sensibles. Oh ! qu’ils soient à jamais maudits les gens de carnage et de proie : guerriers, prêtres et exploiteurs qui font s’attarder l’humanité dans les jungles où, seuls, les tigres devraient rôder.

Mais, quels que soient nos sentiments altruistes, il nous faut demeurer dans la réalité et voir les choses et les hommes tels qu’ils sont, et ne pas permettre qu’en exploitant par la ruse et la force les sentiments les plus nobles, les pensées les plus généreuses, les foules laborieuses demeurent les victimes éternelles des parasites et des sanguinaires.

C’est la raison d’être de ces modestes pages et des leçons d’expérience que la classe ouvrière, aussi les pionniers de son émancipation, y voudront puiser.

CHAPITRE XIV
où je revois millière. — fausse alerte. — entrée des versaillais. — préparatifs de combat. — raoult rigault à ma mairie.

Les événements se précipitaient, mais si les approches de l’ennemi faisaient prévoir le dénouement fatal, les