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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/299

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mémoires d’un communard

— Dites ce que vous savez au sujet des épreuves que ce condamné vous a confiées lors de voire passage au camp de Montravel.

Le délateur narra sa petite histoire, que j’écoutais en souriant, comme si elle ne m’intéressait que très médiocrement ; lorsqu’il eut terminé, Charrière me dit :

— J’espère que vous ne nierez plus maintenant !

— Monsieur le Directeur, des épreuves comme celles dont il parait être question dans le récit que ce condamné vient de faire, tout le monde s’en peut procurer : il suffit pour cela d’aller fouiller les papiers de toute sorte que, chaque jour, on balaie et jette autour de l’imprimerie. Ce vol est une plaisanterie, une histoire à dormir debout.

« Je reconnais volontiers avoir vu ce condammé à Montravel, qu’il m’a dit être charretier et appartenir au camp de Saint-Louis ; il a ajouté qu’il avait été condamné au bagne pour avoir déserté et être passé à la Commune, mais c’était la première fois que je le voyais ; je ne l’avais connu ni à Paris, ni à Toulon, ni à la Nouvelle-Calédonie. J’ignore même son nom [1].

« Dans ces conditions, j’eusse été bien sot de le prendre pour confident, en supposant que je voulusse faire parvenir quoi que ce soit à mes camarades.

« J’ignore le motif qui le fait agir, mais son histoire est aussi invraisemblable que misérable… »

— Alors vous continuez à nier ? gronda le directeur.

— Je répète à nouveau, monsieur le Directeur, que l’accusation est ridicule et qu’elle ne mérite pas qu’on s’y arrête. Envoyez quelqu’un examiner les papiers épars autour de l’imprimerie, et vous vous rendrez compte que les épreuves y abondent.

— C’est bien ; on verra à l’île Nou si l’on peut vous faire changer d’attitude… Surveillants, emmenez le condamné au quai d’embarquement et, dès le départ du premier bateau pour le Pénitencier, qu’on l’y fasse monter.

  1. Cet individu, qui s’était fait l’agent, de délation du chef Doumert, commandant le camp de Saint-Louis, et clérical forcené, s’appelait Chamont.