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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/149

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mémoires d’un communard

et fait se ressaisir les gardes nationaux, déjà démoralisés.

Les agents de la réaction s’enferment dans le débit qui se trouve à l’angle de la rue de l’Ecole-Polytechnique ; je fais ouvrir cette boutique et sortir les gens qui s’y sont entassés. Quelques-uns, plus audacieux, tentent de résister, mais un peu de vigueur suffit pour les maîtriser. Parmi ces derniers, il en est un qui parvient à s’enfuir et à entrer dans le lavoir de la rue Saint-Etienne-du-Mont, pendant que des fenêtres les femmes nous injurient et que certains individus, à moitié cachés, se mêlent au concert d’imprécations.

Tout ce monde dépend de l’Ecole, en vit plus ou moins honorablement, et enrage de la voir sans élèves. Nos insulteurs avant la lettre sont du parti des « honnêtes gens » et le feront bien voir en dénonçant les fédérés, en applaudissant au massacre des vaincus.

Je fis taire leurs clameurs en dirigeant le bout de quelques fusils vers les fenêtres, qui se refermèrent avec une précipitation que nous soulignâmes par nos rires. Ceci fait, je priai les démolisseurs de barricades d’apprendre également à les construire : ce qu’ils firent avec une bonne grâce qui témoignait de l’excellence de leurs sentiments à notre égard. Je crus devoir admonester les gardes nationaux pour leur pusillanimité et les engager à se mieux défendre, s’ils tenaient à ne pas devenir les victimes des « braves gens » qui tentaient de leur faire déserter leur poste de combat pour pouvoir les faire plus facilement fusiller par leurs amis les Versaillais.

Ayant appris le départ de Régère et de son fils, j’allais pénétrer dans l’Ecole Polytechnique, où étaient cantonnés quelques hommes du 248e, bataillon commandé par Régère fils, quand on vint m’avertir qu’une attaque furieuse était dirigée contre la barricade de la rue du Pot-de-Fer. Je m’y rendis sans tarder.

Ah ! l’enragée bataille ! Des femmes, telles des lionnes, font assaut d’héroïsme avec les artilleurs et les gardes nationaux ; elles entendent même se placer au premier rang. Elles combattent et soignent les blessés ; les morts sont aussi enlevés par elles, comme les munitions apportées au pied de la barricade. Oh ! les superbes créatures, et comme leur exemple réconforte, exalte les courages !