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des barricades au bagne

recteur de la Transportation, que la mission dont on l’a chargé, ainsi que son collègue, est remplie ; que le 4.486 est à la disposition de M. le Directeur.

— C’est bien, dit Voisin, et il s’en fut trouver Charrière.

Quelques instants après je comparaissais devant le terrible directeur.

— Ah ! ah ! vous voilà, fameux communard ! c’est ainsi que vous savez reconnaître les bontés que l’Administration a eues pour vous… Du reste, je m’y attendais ; vos actes sous la Commune m’avaient fixé sur votre compte.

« A partir d’aujourd’hui, ça va changer ; je vais vous soigner comme vous méritez de l’être… Comment ! vous profitez de ce que l’Administration vous a envoyé à l’imprimerie du gouvernement pour voler des épreuves et les envoyer dans les détachements de l’intérieur !…

Et à mesure qu’il parlait Charrière s’animait et se rapprochait de moi. Sa face de tortionnaire exprimait à ce moment toute la haine qu’il nourrissait contre les hommes de la Commune ; il s’approcha encore et, de sa voix que la colère voilait :

— Répondez ! Combien de fois avez-vous volé des épreuves ?

— Monsieur le Directeur, dis-je, sans m’émouvoir, je ne comprends absolument pas de quoi il s’agit…

— Vous ne comprenez pas ?… Ah ! gredin ! je vais vous faire comprendre : je m’en charge… Il y a ici quelqu’un qui va vous confondre.

— J’attends ce quelqu’un, monsieur le Directeur, répliquai-je avec autant de calme qu’il mettait de violence à m’interroger.

— Surveillant, faites entrer le témoin.

Je vis apparaître le charretier ; ce vilain drôle, plus embarrassé qu’il ne le voulait laisser paraître, pénétra dans la pièce où nous nous tenions, mais ses yeux évitaient les miens.

Charrière dardait ses regards sur moi, espérant sans doute que la vue de mon dénonciateur me ferait perdre de mon sang-froid. Il fut complètement déçu dans ses calculs : je fixai le nouveau venu et demeurai impénétrable. Rageur, le Directeur s’adressa au témoin :