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mémoires d’un communard

Là, on lit halte : on désirait prier M. Vacherot de venir nous adresser quelques paroles « amicales et émues », qui n’eussent ressemblé que de fort loin à celles qu’il venait de prononcer en l’honneur de la réaction.

À notre grand regret, le maire fut introuvable, et nous dûmes poursuivre notre marche.

Nous descendîmes la rue Soufflot, le boulevard Saint-Michel et prîmes la rue des Ecoles. Notre petit groupe s’était considérablement augmenté ; de partout accouraient des gardes nationaux. Nous parvînmes ainsi au square Monge, dans lequel nous fîmes entrer notre pièce.

Du haut du grand mur qui domine le square, le général et ses officiers nous regardaient ébahis, n’en pouvant croire leurs yeux.

Nous organisons, à la hâte, la défense du square. Le drapeau rouge flotte au-dessus de la pièce, autour de laquelle on tient conseil et où l’on décide qu’une délégation sera envoyée à la place des Vosges pour demander au commandant de vouloir bien recevoir le canon du 59e.

Je fais partie de cette délégation.

La garde de la pièce et du square est confiée au lieutenant de la 4e compagnie, le citoyen Beaufils, aussi résolu que dévoué.

Arrivés à la place des Vosges, le commandant du parc d’artillerie nous reçut avec une cordialité d’autant plus grande qu’il était loin de s’attendre à une pareille démarche.

— Ramenez votre « Alsace-Lorraine », — c’était le nom de la pièce — elle sera la bienvenue, et dites à vos amis que je les félicite de leur bravoure et de leur civisme.

Nous lui serrâmes la main en le remerciant au nom de tous, et nous nous hâtâmes de revenir au square Monge, un peu hantés par la crainte que la réaction n’eût tenté de nous enlever notre canon et y fût parvenue, ce qui nous eût littéralement désolés et couverts de ridicule.

Notre arrivée au square fut saluée par de joyeuses acclamations, et nous fûmes heureux de voir combien le