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des barricades au bagne

devait voir se déchaîner contre elle des fureurs que l’on eût pu croire réservées aux seuls carnassiers.

Cependant, l’assaut annoncé par le citoyen Millière pour la nuit du samedi 20 au dimanche 21 mai, n’eut pas lieu : c’était une fausse alerte, précédant de quelques heures l’entrée des Versaillais dans Paris.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le dimanche 21 mai, à neuf heures du soir, un cheval venait s’abattre à l’entrée de la mairie du cinquième, et le cavalier qui le montait sautait lestement à terre : la pauvre et vaillante bête était blessée mortellement.

— Le citoyen Allemane ? demanda le cavalier,

— Au premier, lui répondit-on…

Il gravit rapidement les degrés, arriva d’un trait jusqu’à mon bureau et, m’apercevant, me cria :

— Les Versaillais sont dans Paris ![1]

Je le priai de me donner des détails. Il venait de quitter le colonel Lisbonne à la porte de Vaugirard et avait essuyé le feu de l’ennemi. Son cheval, achevant d’agoniser, témoignait de la véracité de son récit.

Il fallait donc aviser au plus tôt, rassembler les forces disponibles et se porter au-devant des envahisseurs. J’envoyai l’ordre au commandant du 59e de faire prendre les armes à son bataillon et de se diriger vers la porte de Vaugirard, en prenant toutes les précautions que la situation comportait.

Le citoyen Féray se mit à la tête de ses hommes et partit dans la direction indiquée. Durant ce temps, je donnais au commandant du 119e l’ordre de réunir son bataillon, qui, contrairement au 59e, n’était pas caserné et dont le rassemblement devait demander un certain temps. Ce bataillon devait se tenir à ma disposition et se rendre place du Panthéon.

Ces divers ordres transmis et le Comité de légion convoqué, je me dirigeai, en compagnie de trois membres de la légion et de deux officiers, vers le point où l’on avait signalé l’ennemi. Nous passâmes à la mairie du sixième arrondissement, où semblait régner la plus

  1. C’est vers trois heures de l’après-midi que Ducatel avait fait signe au capitaine de frégate qui, à la tête d’une compagnie de débarquement, Retrouvait au Point du-Jour, et à neuf heures du soir nous ignorions encore l’entrée des Versaillais.