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mémoires d’un communard

pendant que Sarron et trois autres surveillants, revolver ou sabre au poing, entourent Leclerc et le maîtrisent.

Sauf les surveillants et les contremaîtres — alors sortis des cases et accourus au secours du sieur Rohas — les trois cents condamnés que comptait le camp de Montravel étaient, demeurés les spectateurs muets de ce drame, qui se devait terminer par l’exécution capitale de Leclerc, mais dont toute la responsabilité incombait au sous-chef de camp, qui, à peu près certain de soulever des incidents en exaspérant les condamnés, comptait en profiter pour miner l’autorité du chef Argentier, qu’il savait absent sans l’autorisation de la Direction pénitentiaire.

Et, comme presque toujours en pareil cas, c’était un autre qui avait failli devenir la victime de sa canaillerie, car la vie du surveillant Robas n’avait été préservée que grâce à l’oubli commis par Leclerc. En tout cas, un homme paiera de sa tête la folle tentative de meurtre provoquée par sa gredinerie.

Qu’était ce Leclerc, que le conseil de guerre de Nouméa allait sûrement condamner à mort, puisque les conseils de guerre n’ont d’autre fonction que celle d’être impitoyables aux « petits » et cléments, jusqu’au scandale, aux « gros », ainsi qu’en son langage imagé, mais vrai, s’exprime le populaire.

Fils d’une honorable famille du onzième arrondissement de Paris, Leclerc, trop gâté par ses parents — hélas ! pourquoi la gâterie aboutit-elle aux mêmes conséquences déplorables que la brutalité ou l’abandon ? — avait rencontré sur son chemin quelques-uns de ces produits de notre fausse civilisation : jeunes hommes sans ressources, paresseux comme des fils de famille, et devant, puisque pas riches, demander à la prostitution ou au vol ce que les autres trouvent chez leurs parents, assez fortunés pour solder leurs débauches et les garder du crime et de la cour d’assises.

Compromis, à dix-sept ans, dans une affaire criminelle, on le condamna, je crois, a dix ans de travaux forcés. Le chagrin qu’ils en ressentirent mina et tua son père et sa mère, dont il était le fils unique.

Au lieu de s’en prendre à lui de ce nouveau et irréparable malheur, Leclerc en voulut à tout et à fous. Très