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des barricades au bagne

en leur recommandant de m’avertir si quelque événement important venait à se produire.

Les rues étaient désertes, nul bruit ne troublait le calme de la nuit ; je marchais lentement, faisant effort pour chasser le sommeil qui m’envahissait et ce fut au moment même où Vinoy et Lecomte se disposaient à aller attaquer Montmartre et Belleville que je rentrai chez moi.

Vers cinq heures, de retentissants appels me font sauter hors du lit et courir à la fenêtre, que j’ouvre rapidement. Un certain nombre de citoyens en armes sont dans la rue et me crient de descendre en hâte.

M’habiller, saisir mon fusil et descendre mes trois étages fut l’affaire de quelques minutes. Là on m’apprit la marche des troupes, l’occupation des quais, celle du Luxembourg par une brigade tout entière.

Et le canon qui devait nous donner le signal de l’attaque était demeuré muet !

Nous délibérâmes sur-le-champ. Il fallait tout d’abord changer à nouveau le siège du Comité, afin de dérouter la police ; ne pas trop s’éloigner du 13e afin, en cas de nécessité, de pouvoir nous replier vers Duval, qu’il fallait prévenir au plus tôt de la situation et du lieu où s’établirait notre nouvelle permanence.

Je proposai de sonner le tocsin pour donner l’alarme à la garde nationale, et je m’engageai à me rendre à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, pendant que d’autres camarades iraient à l’église Saint-Marcel, où nous nous retrouverions, à moins d’empêchements imprévus.

Voulant ensuite nous rendre compte de l’état des choses, nous descendîmes, deux amis et moi, jusqu’au quai Montebello.

Le Petit-Pont, le Pont-au-Double, le pont de l’Archevêché étaient occupés militairement. Près de ce dernier pont, des pièces de canon étaient braquées dans la direction de l’Hôtel-de-Ville.

Comme nous revenions, un général, suivi de son état-major, passa devant nous.

Il n’y avait plus à en douter : la République était en péril, et il fallait agir sans perdre une minute.

Mon ami Beaufils, lieutenant de ma compagnie, de-