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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/125

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mémoires d’un communard

« Vous êtes perdus ! » doit signifier pour l’histoire, qui se refuse à ratifier les légendes, que Millière demeura étranger au mouvement insurrectionnel, et que sa mise à mort par le misérable Garcin fut un crime d’autant plus abominable que rien ne pouvait le motiver ; seules, l’abjecte bassesse de Jules Favre, le faussaire, et la crapuleuse ignominie de Garcin, reître a tout faire, peuvent l’expliquer.

« Vive l’Humanité ! » Tel fut le dernier cri de Millière, en réponse aux grossières et lâches apostrophes de son assassin, et le représentant du peuple tomba, foudroyé par vingt-cinq coups de fusil, sur les marches du temple consacré à la mémoire des grands citoyens.

Aussi, quelques réserves qu’on puisse faire sur son attitude à l’égard de la Commune, il n’est pas un homme de cœur, un combattant de la justice sociale qui ne salue avec respect la noble figure de Millière et ne fasse le vœu de mourir avec cette admirable grandeur d’âme.[1]

Après que nous eûmes quitté Millière, et afin de nous assurer de l’exactitude de l’information qu’il nous avait communiquée et qui corroborait avec les bruits parvenus jusqu’à nous, nous poussâmes jusqu’au ministère de la Guerre. On nous rassura en disant qu’en effet les Versaillais avaient dessiné un mouvement en avant, mais qu’ils avaient été repoussés.

Simples contes à dormir debout, et qui prouvent que jamais délégué à la guerre ne fut moins informé que l’infortuné Delescluze sur la position véritable des forces en présence et les desseins de l’adversaire, parvenu à trois cents mètres des remparts et en communication avec ses agents de l’intérieur.

Le Point du-Jour était dégarni de défenseurs, et Roselli-Molet, chargé des travaux qui devaient le protéger, se trouvait entouré de traîtres : ni les tranchées ne furent faites, ni la poudrière de Beethowen ne fut garantie. Ducatel, au moment psychologique, se chargera de donner le signal de l’envahissement de la cité révolutionnaire qui, pour avoir voulu sauver la forme républicaine,

  1. En avril 1887, vers dix heures du soir, en la rue des Consuls, à Alger, je revis son assassin, alors colonel d’état-major : Garcin pris la fuite. Ce misérable n’aime pas à se trouver face à face avec un homme résolu.