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mémoires d’un communard

Calot, qui, a l’aide d’une ceinture en cuir, passée autour du cou d’un autre condamné, le tenait suspendu sur son dos, à la façon dite du « père François ».

La ceinture, faute de la souplesse nécessaire, serrait Lien le cou du patient, mais pas assez, cependant, pour l’étrangler ou lui faire perdre connaissance et il en profitait pour crier autant que faire se pouvait. Quant au complice, chargé de fouiller les poches du suspendu, il s’était enfui dès qu’il avait vu le peu de succès de l’entreprise et entendu les appels poussés par la victime.

Quoique fort ennuyé de ce lâchage. Calot avait du demeurer, car il ne savait comment se débarrasser du suspendu récalcitrant qui, maintenant, gigotait de son mieux, le frappait de ses talons et criait à tue-tête.

A notre arrivée, il le lâcha et s’enfuit, aussi épouvanté d’être surpris que honteux de sa maladresse, car les bandits ont aussi leur point d’honneur, et celui de Calot fut en l’occurrence mis à dure épreuve.

Je chansonnai son vilain exploit, et ces quelques couplets vengeurs furent le seul châtiment infligé à ce bas gredin, d’autant que le condamné qui avait failli devenir sa victime ne tenait nullement à ce que la surveillance se mêlât de son affaire. La raison en était qu’il exerçait un petit commerce : la vente, dans le camp de Montravel, d’une espèce de thé provenant de l’infusion, dans l’eau bouillante, de la feuille du niaouli, arbre très commun en Nouvelle-Calédonie. Ce trafic lui avait permis défaire quelques économies, qu’il n’entendait livrer ni à Calot ni à l’Administration pénitentiaire. Il était aussi prudent que travailleur et ne causait qu’avec mon voisin C…, dont la tenue, malgré l’ambiance, était impeccable.

Libéré peu de temps après, il parvint à s’établir et, aujourd’hui, sa maison est une des plus importantes de Nouméa.

Quant à mon voisin, il parvint h démontrer le mal-fondé de sa condamnation et, en 1889, j’eus le plaisir de le revoir à Paris où il avait trouvé une occupation honorable, en rapport avec sa haute intelligence.

Je n’ai donc qu’à me louer d’avoir accordé mon estime à ces deux hommes, alors que la société les avait marqués du sceau d’infamie. Meilleurs qu’elle et supé¬