Aller au contenu

Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
mémoires d’un communard

lettre, m’horripüait et je cherchais par quel moyen je pourrais prendre contact avec le dehors.

Berthier n’était plus « service-intérieur ». Guérino évitait, étant donnée la quasi-impossibilité de pouvoir m’approcher, de passer dans la ruelle à l’heure de notre promenade, car, depuis l’affaire de l’aumônier, la consigne était devenue d’une sévérité excessive. Mais que ne tente-t-on pas pour qu’un écho, si faible soit-il, aille crier au dehors la protestation contre d’injustes souffrances.

Comme les autres forçats, nous avions obtenu de pouvoir confectionner de menus objets : boucles d’oreilles, bagues, broches, ronds de serviettes, etc., etc. ; nous demandâmes l’autorisation, avant notre départ pour l’ile Nou, de les faire parvenir à nos parents, à titre de « souvenirs ». Le commissaire voulut bien nous octroyer cette permission.

Ladite autorisation obtenue, il ne s’agissait plus que de fabriquer de petites boites en carton et d’y glisser — outre les « échantillons de nos travaux artistiques » — la relation du régime affreux dont nous souffrions.

C’est au citoyen Baroteau, ex-ouvrier fondeur-typographe, que fut confiée la fabrication de la boîte à double fond. Il se montra un cartonnier hors pair, l’artisan émérite qui, en la circonstance, sut se jouer de la minutieuse inspection de MM. les adjudants du bagne.

Une douzaine de boîtes, absolument semblables, furent, par lui, confectionnées ; puis, tout étant prêt, quatre premières boîtes sont tout d’abord remises à l’adjudant Monnin pour qu’il les visite et les expédie.

Cette première expédition faite, nous attendîmes que le Monnin cédât le service à un de ses collègues moins haineux, et surtout moins soupçonneux. Le moment venu, nous remîmes les huit autres boites, parmi lesquelles se trouvait celle habilement truquée.

Le sergent Michel était de garde ; il fit subir une première inspection à nos envois et les remit ensuite à l’adjudant de service, qui les examina à son tour et les expédia. Le tout parvint sans encombre aux destinataires.

Lorsque Monnin reprit son service, il s’inquiéta de