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des barricades au bagne

dre, mais nous les tenons en respect en leur disant que, toute résistance est inutile, et que s’ils veulent bien nous remettre leurs armes et nous écouter, ils ne courront aucun danger. Puis, tout en parlant, nous continuons à avancer et les entourons complètement.

Voyant que toute résistance est impossible, ces messieurs consentent à causer.

— Que voulez-vous ? Quelles sont vos intentions ? nous demande le plus grand d’entre eux, dont le képi et les manches de la capote sont ornés de cinq galons.

— Nous entendre avec le chef de la brigade et lui faire connaître le but que nous nous proposons.

— Je suis ce chef, parlez.

— Eh bien, colonel, voici ce que nous désirons, de vous et de ces messieurs. Vous vous rendrez avec nous à la mairie du 5e et vous y attendrez que le gouvernement, renonçant à ses projets de coup d’Etat, accorde à la Commune de Paris les garanties de sécurité matérielle et d’indépendance civique qu’elle est en droit de revendiquer.

Le colonel consulta du regard ses officiers ; puis, nous fixant un instant, répondit :

— J’accepte ces conditions ; rendons-nous donc à la mairie.

Nous sortîmes avec la conviction qu’en traversant le jardin il se produirait quelque incident plus ou moins grave, et nous nous préparâmes à lutter.

Il n’en fut rien ; les officiers, se sentant surveillés, franchirent la distance qui nous séparait du boulevard Saint-Michel sans proférer un mot ni faire un geste. Quelques minutes après nous étions devant la mairie.

La pleine réussite de notre expédition laissait la brigade sans commandement et la condamnait non seulement à l’inaction, mais à l’émiettement, à la dispersion. C’était ce que nous désirions.

Notre arrivée et celle des officiers provoque de bruyantes acclamations, Le citoyen Raff, sergent dans ma compagnie et qui m’aimait comme son fils, me serre les mains avec effusion ; le commandant Féray fait de même ; tous les amis qui m’ont accompagné : Chatel, Fitte, mon frère, dix autres, sont chaleureusement félicités. La joie se lit sur tous les visages.