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Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/337

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mémoires d’un communard

tard, me trouver avec lui à la quatrième classe et travailler à la même carrière. Ce fut lui qui m’apprit à manier la barre à mine, à fendre les blocs de pierre, à les charger sur le wagonnet qui servait à les transporter jusqu’au chantier des tailleurs de pierre.

On voit que le forçat Besançon sut me prouver qu’il ne connaissait pas la rancune et que ses témoignages d’estime étaient sincères.

Que de gens n’en sauraient faire de même à l’égard de ceux qu’ils ont injustement froissés ou attaqués !

Il advint un jour qu’un des condamnés occupés à la réparation de l’outillage aratoire, et qui s’était rendu au bord de la mer pour y couper du bois, aperçut, au milieu des palétuviers, un cotre qui était venu s’échouer là et dont les flancs renfermaient tout un chargement de vivres. De mémoire de prisonnier, semblable aubaine n’avait été offerte à des hommes résolus à prendre le chemin de l’Australie.

C’était là un de ces hasards heureux qu’il serait fou de traiter par l’indifférence quand l’existence est un enfer et que le cœur saigne encore des déceptions éprouvées.

Tout en maudissant mon ignorance en matière de navigation, l’absence d’un ami sûr, capable de nous mener en dehors des récifs et de prendre le large, je n’en résolus pas moins d’agir, et, quelque difficultueuse que fût l’entreprise, essayer de la mener à bien.

J’avisai Lambert, Jolivet, Meyer, Eyraud de la découverte faite par le condamné qui, venu de la déportation, avec deux autres de ses amis et complices, m’avait appris qu’ils avaient jadis navigué et pouvaient nous être d’une grande utilité.

Si peu recommandables que fussent ces individus, il les fallait pressentir au plus tôt, car nul parmi nous n’avait la moindre notion maritime.

Ils acceptèrent d’enthousiasme et, sans plus tarder, nous prîmes la résolution de partir dès que l’appel du soir serait fait, car l’inexpérience de presque tous dans l’appareillage et, par suite, les hésitations dans la manœuvre ne pourraient, de jour, échapper à la vigilance